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Du méli-mélo ou un vaudeville à la tunisienne
Procès Nessma - verdict, le 3 mai
Publié dans Le Temps le 20 - 04 - 2012

Il semblerait que le film Persepolis a donné naissance à un dilemme cornélien. Un mélodrame dérisoire des temps modernes qui verse dans le sentimentalisme et l'absurdité la plus absolue.
Tandis que la Tunisie postrévolutionnaire se débat pour réussir, tant bien que mal, son processus démocratique, on exécute le débat et on se plait à trainer en justice le directeur d'une chaîne privée pour avoir diffusé un film déjà projeté dans nos salles de cinéma et autorisé par le parquet général…
Se complait-on dans les mélodrames ?
Hier, les Tunisiens avaient de nouveau, rendez-vous avec le quatrième acte du vaudeville intitulé «Procès Nessma Tv». Si l'on a respecté l'unité du lieu et celle de l'intrigue, celle du temps et de la bienséance ont été «bafouée».
Que cela soit à l'intérieur du tribunal de première instance de Tunis0 où devant le palais de Justice, le ton était aux tiraillements et à la controverse. Des Pro Nessma et des Anti-Nessma s'en donnaient à cœur joie. Face à face, les deux camps «adverses» scandaient leurs slogans. Plusieurs sons de cloche se faisaient entendre. Un martèlement d'avis opposés révélait une situation bipolaire provoquée par un film, le célèbre Persepolis… Un film qui a fait couler beaucoup d'encre.
Au «Dégage médias de la honte !» répondait le «En avant la libre expression ! »
A l'intérieur, l'ambiance n'était nullement différente. Le procès qui s'est déroulé toute la journée, a été sous haute surveillance. L'accès à la salle d'audience était hautement filtré par les policiers. Mis à part les avocats et les journalistes, personne n'avait le droit d'assister au procès.
Quand les avocats disent leur dernier mot !

Maître Chokri Belaïd (avocat de la défense et leader du Mouvement des Patriotes
Démocrates (Watad)
«Ce procès est politisé et marquera l'Histoire de la justice tunisienne. On veut faire de la Tunisie un nouvel Afghanistan en imposant le retour de la répression idéologique et politique».
«Ce procès n'a pas lieu d'être. Il s'agit d'une tentative de voiler la Tunisie, de l'obliger à porter la burqua de l'ignorance et d'en faire un pays sur mesure à leurs aspirations orientalistes. Les avocats de la défense et moi avons montré le déficit judiciaire. Le texte de loi, le motif de l'arrestation, toute la procédure et l'ordonnance d'accusation, l'absence du crime sont des éléments assez éloquents ! Le parquet général a ouvert le dossier maintenant alors que le film a été déjà projeté dans nos salles de cinéma avec un visa officiel de la commission de vérification. Je tiens à rappeler que cette commission est composée entre autre d'un représentant du ministère de la Justice, qui est (le ministre de la Justice) est le président du parquet général ; chose qui est contradictoire. Je soutiens que toute cette histoire de procès est politisée. Les objectifs sont assez patents : réprimer la liberté d'expression et faire régner de nouveau la dictature de la censure. Ce procès est tout simplement une mascarade qui veut faire croire aux Tunisiens que leur croyance est en péril. C'est un groupe de personnes qui se jouent de la chose la plus intime qu'est la religion pour en faire une propriété individuelle ou un outil de répression. On est aujourd'hui face à un dilemme. La Tunisie sera le pays des droits, des lois, des libertés, de la démocratie et de la citoyenneté grâce à une magistrature neutre et posée, ou bien elle sera la demeure de l'anarchie, de la dictature et de l'absolutisme.»

Maître Zéhi (Avocate de la partie civile)
«Tout ce que je désire c'est que Nessma soit jugée coupable ! Peu importe si la punition viole la liberté d'expression ! C'est une question de principe.»
«Tout ce que je désire c'est que Nessma soit jugée coupable ! Peu importe si la punition viole la liberté d'expression ou qu'elle soit une amende! C'est une question de principe. Le seul fait de diffuser un film pareil, avec des images personnifiant Dieu et traduit en dialecte tunisien, c'est un crime. La projection de Persepolis sur nos écrans, et surtout dans un pays musulman est une provocation. Je ne pense pas qu'il y aurait des Tunisiens qui soient contre mon avis. Pour nous, ce film viole nos principes et nos convictions les plus intimes. Cette règle s'applique pour toutes les religions et les croyances. Le respect des convictions religieuses est sacré et est intouchable. Même pour la minorité, nul n'a le droit de violer ou de souiller l'image divine. En Inde, on respecte les vaches par respect aux croyances de la minorité hindoue qui sacralisent cet animal, que dire de Dieu et d'un peuple réuni autour de la religion musulmane ! Comment ose-t-on diffuser un film dans lequel on personnifie Dieu et on le compare à un vieillard laid ! Je regardais le film en compagnie de ma petite fille, laquelle j'éduquais à certaines valeurs religieuses dont la non-personnification de l'être divin ! C'est pourquoi en tant que citoyenne tunisienne et qu'avocate, je blâme cette chaîne pour atteinte à nos valeurs du sacré. Je la plaide coupable afin que ça serve de leçon !»
Artistes, politiciens et Société civile : le procès est un prétexte pour bâillonner les libertés d'expression et de création

