Après la ratification du Protocole facultatif à la Convention Contre la Torture des Nations Unies (OPCAT), le 28 juillet dernier, la Tunisie devra, aujourd'hui, instaurer, le plus tôt possible, un mécanisme national de prévention contre la torture. Pour ce faire, l'OMCT (Organisation Mondiale Contre la Torture), a organisé une table ronde, avec la participation de l'OCTT (Organisation Contre la Torture en Tunisie) et l'APT (Association pour la Prévention contre la Torture) avec le soutien du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice Transitionnelle. Divers représentants de la Société civile, des autorités locales et des experts nationaux et internationaux ont répondu à l'appel de l'OMCT.
Respect des droits humains des détenus
Afin d'abolir le régime répressif de Ben Ali et de garantir les droits de l'Homme, il faudrait veiller à ce que les détenus soient traités humainement et que le système tortionnaire d'antan soit éradiqué. C'est là où le rôle fondamental de la Société civile et des ONG est intrinsèque au fondement d'une patrie respectueuse des droits de l'Homme les plus élémentaires. Selon l'association internationale de soutien aux prisonniers politiques, ils sont 105 prisonniers d'opinions à avoir succombé à la torture dans les prisons de Ben Ali. Trois d'entre eux, ont été libérés et se sont, pourtant, suicidés accablés par le fardeau du supplice psychique et physique qu'ils ont enduré. Tout un chacun sait que les prisonniers, sous le régime défunt, étaient traités impitoyablement, surtout les prisonniers d'opinion et les opposants politiques. Leur séjour en prison était un clavaire infernal et le traitement était d'une férocité outrageuse et indicible. Les motifs de l'emprisonnement étaient révélateurs d'un Etat irrespectueux du droit à la liberté d'expression, à la pluralité politique et au libre arbitre. On purge sa peine pour avoir osé appartenir à une ONG non autorisée, à un parti politique opposant au pouvoir ; pour avoir participé à des réunions ou colporté des prospectus d'ordre politique. Les prisonniers d'opinion n'avaient nullement le droit à un procès équitable et étaient directement claustrés. Quant au climat de détention, il était dépourvu de toute relation humaine ou dignité. Placés dans des mitards coupés de tout contact ou des cellules exigües et surpeuplées, les prisonniers manquaient cruellement de vie digne. Pour ce qui est de la torture, c'est une autre paire de manche ! Une palette de méthodes tortionnaires leur étaient administrée. Torture psychique et physique, les prisonniers d'opinion étaient, pour le moins que l'on puisse dire, bien servis. On les ligotait, les isolait et les privait de tout contact avec le monde extérieur (interdiction de lire, de regarder la télé, de voir ses proches, etc.). En somme, un traitement dont l'objectif final est d'enlever toute existence humaine et toute dignité aux prisonniers de manière à ce qu'ils perdent le nord et soient détruits psychologiquement. Pourtant, nos textes de loi, relatifs au statut des détenus, sont conformes aux normes internationales qui veillent à la sauvegarde du traitement humain des détenus. La Tunisie a, en effet, signé le Pacte international adopté par les Nations Unis, pour ce qui est des droits politiques et civils des prisonniers. Et pourtant ! Cela n'a pas empêché, durant la dictature benalinienne, la violation des droits de l'Homme. L'enjeu, aujourd'hui, est comment garantir l'application de ces lois et prévenir contre la torture ?
Garder l'œil sur les lieux de détention
L'OMCT, créée depuis 1986 à Genève, est l'une des organisations internationales qui militent pour les droits humains en luttant contre la torture, le traitement dégradant de l'Homme et l'impunité. L'OMCT Tunisie, après avoir récemment ouvert son bureau tunisien, œuvre depuis des mois pour installer un système de prévention contre la torture, un mécanisme qui soit permanent et rigoureux. Après la première consultation nationale qui a eu lieu à Tunis, les 9 et 10 février dernier, l'OMCT Tunisie élargit son réseau et travaille en collaboration avec d'autres organisations tunisiennes qui militent pour les droits humains et la lutte contre la torture, à l'instar de l'OCTT et l'APT. Premier fruit de cette collaboration : installer un mécanisme national de prévention contre la torture et le mauvais traitement des détenus. En effet, durant une journée entière, une table ronde a été organisée entre les trois organismes pour débattre quant à l'urgence d'une commission indépendante mandatée pour visiter périodiquement les lieux de détention et contrôler le traitement accordé aux prisonniers. Cette instance de prévention contre la torture devrait être indépendante et permanente. Tous les présents à cette journée, se sont entendus sur le fait que ce mécanisme est fondamental pour construire un plan d'action assez drastique et dense pour lutter contre les mauvais traitements des détenus en Tunisie. Ils, les experts internationaux et locaux, ont insisté sur l'importance de l'indépendance et la neutralité de cette instance. D'un commun accord, on a légué aux experts présents le rôle de chercheurs et de décideurs quant à la question du budget, des membres et de la structure de cette commission. Le rapport sera rendu public lors d'une prochaine consultation nationale. Melek LAKDAR