Théoriquement, le verdict doit être rendu aujourd'hui ; théoriquement parce que les tours de passe-passe étant devenus, depuis quelques temps, un sport national, on peut, dans cette logique, s'attendre à tout. Mais bon voilà, cela tombe un 3 mai. Hasard du calendrier ? Comme dirait l'autre, on ne peut jurer de rien, du moment que rien n'est tranché. Bien sûr que le meilleur des scénarios, le plus vraisemblable en somme, serait que le patron de Nessma soit acquitté, purement et simplement, libéré des charges ayant pesé sur lui, et qui sont plutôt des charges pesant sur l'avenir de la liberté d'expression intra-muros. Ce n'est pas qu'on lui donnerait le bon dieu sans confession, ni qu'il est appelé à être « canonisé », là n'est pas la question; mais lui intenter un procès, avec le dessein de l'envoyer en prison, voire plus, si affinités…, parce qu'un film, très beau par ailleurs, est passé sur la chaîne, et n'a pas eu l'heur de plaire à ces messieurs qui se sont auto- proclamés la bonne conscience morale d'un peuple, qui n'en demandait pas tant, c'est se moquer du monde. Alors, évidemment qu'on n'attend qu'un seul verdict, et qu'il n'est pas question de cautionner l'innommable. Et l'innommable, figurez-vous, se situe aux antipodes de ce que ces « saints », tombés par inadvertance sur terre, veuillent bien pointer d'un doigt méchamment accusateur, mais bien du côté de cette volonté, perfide, d'instaurer une nouvelle forme de censure, autrement perfide, contre la liberté de créer, et de s'exprimer, afin de museler à jamais, artistes et créateurs, comme on étouffe l'espoir dans l'œuf, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. En ce sens, faire le procès d'un film, par ricochet, c'est faire le procès de toute une révolution, qui n'est pas advenue pour que les tunisiens, débarrassés d'une dictature, se retrouvent sous la coupe d'une autre, dont ils ne veulent pas. Tout ce qui est provisoire, par essence, ne peut pas, et ne doit pas durer. Et la meilleure manière de faire manger leur bulletin de vote à des électeurs, conscients aujourd'hui d'avoir été floués, c'est de persévérer dans la voie de la déraison. La raison serait que les charges contre Nessma, ou celui qui la représente, peu importe, tombent d'elles-mêmes, parce que toute cette histoire, depuis le début, est cousue de fil blanc. Le reconnaître, c'est faire œuvre de sagesse, car le fondamentalisme, quelle que soit la forme dans laquelle il se drape, n'a pas droit de cité en Tunisie. La liberté de s'exprimer, oui par contre… S.H sihem andalib