Par Khaled Guezmir - Il est bien difficile, aujourd'hui, de dire comment les choses peuvent évoluer dans un an ou plus avec les prochaines élections. Mais la scène politique change et même un peu plus vite que prévu. Au niveau d' « Ennahdha » et son gouvernement, appelons les choses par leur nom, la manœuvre passe par certains paramètres, avec pour objectif non seulement de conserver le pouvoir mais d'essayer de le consolider. Pour cela, il va falloir renflouer la trésorerie par de l'argent frais et liquide qui ne peut parvenir que de l'emprunt extérieur ou de dons des pays frères et amis et ce, pour calmer la grogne sociale et surtout intervenir rapidement au niveau des urgences locales, régionales et nationales. Pour la politique, «Ennahdha» ne se fait pas de soucis, sa mobilisation structurelle est intacte parce que faite par des « militants » et non des « mercenaires » au sens antique du terme. L'institution de la « Troïka » est aussi des plus commodes, les plus critiques diront que c'est la coalition de façade entre le noyau central qui compte véritablement et la périphérie qui est bel et bien mise sous tutelle parce numériquement insuffisante et de plus en plus affaiblie par la défection de plusieurs cadres et adhérents qui ne se reconnaissent plus dans leurs partis initiaux. A l'opposé on s'achemine vers l'unification d'au moins trois grandes familles, toutes centristes. Le Centre gauche avec Attajdid, le pôle démocratique et le parti du travail, le Centre libéral et social constitué par le PDP, Afek Tounès et le Parti républicain, et enfin, les Destouriens héritiers du Néo-Destour de Bourguiba et qui estiment que leur parti prestigieux et principal artisan de l'indépendance et de la construction de l'Etat national moderne, a fait l'objet, comme tout le reste des constitutions et de l'Etat, d'un véritable « hold-up » de l'ancien dictateur et de ses alliés, en en faisant le « RCD ». Reste le problème principal qui tourne essentiellement autour des concessions de ces trois derniers mouvements aussi bien au niveau de l'idéologie mais aussi des programmes de développement et surtout du leadership. Par ailleurs, en politique, il faut des leaders charismatiques et fédérateurs capables d'assumer la mission de commandement et jouer le rôle de locomotive pour l'ensemble des élites aspirant à un rôle dirigeant dans la société. Le scénario n'est pas aisé ni de tout repos et les fissures sont toujours prévisibles et même probables. Beaucoup, à l'image de la « Troïka » pendant le premier mois de ses consultations, chercheront à vendre la peau de l'ours avant même la reconquête du pouvoir. Il va falloir, par conséquent, opérer dans la chirurgie et même dans la douleur ! Les cadres influents de ces partis et qui estiment être méritants pour services rendus d'abord à leurs partis et à la nation du temps de la lutte contre la dictature, ne peuvent pas tous être membres du « bureau politique » et du comité central d'un parti d'opposition unifié regroupant l'ensemble des trois familles précitées. Le dégraissage s'impose et les ambitions des uns et des autres doivent être revues à la baisse, ce qui laisse présager de possibles défections et de mécontents qui iront chasser ailleurs. M. Béji Caïd Essebsi peut-il peser dans tout cela pour conduire à bien la renaissance d'un parti du centre unifié, avec ses trois moteurs à l'image d'un aéronef qu'on doit remettre à niveau pour voler de ses propres ailes et constituer une solution d'alternance démocratique crédible. L'idée peut germer et, éventuellement, aboutir à ce qui pourrait être une nouvelle « transition » vu l'âge de Si Béji, mais un peu plus longue à savoir un mandat présidentiel de cinq ans, encore que ce combattant hors pair n'a pas l'air de plier aux affres des années. Les temps actuels sont à la responsabilité. En politique comme ailleurs, on ne peut pas tout avoir. Il va falloir faire les choix dans la douleur comme le dit feu Si Mahmoud Messaâdi, dans son maître ouvrage « Assud » (Le barrage). La politique comme les arts ne fleurissent que dans la douleur et ce depuis la nuit des temps antiques. Messieurs, dames… faites vos jeux ! Le temps presse et l'alternance démocratique a un prix… !