Doit-on, cette fois, donner définitivement crédit à ce que vient de déclarer Cheikh Rached ? Nous écrivions, samedi, sur ces mêmes colonnes qu'il tenait à lui, à Jebali et à Laarayedh de juguler cette mouvance salafiste. Une mouvance aveugle, qui se dresse – dans leur esprit – contre ce que l'Islam a de plus humaniste et de plus tolérant et refusant dans sa logique carrément intégriste toute acceptation de l'Autre, toute forme de dialogue des religions et toutes les valeurs humanistes de l'art. On comprend bien que Cheikh Rached aurait aimé disposer de plus de temps pour institutionnaliser le mouvement salafiste et, au besoin, le mettre au pas, c'est-à-dire, en bloc, en faire une aile ultra-radicale d'Ennahdha. Mais ce n'était plus possible : les Salafistes sont trop pressés de draper leur fanatisme et leur xénophobie d'une Chariaâ qu'ils ne connaissent pas en réalité. Cet empressement risquait, dans l'immédiat, de ruiner les plans d'Ennahdha. Celle-ci n'est pas prête de lâcher du lest et après le triomphalisme du 23 octobre, le difficile apprentissage du pouvoir et l'émergence d'une société civile qui culpabilise, voilà qu'elle apporte de l'eau à son moulin parce qu'elle craint pour sa permanence. Le tabac que fait un Béji Caïd Essebsi rassembleur centriste de forces pourtant aux idéologies anti-thétiques prouve que la Troïka aura du pain sur la planche aux prochaines élections et qu'Ennahdha n'est déjà plus transcendée par la grâce divine. Tactiquement donc, Cheikh Rached prend ses distances vis-à-vis des Salafistes, lançant au passage quelques avertissements à leur leader, et proclame la pérennité de l'article 1er de la Constitution de 59. Grande concession. A contre-cœur sans doute. Parce que l'ombre de Bourguiba hante cet article. Mais le leader d'Ennahdha avait un choix à faire. Reste à savoir si c'est stratégique ou tout simplement tactique.