•De Mustapha ZOUBEIDI - Situation bicéphale que celle que nous impose, en ce moment, l'actualité. Les vieux parmi nous ont eu cette chance d'avoir connu l'ère de l'anté-télévision avant la magie du satellitaire instantané. Il leur suffisait, en un certain temps, de fréquenter une fois par semaine les salles obscures pour apprécier de visu, un geste de Ben Barek ou un arrêt de Darui. Ces quelques minutes de bonheur hebdomadaire ne les empêchaient guère d'aller regarder leurs idoles locales évoluer sur la terre battue, sans qu'il leur vienne à l'esprit de comparer la réalité à laquelle leur passion les invitait avec ce que leur imaginaire pouvait faire entrevoir à travers les flashes du Pathé journal et ses images saccadées. Aujourd'hui par contre, le temps et la technologie ayant fait leur œuvre, l'instantanéité les oblige à regarder simultanément les deux faces d'un sport écartelé entre l'idéal dont ils ont toujours rêvé et la réalité qui leur est imposée. Là-bas des stades combles et animés ici des gradins vides et désolés. Là-bas sur les bancs de touche vainqueurs et vaincus se donnent l'accolade quelque soit le prix qu'ils venaient de payer et ici des vigiles sont requis pour protéger l'arbitre qu'un responsable (!) du banc surgi, n'hésite pas à menacer. Là-bas un grand favori peut perdre chez lui sans autre forme de procès et ici un simple challenger n'accepte pas de n'avoir pas pu surprendre plus fort que lui. Si jadis, ces vieux comblés d'avoir connu ces deux âges se souviennent que pour quelques minutes de cinéma par semaine, ils avaient le droit de rêver, ils s'étonnent qu'aujourd'hui pour tout un spectacle instantané, l'idée ne vienne pas à leurs cadets que le moindre devoir est d'imiter. Et quand dans un réflexe insensé, ils se prennent à espérer pouvoir enchaîner le rêve des mardis et mercredis, de Gabès ou de Gafsa leur parvient l'écho de la dure réalité qui vient pour le briser. Nostalgiques néanmoins confiants dans l'avenir, ils ont dû fuir pour l'instant les tristes dimanches de la réalité pour se réfugier dans le rêve que leur offrent les mardis et mercredis.