Déjà une année passée, où en est-on avec le chômage ? , « Pour la transparence des recrutements, mettre fin au favoritisme », « Pour l'association de l'Union des Diplômés Chômeurs dans le traitement du dossier de l'emploi », « Travail, liberté, dignité nationale », « Valets de l'impérialisme, levez vos mains sur la cause »,…sont autant de slogans scandés par les diplômés chômeurs, lors de leur meeting tenu hier à la Bourse de Travail à Tunis. Ils affluaient des quatre coins de la République pour manifester leur frustration et mécontentement face à l'absence de décisions et de signaux forts pouvant mettre fin à leur calvaire et leur procurer de l'emploi. Belgacem Ben Abdallah, devant une salle surchauffée, a exprimé sa fierté de voir toutes les régions représentées dans ce meeting. Certains sont venus de Jendouba, un gouvernorat sinistré et englouti par la misère et inondé de neige. Il aurait aimé que les associations invitées, comme l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH), l'Association des Femmes Démocrates (AFD), l'Association de Lutte contre la Torture (ALT)… soient de la partie. Malheureusement, elles ne sont pas là et manquent le rendez-vous. « Tout le monde parlait de nous avec les larmes. La vérité est que nous avons participé à la Révolution. Nous étions dans les premiers rangs des manifestations. L'élargissement de la base de l'Union des Diplômés Chômeurs (UDC), dérangent certains. L'ancien système est encore en place ». D'ailleurs, le feu a été mis dans le local de l'Union à El Fahs. « Sur notre chemin, avant on rencontrait les épines du RCD, aujourd'hui celles d'Ennahdha », dit –il en ajoutant que « les nouveaux gouvernants doivent savoir que l'Union fédère les diplômés chômeurs quelle que soit leur idéologie ou appartenance politique, comme ceux qui n'ont aucune appartenance politique ou idéologique ». Dernièrement, un sit-in tenu par des chômeurs a été attaqué par des barbus. Le militant de l'Union à El Hamma, Dhaou Msaâdi est en grève de la faim. Deux autres à Tataouine, le sont aussi. L'Union n'est pas seulement une organisation de lutte et de combat, elle représente aussi une force de propositions. Et dans ce cadre, elle agit en élaborant des alternatives, des solutions urgentes et d'autres à long terme. Salem Ayari, coordinateur national de l'Union, explicite ces propositions après avoir brossé un tableau retraçant le chemin parcouru depuis la Révolution. « Depuis le Gouvernement Ghannouchi, jusqu'à l'avènement des nouveaux gouvernants, les choses n'ont pas changé. Le népotisme et l'improvisation restent de mise dans le traitement du plus grand dossier du pays, l'emploi ». La prime « Amel » est une dilapidation des deniers publics. Les chômeurs n'ont que faire de calmants. Ils ont besoin urgemment d'accéder au travail tant désiré. L'Union a opté pour le militantisme civilisé et pacifique, ce qui n'empêche qu'elle avance aussi des propositions. Au mois de Mars dernier, l'Union avait diffusé un communiqué définissant les critères d'embauche. Des propositions écrites ont été faites. Sans résultat. « Au cours de la campagne électorale, nombreux partis politiques se sont comportés avec nous en tant que source de voix pour les élections », déplore Salem Ayari. Cela rappelle, ce que faisait le régime de Ben Ali quand il disait que l'emploi était sa première priorité. Le Coordinateur national de l'UDC, dit : « nous sommes conscients que nous n'allons pas tous travailler, que les moyens du pays sont limités. Nous n'avons besoin d'aide, ni de Qatar, ni des Etats-Unis. Sans remettre en cause la transparence des élections du 23 octobre, l'Union revendique des critères de recrutement clairs et des mesures à adopter avec le secteur privé pour qu'il puisse créer de l'emploi, ainsi que des mesures efficaces permettant aux diplômés de créer leur propre emploi. D'ailleurs, l'UDC a pris l'initiative de rédiger un texte plein d'idées qui peuvent être débattues. Le coordinateur de l'Union, regrette que le premier poste de dépenses dans le budget de l'Etat soit le règlement de la dette contractée par Ben Ali et consorts. Il propose le rééchelonnement de cette dette, puisque la Tunisie passe par une période exceptionnelle et délicate. Le deuxième poste de dépenses du budget de l'Etat concerne l'équipement du ministère de l'Intérieur. « L'emploi est légué à la douzième position avec 0,7% du budget et les dépenses sociales à la quinzième position avec 0,5% », déplore Salem Ayari. Sur les 25.000 emplois dans la fonction publique 12.500 sont destinés à suppléer des fonctionnaires partis à la retraite en décembre. Comment seront-ils recrutés ? Des rencontres de dialogue seront engagées dans les régions dès la semaine prochaine. Elles seront clôturées par un débat à l'échelle nationale. Au terme du mois de mars, au cas où les propositions de l'UDC ne seront pas satisfaites, les moyens de lutte changeront et leur intensité augmentera. Le retour aux sit-in reste une éventualité. Des demandes écrites pour le dialogue ont été envoyées aux différents ministères, seuls les deux ministères de l'Education et de l'Emploi et la Formation professionnelle ont répondu positivement. « L'emploi est un dossier qui ne peut être dissocié des questions de développement. Le développement dans les régions repose sur un listing objectif des possibilités de la région, avec une banque de données claires », affirme le coordinateur tout en déplorant qu'on continue à travailler de façon artisanale. Peut-on créer de l'emploi en continuant sur le même schéma de développement qui a clairement montrer ses limites ?, s'interroge-t-il. Il pense qu'il faut changer totalement de stratégie de développement en donnant plus d'engagements au secteur public qui confine à l'Etat le rôle de moteur et locomotive de développement. L'Union compte poursuivre son combat en comptant sur ses partenaires de la société civile comme l'UGTT. Des partis politiques seront associés dans le débat sur l'emploi que l'Union s'engage à organiser. La main tendue de l'UDC aura-t-elle des réponses positives ? Après le meeting, une tentative de marche pacifique sur l'avenue Habib Bourguiba, qui ne correspondait pas au trajet initial, a été stoppée par l'intervention des agents de l'ordre. La veille, la marche d'Ennahdha n'avait pas été empêchée de traverser cette même avenue et aller devant le théâtre municipal. Hassine BOUAZRA