Grincements de dents, balbutiements ou alors carrément une levée de boucliers à l'annonce du retour de l'enseignement zeitounien. Cela se justifie-t-il ? Oui et non. Oui, dans la mesure où l'on craint que cet enseignement ne soit déterminé par les dogmes obscurantistes et que Ennahdha ne domestique un monument de l'exégèse islamique avant d'être réduit à une coquille vide par un Bourguiba qu'irritaient les grands réformistes zeitouniens. Non dans la mesure où cette école est capable de puiser dans sa mémoire, dans son passé radieux pour faire rejaillir ce réformisme religieux dont Tahar et Fadhel Ben Achour restent les icônes majeures, grattant, entre autres, le nombrilisme d'Al Azhar et réussissant un dialogue à distance contradictoire et dialectique avec des monuments tels que Al Afghani ou Mohamed Abdou. Si l'on opte pour un enseignement pluriel, multilingue, il est tout à fait normal, même souhaitable, que la dimension épistémologique de l'Islam soit remise au goût du jour. On enseigne bien le catéchisme dans les démocraties occidentales et dans des pays laïcs. Sauf que, là, la mainmise de l'église reste trop marquée, trop pesante. Le scepticisme, chez nous, s'explique, peut-être, par la peur qu'Ennahdha, ou le régime islamiste qui, à l'évidence se précise, n'en fassent le temple de leur propagande politique et n'imposent qu'une seule démarche dont on craint qu'elle ne soit au service d'une idéologie instrumentalisant l'Islam. Cela dit, Cheikh Rached qui crie au vide de la pensée islamique en Tunisie, pour justifier l'arrivée des prédicateurs – dont les deux terroristes de Casablanca – ne serait pas inspiré de se déjuger. Il est lui-même passé par la Zitouna et s'il est le grand penseur qu'il dit être et le successeur de Karadhaoui, c'est que la Zitouna est dans ses gênes. Car, ne nous y trompons pas : si l'enseignement zeitounien revient, c'est parce que tel le roseau, la Zitouna a plié mais ne s'est pas rompue. Leçon pour Bourguiba. Leçon pour l'avenir !