« Appeler les femmes « le sexe faible » est une diffamation ; c'est l'injustice des hommes envers les femmes. Si la non-violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes » Ghandi Les soulèvements, les turbulences et les révoltes dans le monde arabe, depuis plus d'un an, voient l'émergence d'une nouvelle donne : les femmes sont, tout comme les hommes, les artisanes d'un mouvement de contestation qui s'amplifie. On les a vues dans les manifestations à l'intérieur du pays, dans nos villes et nos villages. On les a vues battre le pavé, le 14 Janvier 2011, lors de l'embrasement de la colère contre le dictateur et son clan. On les a entendues clamer les slogans révolutionnaires, exprimer leur désir de démocratie. On les a vues, sur les écrans de télévision, en Egypte, en Lybie, au Yemen, , en Algérie, au Maroc, à Bahrein, en Syrie. Partout, elles ont activement participé à ces révolutions et se sont engagées dans un nouveau combat : l'accès à la démocratie, aux droits fondamentaux et aux libertés. Adolescentes, femmes plus âgées, femmes de toutes conditions se sont mêlées aux hommes pour faire barrage à des dictatures interminables qui, pour la plupart, les ont privées de jouir des droits élémentaires et des libertés essentielles : droit de manifester, de voter, de s'exprimer. Elles se sont érigées contre l'inégalité, l'injustice, l'oppression, en tant que femmes et militantes pour la cause féminine. De multiples obstacles s'opposent à ces aspirations légitimes tels que l'ignorance, les mentalités moyenâgeuses, les forces obscurantistes et rétrogrades, les « …Siècles d'infini servage qui pèsent encore lourd sur la terre ». Le chemin est encore long pour certaines, mais cela n'empêche pas les femmes d'Arabie Saoudite, du Yemen, des pays du Golfe, de lutter pour leur indépendance et leurs libertés. Les femmes tunisiennes ne seraient pas les plus à plaindre, vu les avancées que la condition de la femme a connues depuis toujours, grâce à la scolarisation, à une élite érudite et savante, aux mouvements féminins au début du vingtième siècle, comme le mouvement zeitounien, à des penseurs, écrivains et leaders politiques. Mais, voila que depuis quelques mois, un danger guette ces acquis précieux. Si les femmes arabes tentent de marcher sur nos pas, nous avons peur que la terre ne se dérobe sous les nôtres. Les femmes sont devenues la cible privilégiée d'un archaïsme religieux, d'un obscurantisme se réclamant d'un Islam dévoyé cherchant à aliéner la femme, à en donner une image dégradante, une silhouette improbable, sans identité, dans le déni d'elle-même, invisible, opaque, masquée, une ombre dans l'ombre. Elle est présentée comme « le modèle » de la « bonne musulmane », excluant toutes les autres, désignées dans un langage d'une violence inouïe par des termes sexistes et péjoratifs « des débauchées, des impies ». L'immixtion du religieux dans la vie politique est un phénomène inquiétant et très préoccupant, d'autant plus que cette focalisation obsessionnelle sur le corps féminin élague tous les problèmes cruciaux : le chômage, la pauvreté, les inégalités régionales, la réflexion sur la future Constitution, l'indépendance de la justice… La femme est loin d'être considérée comme citoyenne à part entière, jouissant des mêmes droits que l'homme et participant au progrès du pays, ce qui est en contradiction totale avec notre Constitution. Le président de la république n'a-t-il pas désigné les femmes tunisiennes par une périphrase « les niqabées, les voilées, les dévoilées » introduisant une frontière religieuse entre les citoyennes. Un représentant de la Constituante n'a-t-il pas proposé de s'inspirer de la « chariaa » dans la future Constitution ? Propos inutiles et graves quand on sait que c'est, surtout, le Code du Statut Personnel qui est visé. La crainte et la colère grondent car certains semblent renier et remettre en cause les acquis progressistes et modernistes qui ont permis aux mentalités d'évoluer et au pays d'avancer. Ces positions équivoques ne participeraient-elles, entre autres raisons, à un phénomène tel que les violences faites aux femmes ? Les résultats de la dernière enquête confirment l'existence d'un sexisme non moins préoccupant, la discrimination et la marginalisation des femmes au quotidien. Evidemment, il faut une véritable prise de conscience de nos gouvernants de la gravité de la situation, d'une décision politique afin d'endiguer les débordements, d'un travail acharné pour permettre à la justice de jouer, pleinement, son rôle et d'une volonté ardente de sauver, de maintenir et d'améliorer le Code du Statut Personnel de toutes les dérives qui le menacent Le rôle de la société civile est déterminant car elle demeure la garante des droits et des libertés. Elle doit se battre pour que cessent les discriminations sexistes, pour que les femmes ne soient pas objet de prédation, pour qu'elles ne soient pas rabaissées et aliénées, pour que, jamais, le sourire d'une petite-fille ne soit fané, pour que les conditions de vie et de travail soient dignes, pour que la parole féminine ne soit, jamais, confisquée, pour que la religion ne soit pas instrumentalisée, pour que les forces des ténèbres soient vaincues, pour que la nouvelle Constitution ne fasse pas de différences entre les citoyens à cause de leurs diversités ou de leur sexe, se battre pour résister aux dérives, pour créer un état de droit, pour construire ensemble une démocratie. Un combat pour les libertés, les droits, l'égalité et la dignité. L'indignation est nécessaire, la résistance est une responsabilité historique pour s'émanciper ensemble. Femmes du monde arabe, attention, c'est votre révolution.