Organisé dans le cadre du Mois de la Hollande en Tunisie, le récital des trois lauréats du concours de la Princesse Christina des Pays-Bas a tenu toutes ses promesses. Valeurs montantes sur la scène néerlandaise, les trois artistes ont apporté savoir-faire et fraicheur et ont ainsi confirmé que les prix prestigieux dont ils sont les récipiendaires n'étaient pas usurpés. Ainsi la pianiste Sylvie Klijn a dès l'entame du récital dominé son sujet avec une interprétation de préludes de Skriabin et d'une étude de Chopin réputée difficile mais parfaitement rendue. Beaucoup de grâce émanait du jeu de la jeune pianiste. Vibrante, enjouée et précise, Sylvie Klijn a confirmé cette première impression positive de deux manières. En premier lieu, elle a dominé son sujet en interprétant des pièces de Ravel et Liszt, aux antipodes l'une de l'autre. Ensuite, elle a survolé la soirée en ne quittant pas la scène du Théâtre municipal qui accueillait ce récital. En effet, Klijn a apporté une assise – celle du piano – à ce concert où elle a accompagné et soutenu deux autres lauréats du très recherché concours de la Princesse Christine. Ainsi, outre ses quatre pièces en solo, Klijn a donné tempo et ampleur aux performances du ténor Sander de Jong et du violoniste Maxime Gulikers. De Jong a été tout simplement parfait. Traversant les répertoires, chantant en trois langues, il a démontré une forte présence et une formidable capacité de modulation. De fait, les grands ténors sont d'abord des interprètes en ce sens qu'ils parviennent à transcender une œuvre pour la marquer de leur propre sceau. Et Sander de Jong est bien de cette qualité ! Il met des inflexions là où l'on ne l'attend pas, il joue avec le souffle et les tonalités, il se lance avec bonheur vers les altitudes vocales. Sobre mais magistral, il a entamé sa performance par deux arias mélancoliques de Schubert. Puis, ce fut le tour de pièces plus emportées, plus vives. Signées Fauré et Debussy, ces deux œuvres avaient pour elles concision et pureté, rythme et envolées. Du grand art ! Pour sa troisième apparition, De Jong a choisi un retour aux sources du dix-huitième siècle avec deux extraits d'opéras de Pargolesi et Paisiello. Là encore, en langue italienne, il a emmené un public conquis vers le monde du Barbier de Séville. En état de grâce, De Jong, répétons –le, a frôlé la perfection. Jamais deux sans trois ! Le troisième talent était violoniste et à la fois jeune prodige et virtuose accompli. Maxime Gulikers, lui aussi accompagné par Sylvie Klijn, a sublimé une méditation de Tchaïkovski puis une sonate de Bach qu'il a interprétée en solo. Très riche en consonances, une romance andalouse de Sarasate a fait vibrer le public déjà en communion après une pièce éblouissante de Joey Roukens intitulée « Un cuadro de Yucatan ». Pour interpréter cette œuvre d'un jeune compositeur néerlandais lui aussi lauréat du concours de la Princesse Christine, Maxime Gulikers est allé jusqu'au bout des possibilités de son violon. Pinçant les cordes, faisant virevolter son archet, le musicien a alterné les émotions et subjugué l'audience. Très technique, cette pièce avait une autre vertu : celle de démontrer qu'un violon peut se multiplier à l'infini… Grosse ovation pour les trois artistes à la fin d'un récital qui résonne comme l'hommage de la jeunesse aux œuvres éternelles. Le public présent ne s'y est pas trompé puisque, de retour d'un voyage à travers les traditions musicales, il a offert la chaleur de ses applaudissements au salut des artistes. Une soirée mémorable, au cours de laquelle la Bonbonnière était en état de grâce et le public au cœur d'une élévation fervente. Le mois de la Hollande se poursuit jusqu'à mi-mai en musique et aussi avec un programme cinématographique. En effet, lundi 30 avril, le club culturel Tahar Haddad accueillera la projection du film « Sa Majesté » de Peter de Baan alors que la formation de jazz néerlandaise Uppertones effectuera une tournée dans plusieurs villes tunisiennes. A titre de rappel, le Mois de la Hollande s'est ouvert avec un récital de la cantatrice Judith Mok et l'inauguration de « Bike Expo », un hymne à la bicyclette hollandaise. Cette exposition se poursuit jusqu'au 18 mai à l'Acropolium de Carthage.