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Et les tares congénitales ?
18 mai 2012, Journée internationale des Musées
Publié dans Le Temps le 18 - 05 - 2012

Depuis sa création en 1977, le Conseil international des musées (ICOM) a patronné, le 18 avril de chaque année, la célébration par la communauté mondiale, de l'activité muséographique, en choisissant, pour chaque rendez-vous annuel, un thème mobilisateur. Pour l'année 2012 la date c'est le 18 mai et le thème choisi a pour libellé ''Les musées dans un monde en mouvement.
Nouveaux défis, nouvelles aspirations''. La célébration de la Journée est centrée sur la mise en valeur du rôle des nouvelles technologies dans la valorisation des musées et leur contribution au développement durable.
Il n'est peut-être pas sans intérêt de saisir cette occasion pour examiner la politique tunisienne en matière de muséographie en la rapportant à la fois au thème de la Journée internationale de cette année-ci et aux préoccupations brûlantes du pays en matière de développement culturel dans sa dimension régionale.
Rappelons d'abord que les autorités tunisiennes en tutelle des musées se sont jusqu'ici interdit de mettre en exergue la Journée internationale des Musées. Cette attitude est identique à celle qui concerne la Journée internationale des Monuments et des Sites. Certes, l'une et l'autre des deux Journées encadrent le ''Mois du Patrimoine'' qui a souvent été marqué par l'inauguration de nouveaux musées ou de réaménagements de musées existants mais la spécificité des deux Journées a toujours été occultée. Le thème annuel de l'ICOM n'a jamais été jugé digne d'être le véritable fil conducteur des réalisations et des festivités. De cette attitude, il ne faut pas déduire que notre pays n'a pas un Comité national de l'ICOM ou que les parties prenantes dans l'activité muséographique sont peu nombreuses ou dépourvues de moyens.
Les réalisations tunisiennes en matière de musées depuis l'Indépendance sont assez nombreuses. Certaines d'entre elles constituent un titre de fierté pour les Tunisiens tant au niveau de la conception qu'à celui des collections qui y sont hébergées et des ambitions qui les sous-tendent en matière de tourisme culturel. Il suffirait à cet égard de citer l'exemple du musée de Chemtou. Mais ces réalisations ne doivent pas faire oublier des tares dont certaines sont congénitales tant elles relèvent d'une vision pour le moins étriquée du rôle des musées dans la conservation et la présentation du patrimoine culturel national et de leur intégration dans les schémas généraux de développement.
Mises à part quelques rares exceptions, nos musées de l'après-Indépendance sont restés marqués par les trois caractéristiques majeures des musées de l'époque coloniale : la localisation de la plupart d'entre eux sur le littoral oriental du pays à partir de la capitale, en direction du sud, la nature archéologique des collections et la prédominance des objets qui appartiennent à l'époque romaine de notre histoire et accessoirement aux deux autres époques, vandale et byzantine, fortement imbues de la civilisation romaine. Le compte est simple à faire : le numide, le punique et l'islamique sont les parents pauvres de nos musées archéologiques ; le patrimoine culturel matériel autre que l'archéologique et le patrimoine immatériel ont peu intéressé les responsables du ''développement muséographique''. Il faut, ici, rendre hommage aux associations de sauvegarde des médinas (ASM) qui ont réussi tant bien que mal à combler les lacunes graves de l'action institutionnelle. Pour sortir du schéma colonial et régionaliste, plusieurs grands musées auraient pu être conçus et implantés dans des zones défavorisées au niveau du développement économique mais riches en patrimoine culturel. Nous en prenons trois exemples que nous présentons brièvement.
Un musée national de l'olivier et de l'huile d'olive à Kasserine
Faut-il rappeler la place immense occupée par l'olivier et l'huile d'olive dans le présent et le passé de notre pays ? De la plus haute Antiquité à nos jours, l'oléiculture a été une activité essentielle de notre pays. Elle a fourni aux habitants du pays des produits essentiels et engendré de nombreuses activités dérivées (fabrication de récipients et ustensiles en différents matériaux pour le stockage et le transport, commerce…). Aujourd'hui, comme à l'époque romaine, la Tunisie compte parmi les premiers producteurs et exportateurs d'huile d'olive. L'oléiculture y a été d'abord une activité pratiquée dans le nord du pays et dans les oasis du Sud avant de s'étendre à d'autres régions. Les vastes oliveraies des régions de l'Enfidha et de Sfax sont, faut-il le rappeler, des créations relativement récentes.