Mokhtar Laajimi (Cinéaste)
«Comme l'a bien dit Nietzsche : Un idéaliste ne peut s'améliorer: si on le précipite de son ciel il se fait de l'enfer un idéal»
«Je suis là pour soutenir la liberté d'expression et de création. Sincèrement, je trouve que ce procès n'a même pas lieu d'être ! Surtout pas après le 14 janvier ! On en a fait tout un plat pour rien. Franchement, on n'a pas besoin de ça, on a bien d'autres soucis plus urgents. Les choses auraient pu se passer autrement au lieu d'en arriver au procès. On aurait pu se baser sur un débat national médiatisé. Recourir aux tribunaux réinstaller de nouveau la peur et met en péril la liberté d'expression. Des risques de censure planent de nouveau sur le paysage médiatique et artistique. Il faudrait comprendre que tout acte créatif n'est point prémédité et n'a nullement l'intention de toucher au sacré. Devra-t-on s'autocensurer de peur que notre art soit mal interprété ? Devra-t-on s'auto-imposer une police répressive ? Nietzsche disait : « Un idéaliste ne peut s'améliorer: si on le précipite de son ciel il se fait de l'enfer un idéal »… on est censé être dans l'ère de la liberté de création et d'expression, une liberté dont on doit jouir intelligemment et prudemment, sans tomber dans l'anarchie. L'urgence, aujourd'hui, est de nous pencher plus sur les vraies anomalies qui minent notre société à savoir le chômage et la crise économique. Il faut tout simplement passer l'éponge. Arrêtons cette mascarade et allons à l'essentiel !»

Nozha Shili (Association des Femmes Démocrates)
«C'est un procès qui ne devrait même pas avoir lieu !»
C'est honteux que l'on soit ici ! C'est un film qui a un visa depuis 2009, qui a été projeté dans nos salles de cinéma depuis belle lurette. Persepolis est même passé dans l'espace Mad'Art. Pourquoi on tient à enfoncer Nessma Tv ? Maintenant, toutes les libertés sont remises en question. De plus, je viens d'apprendre que l'un des avocats a demandé la peine de mort ! Là, on marche vraiment sur nos têtes ! En 2012, on demande la peine capitale pour un directeur de chaîne privée pour un film! Il suffisait pour les spectateurs qui ne sont pas d'accord de zapper ! On n'oblige personne à regarder une émission ou un film !»

Jaouher Ben Mbarek (Doustourna)
«Ce procès est un feuilleton médiocre et dérisoire !»
«On est là pour soutenir la liberté d'expression sous toutes ses formes. On soutient la chaîne Nessma Tv contre ce procès d'opinion, un procès que je qualifierais de dérisoire. Je ne suis pas là pour soutenir une personne bien précise mais pour défendre l'indépendance des médias et l'expression libre l'opinion affranchie. Ceci est le premier test pour la liberté d'expression après la Révolution. Tout mon vœu c'est que cesse ce feuilleton médiocre !»

Emna Mnif (Kolna Tounes)
«C'est un procès à portée politique !»
«On n'est pas là pour influencer le travail des magistrats, car nous croyons en l'indépendance de la magistrature. Or, on est là pour dénoncer un procès d'opinion prémédité. En tant que représentante de la Société civile, je soutiens qu'il faut se mobiliser pour suivre ce procès, non pas pour influencer le cours de la justice mais plus parce que nous considérons que ces délits d'opinion sont une sorte d'avertisssement et d'intimidation pour la liberté d'expression et de la création. Ce genre de procès peut inciter à l'autocensure parce que finalement la crainte est que les créateurs, les médias ou les artistes ne sachent plus où se trouvent les limites de ce qui pourraient les exposer à la vulnérabilité. Or, la liberté d'expression est indivisible et elle ne peut pas être limitée par les appréciations des uns et des autres !»
Melek LAKDAR

