Par Youssef SEDDIK - En partance pour le Maroc depuis l'aérodrome d'Orly, je me rends compte à la dernière minute et face au guichet de contrôle de police que je venais de perdre ma carte de résident. Plus le temps de faire marche-arrière et d'obtenir au moins ce qu'on appelle absurdement « un certificat de perte ». L'avion chauffait ses réacteurs et s'apprêtait à décoller. En désespoir de cause, je me lance dans une confession inutile en face du fonctionnaire de police et lui fais part de mon drame. A ma grande surprise, il se montre compatissant et appelle son patron qui daigne m'écouter et me tient ce docte discours, étonnant de la part d'un flic : -Ecoutez-moi mon pauvre bonhomme, vous êtes en plein Kafka… Nous ne pouvons que vous laisser partir avec votre vert passeport mais une fois au Maroc, qui n'est pas votre pays, vous n'avez personne pour vous établir un document vous permettant de revenir en France. Supposons que vous sacrifiez votre billet de retour et que vous rentrez dans votre pays, la Tunisie. Le service consulaire à Tunis ne pourra rien pour vous, puisque vous n'avez aucun statut justifiant vos ressources dans votre pays natal. Vous dites bien que vous êtes en France depuis trente ans, n'est-ce pas ? Moi je vous crois, mais allez en persuader l'interface informatique qui reçoit des demandes de visa. Je ne vois vraiment pas ce que vous pouvez faire ! J'étais déchiré entre mon envie d'admirer la clarté mathématique de l'exposé et les deux hôtesses qui me pressaient de rejoindre l'aéronef. On me fourre dans l'avion. Ceinture de sécurité et décollage immédiat. Je pensais à toutes les personnalités françaises que j'ai eu la chance de connaître, et examinais portrait par portrait mes chances de convaincre l'une d'elles de me « pistonner », tel les dieux ou déesses de l'olympe, à sortir de cette errance méditerranéenne qui m'attend quand, palpant la doublure de ma veste, je tâte un objet dur non-identifié dans une poche secrète de ma veste. Waou ! J'ai trouvé ma carte de résident et mon plan de vol reste inchangé. Fi de tous les Dieux païens de l'olympe et d'ailleurs.