Cette avenue, Avenue Habib Bourguiba, a vécu les moments épiques, historiques, un certain 14 janvier 2011. L'Avenue, portant le nom emblématique de celui qui n'aimait pas la « foule » quand il était fâché contre son peuple, a pourtant décrété la chute du régime déchu. On comprend qu'Ali Laarayedh se sente comme un intrus dans un ministère insondable, compliqué et de tout temps soutien des régimes. On comprend qu'il s'aligne du côté de ses troupes pour les rassurer quant à ses bonnes intentions et pour qu'elles comprennent qu'il n'est guère animé de réminiscences vengeresses. On comprend surtout qu'il veuille se faire une carapace d'homme d'ordre et qu'il cherche à rétablir la sécurité à l'intérieur des villes et, surtout, au niveau de cette avenue où les Salafistes ont dépassé toutes les limites de la décence citoyenne. Tout cela on le comprend. Mais nous savons aussi que ses services l'avaient prévenu qu'il y aurait une manifestation pour la commémoration des martyrs du 9 avril 1938. Du coup, il a craint l'amalgame. Il a craint que les martyrs ne s'entre-mêlent. N'y a-t-il pas eu les martyrs du 14 janvier ? N'y a-t-il pas eu les martyrs de Bab Souika ? Ceux de Sousse ? A l'évidence le mot martyr prend aujourd'hui des déclinaisons dangereuses. Quelque part leur ombre fait peur. Car d'un côté, le gouvernement a peur que les manifestants ne fassent du contexte un prétexte. En face la société civile tient à son droit à manifester et ose braver la folie furieuse des Salafistes qui ne reçoivent jamais de coup de matraque au dos, ni ne respirent le gaz lacrymogène. Triste commémoration. Les martyrs du 9 avril 1938 de nouveau martyrisés. Voilà l'image qui nous donnons du soulèvement du jasmin au monde : le retour de la matraque et de la répression policière !