Les avocats de la défense unanimes à plaider l'absence d'infraction
Un des avocats de la partie civile traite Nabil Karoui d'homme «au-dessous de la normale»
Dans une salle bondée, malgré les entrées filtrées par un service d'ordre musclé, le tribunal de première instance de Tunis a poursuivi l'examen de l'affaire Nessma, dans laquelle, est impliqué Nabil Karoui, directeur de la dite chaîne avec deux de ses employés, à savoir le chargé du visionnage et son assistante.
A l'audience précédente en date du 23 janvier 2012, le tribunal avait renvoyé l'affaire à la demande des avocats de la partie civile pour préparer leurs conclusions.
Le président ainsi que ses assesseurs portaient le brassard rouge conformément à la décision de l'AMT, de le faire pendant une semaine, en signe de protestation contre le retard mis par le gouvernement à promulguer une loi instituant une Instance Indépendante de la magistrature. (Soit dit en passant le substitut du procureur, ne portait pas de brassard.)
Sur le banc des accusés on pouvait reconnaître Nabil Karoui qui était flanqué de ses deux agents et co-accusés, tous en état de liberté.
Accusés de quoi au fait ?
En bien pour atteinte au culte et aux valeurs du sacré ainsi que pour atteinte aux bonnes mœurs et trouble à l'ordre public.
Qui a porté plainte et dans quel intérêt ?
Un groupe d'avocats a présenté une requête en ce sens auprès du parquet contre le représentant de Nessma en vue de le poursuivre personnellement ainsi que tous ceux qui s'avéreront complices par quelques moyens que ce soit.
Mais en fait, au nom de qui ce groupe d'avocat a déposé cette requête ? Au nom de l'ordre public répondront les avocats et dans l'intérêt général.
Ladite requête a quand même abouti, le procureur ayant déclenché l'action publique en inculpant Karoui et ses complices avant de confier le dossier à un juge d'instruction. L'affaire a pris alors une tournure assez grave, après l'arrestation du directeur de Nessma, pendant quelques jours puis remis en liberté par le président du tribunal.
A l'audience d'hier les avocats de la défense ainsi que de la partie civile étaient aussi nombreux les uns que les autres.
Les avocats de la partie civile : Nous défendons l'intégrité de la Divinité
Me Laâbidi a insisté sur le fait que la représentation de la Divinite est blasphématoire en elle-même, car Dieu ne doit en, aucun cas être représenté.
Alors que Me Saïfallah Makhlouf a déclaré que quand bien même il s'agisse de l'imaginaire d'un enfant, cela ne doit pas être représenté car il affecte l'imaginaire de tous les enfants de l'âge de la fillette du film, encore innocente et influençable.
Me Barkati quant à lui, a déclaré qu'il est du devoir de tout musulman de défendre la Divinité en citant le verset 7 de la Sourate Mohammad «O vous qui croyez ! si vous fâites triompher la cause d'Allah, Il vous fera triompher et raffermira vos pas.»
La cause d ‘Allah est quand même plus importante que celle de Karoui , « un simple être humain, qui est en dessous de la normale, de surcroît ! »
Suite à quoi un brouhaha s'élève dans la salle à titre de protestation.
Un autre avocat de la partie civile intervient pour sauver la mise en expliquant au président du tribunal, que son confrère n'était pas de mauvaise intention. Il voulait dire que tout être est insignifiant par rapport à la Divinité.
Me Barkati a fini par se ressaisir en s'excusant et en affirmant mordicus qu'il n'avait aucunement mal l'intention de blesser qui que e soit.
Le président du tribunal a rappelé l'assistance à l'ordre en menaçant de vider la salle si le chahut persistait.
Les avocats de la défense : Aucun acte blasphématoire ni aucune atteinte à la Divinité : Dieu n'a pas besoin de défenseur !
Me Faouzi Ben Mrad a été parmi ceux qui ont démontré l'absence totale d'infraction, tant sur le plan juridique que sur le plan religieux.
Il s'agit dans ce film, a-t-il expliqué d'une fillette qui s'en est pris à l'enfant dont le père était un abominable sanguinaire. Sa mère lui ayant fait le reproche,elle ne savait plus à qui se vouer. D'où la scène incriminée du film où elle s'adresse a Dieu. Un Dieu représenté d'après l'imaginaire de la fillette. Il n'y aucun blasphème à cela, a-t-il expliqué.
Toutefois, sur le plan juridique les accusés sont poursuivis en vertu des article 121 et suivants, devenus caducs avec la promulgation du nouveau décret-loi sur la liberté de la presse en novembre 2011.
L'article 53 de ce décret-loi, ne prévoit pas de peine de prison en cas d'atteinte à l'intégrité morale des personnes.
Tous les avocats de la défense, que ce soit Mes Radhia Nasraoui, Mokhtar Trifi, Abdellatif Mamoghli et plusieurs autres, ont été unanimes à affirmer qu'il n'y a aucun acte blasphématoire ni aucun trouble à l'ordre public. Celui-ci doit être déclenché par le procureur de la République.
Pour toutes ces raisons ils ont demandés l'acquittement pur et simple de leurs clients.
L'affaire a été mise en délibéré pour le 3 mai prochain.


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