L'histoire et la situation actuelle de l'oléiculture dans le Centre-Ouest de la Tunisie, ajoutées au manque d'installations muséographiques justifient pleinement la création d'un grand musée de l'olivier et de l'huile d'olive à Kasserine. Des vestiges d'huileries antiques peuvent être exposées, des visites guidées d'huileries antiques ‘'industrielles'' dans les plaines comme dans les clairières des montagnes peuvent être conçues. Des notices, des montages audiovisuels et des bornes interactives expliqueront aux visiteurs la grande variété des huiles d'olive dans notre pays, les innombrables recettes selon lesquelles les tunisiens apprêtent les olives, les mille et un usages de l'huile d'olive et les utilisations très diversifiées du bois d'olivier. Des études scientifiques peuvent être également exposées. Des conférences accompagnées de séances de dégustation intéresseraient sûrement une partie des visiteurs. Une telle création muséale ne viendra pas concurrencer les rares et minuscules musées consacrés à l'olivier dans certaines villes du littoral tunisien. Il s'agira d'une nouveauté de grande envergure, réfléchie et réalisée selon les standards internationaux. Il est aisé d'imaginer l'impact d'une telle réalisation sur la région.
Un musée national du palmier et des dattes à Kébili
La ville de Kébili est, comme toutes les villes de l'intérieur de la Tunisie, extrêmement pauvre en établissements culturels. Ce Chef-lieu de gouvernorat n'arrive pas à retenir le touriste qui ne fait que le traverser pour se rendre dans les charmantes oasis qui pullulent au Nefzaoua. Cette région fournit une grande part de la production tunisienne en dattes de grande qualité. Un musée du palmier et des dattes lui rendrait justice et lui permettrait de créer une attraction culturelle qui s'ajouterait à l'épisodique Festival de Douz. Il constituerait le pendant des petits musées privés qui ont été créés ces dernières années au Jérid, principalement à Tozeur, à l'initiative des particuliers.
Un grand musée du palmier et des dattes ne manquera certainement pas de matière. Les très nombreuses variétés de dattes trop peu connues par les Tunisiens, la boiserie et l'outillage à base de bois de palmier, les recettes culinaires et les boissons à base de dattes intéresseront un large public. Il en sera de même pour les encyclopédies et les traités d'agronomie dont certains remontent à l'Antiquité et au Moyen ge, de la poésie, des tableaux de peinture et de la sculpture qui ont pour thème le palmier. Ainsi des pans entiers de la culture matérielle et de la création des Tunisiens pourraient être dévoilés aux visiteurs nationaux et étrangers.
Un musée national du tissage,de la broderie et de la tapisserie à Gafsa
Plusieurs régions de la Tunisie se distinguent par la qualité de leur tapisserie, broderie et tissage. Mais en dehors de l'exposition-vente, la présentation muséographique de ces produits est très rare. Pourtant, les merveilles tunisiennes sont innombrables : les soieries de Mahdia, la broderie de Rafraf, le tapis de Kairouan, le klim de Gafsa, le mergoum de Oudhref, les couvertures de laines de Béjà, la kacchabia du Kef, le burnous du Jérid, le kadroun de Jerba…
Depuis de nombreuses années, des cris d'alarme ont été poussés pour alerter l'opinion publique et surtout les autorités de tutelle sur la disparition progressive de certaines fabrications d'art, à cause des mutations socio-économiques qui ont été parfois fatales. Ainsi les jeunes filles de Rafraf préfèrent travailler dans les usines de la région plutôt que de suivre la longue initiation à la fabuleuse broderie de leur village. Seule une action programmée, et dans laquelle l'Etat ne saurait se soustraire à ses responsabilités ne serait-ce que par le soutien qu'il doit apporter aux acteurs de la société civile désormais si entreprenants dans le domaine de la sauvegarde et de la mise ne valeur du patrimoine, est en mesure d'arrêter les dégâts déjà énormes.
Gafsa a une oasis qui constitue un espace agricole insigne, récemment inscrit dans la liste des ''Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial pour les générations actuelles et futures''. Des vestiges archéologiques et des monuments appartenant à différentes époques marquent l'ancrage de cette cité dans l'histoire depuis la plus haute Antiquité. Mais la ville et sa région manquent de ressources économiques notables en dehors du phosphate. Un musée national viendrait à point pour créer de nombreux emplois dérivés et dynamiser une activité touristique qui végète.
Revenons au thème choisi cette année pour la Journée internationale des musées pour faire remarquer que le recours systématique aux nouveaux médias ne manquera pas de rehausser la qualité des trois musées que nous proposons. L'investissement dans les nouvelles technologies incitera, peut-être, nos éditeurs à publier de grands livres qui soient dignes de la place remarquable qu'occupent l'olivier, le palmier, le tissage, la broderie et la tapisserie dans l'histoire, l'économie, la société et l'art de notre pays. Ces lacunes injustifiées auront certainement plus de chance d'être comblées si une institution aussi richissime que l'Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle (AMMVPPC) se rend enfin compte de ses lourdes responsabilités en matière de patrimoine et de développement régional. Les chances se multiplieront quand la muséographie sera érigée, dans notre pays, en spécialité non confondue avec les connaissances d'autres genres. Il n'est pas irréaliste de croire qu'avec des projets tels que ceux que nous proposons l'action muséographique prendra de l'envergure et deviendra, entre autres considérations, un véritable levier du développement régional durable et une vraie assise pour le tourisme culturel encore rêvé.
Houcine Jaïdi


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