Autour de mes 13-14 ans, j'ai appris avec les copains de familles aisés ce que " argent de poche " veut dire. A la sortie du collège, on s'aventurait sur les larges avenues de la ville dite alors " Européenne " . Qui s'arrêtait devant un glacier, qui hélait un marchand ambulant de " caldi ", sorte de pâté fourré au fromage tenu au chaud dans un coffret hermétiquement clos, qui encore se donne déjà au tabac en se permettant de fumer une cigarette de luxe achetée au détail... Ma famille à moi, loin d'être aisée (et c'est une litote ! ) , je ne pouvais oser lui demander le moindre pécule sans raison. J'ai fini par me retrouver seul avec mon père qui ne connaissait pas un mot de français et, lui traduisant littéralement en arabe la fameuse expression argent de poche, j'ai réussi à lui en expliquer l'utilité et même la nécessité afin que je puisse rester " en cohérence " avec mes amis dans ma vie de collégien. Père m'avait écouté, le visage placide, et j'ai cru deviner même qu'il compatissait et allait même décider d'inscrire cette nouvelle rubrique dans le minuscule budget familial. Quand il a parlé, j'ai senti l'effet d'une douche froide et beaucoup de honte : - Argent de poche ? Ai-je bien entendu ? ...Ecoute-moi fiston, ne sais-tu pas que j'en suis avec vous à la recherche au jour le jour de " l'argent de bouche " ? Flûss el fum!