• Report du procès au 3 mai prochain Le procès intenté à l'encontre de Nabil Karoui, directeur de la chaîne satellitaire privée «Nesma TV», a été reporté de nouveau au 3 mai prochain, date coïncidant avec la célébration de la Journée mondiale de la liberté d'expression. Accusé, ainsi que deux de ses employés, d'avoir diffusé, le 7 octobre dernier, le film d'animation franco-iranien Persepolis, doublé en dialecte tunisien, ayant comporté des séquences jugées attentatoires au culte et aux bonnes mœurs. C'est que ces scènes ont été considérées blasphématoires à l'égard de l'Islam, étant donné qu'elles ont osé personnifier Dieu. Dès lors, ce film n'a pas manqué de susciter des réactions politiques et citoyennes assez controversées. L'audience a repris, hier matin, dans un climat de haute tension. Devant la salle n°10 au Tribunal de première instance de Tunis, une foule considérable s'est massée, au milieu d'un renfort militaire et sécuritaire. Journalistes, hommes politiques et diverses composantes de la société civile ont été au rendez-vous. Majoritaires sont ceux venus afficher leur soutien à l'accusé, alors que certains ont campés sur leur position d'indignation, jugeant le directeur de la chaîne de «mécréant». A l'intérieur de la salle exiguë, plusieurs personnes n'ont pu y accéder. L'atmosphère était lourde et électrique. D'emblée, l'on a d'ailleurs remarqué des divergences d'avis et d'opinions. Au cours de leurs plaidoiries, les avocats de la partie civile, qui ont déclaré avoir décidé d'intervenir dans cette affaire suite à la demande de certains citoyens, ont longuement dénoncé l'atteinte à la pudeur, appelant à l'incrimination du prévenu. Ils n'ont pas hésité à juger ce film comme profanation criante du sacré, considérant la représentation du Dieu comme un véritable sacrilège, beaucoup plus touchant que le retrait du drapeau du haut du bâtiment de la faculté des Lettres de La Manouba. A chaque fois qu'ils tiennent à se justifier, les avocats représentant la partie civile ont haussé le ton pour condamner l'accusé, en se référant à des versets coraniques qui rejettent toute forme d'agression morale et d'humiliation. Ce qu'il y a de plus difficile à pardonner, à leurs dires, est de franchir les lignes rouges vers l'intolérable. Et d'ajouter qu'il est de même inadmissible d'acquitter qui que ce soit osant porter atteinte à la sacralité de la religion islamique ou outrepassant les traditions de la culture arabo-islamique, notamment pour ce qui est de la personnification de l'entité divine. Plusieurs parmi eux ont insisté sur le fait que dans la doctrine sunnite, il est strictement interdit de représenter Dieu dans les fictions. Il est également prohibé qu'un acteur incarne la personnalité de Dieu, du Prophète ou de l'un de ses compagnons. De leur côté, les avocats de la défense ont demandé le non-lieu pour absence de qualité autorisant les plaignants d'intenter un tel procès. C'est que le ministère public est le seul qualifié à ester en justice dans de pareils cas. Ils ont insisté sur l'application de l'article 52 du décret-loi 115 promulgué le 2 novembre dernier portant création d'un nouveau code de la presse. Cet article stipule: «Est puni d'un à trois ans de prison et une amende de 1.000 à 3.000 dinars quiconque appelle à la haine entre les races, les religions ou la population, et ce, en incitant à la ségrégation ou en utilisant des moyens hostiles ou violents ou en propageant des idées racistes». L'un des avocats de Nabil Karoui n'a pas manqué dans sa plaidoirie de faire remarquer que Persepolis a déjà bénéficié de l'autorisation légale d'être projeté dans les salles de cinéma bien avant qu'il ne soit diffusé par «Nessma TV», estimant qu'il n'y a pas de raison logique pour que la chaîne et son président, ainsi que les responsables du visionnage et du doublage du film, soient traînés devant la justice.