Giorgio Napolitano, le président de la République italienne a rendu dernièrement visite à la Tunisie. Une visite officielle pour aplanir certaines difficultés entre la Tunisie et l'Italie, mais une visite quand même privée qui s'inscrivait dans le cadre d'un hommage que G.Napolitano rendait à son ami Maurizio Valenzi, un tuniso-italien très particulier au destin unique ! C'est un peu le deuxième volet de la visite qui nous intéresse. L'Institut italien de la Culture de Tunis, appuyé en cela, pour la tenue d'un séminaire, du cercle PD Maurizio Valenzi a organisé un hommage au nom du peintre, dans sa double dimension d'artiste et de militant exemplaires.
L'exposition organisée du 16 mai au 20 juin 2012, est justement centrée sur cette dichotomie de la démarche de Maurizio Valenzi, une dichotomie évoluant entre un pôle artistique et un pôle politique.
Le pôle artistique chez lui se fraye un chemin très long qui commence déjà très tôt en Tunisie, et qui sera accompagné d'un autre itinéraire celui là politique et révolutionnaire.
Maurizio Valenzi sautait de l'art au militantisme allègrement et ceci jusqu'à la fin de sa vie. Il aimait la peinture et le dessin mais également le militantisme courageusement passionnément.
Maurizio Valenzi a été effectivement un militant antifasciste notoire, un militant de la liberté et de la libération nationale. Il raconte qu'il s'engagea très tôt dans la lutte.
Voilà comment il décrit sa première réunion de cellule du parti communiste tunisien. Dans son livre « Utopia perdure », il évoque sa première réunion et sa première rencontre avec Georges Adda, le fameux dirigeant du P.C.T. Ce qu'il craignait le plus c'est qu'il n'a pas prévu les conséquences que son engagement aurait sur ses rapports avec son père et avec le monde qui l'entourait.
Militant du parti communiste, il fut arrêté en novembre 1941 gardé à la prison de Sidi Kacem, de Tunis puis transféré à la fameuse prison de Lambèze, fréquentée un peu plus tard par des militants tunisiens.
C'est dire le degré d'engagement de Maurizio Valenzi dans la lutte à l'intérieur de sa communauté (juive) et à l'extérieur, lutter pour un monde libre de tout totalitarisme et de toute dictature. A ce titre son combat d'hier est le nôtre aujourd'hui.
Né le 16 novembre 1909 à Tunis et mort presque un siècle plus tard à Naples, Maurizio Valenzi est issu d'une famille juive lyonnaise qui reste encore attachée à Tunis et à la Tunisie.
Sa « carrière » a commencé en tant qu'étudiant aux beaux arts de Tunis (élève de Vergeaud) et continue par l'engagement dans la lutte antifasciste et anticolonialiste pour aboutir à des responsabilités, après 1944, dans la lutte démocratique en Italie (PCI) et à des fonctions importantes à la tête de la municipalité de Napoli (1975) et ensuite dans le Sénat à Rome et de député européen.
Son appartenance au monde des arts plastiques, a été toujours assumée et revendiquée par Maurizio Valenzi.
Il a pratiqué la peinture à l'huile à Tunis lorsqu'il était encore libre, et ensuite il dut se contenter de dessin lorsqu'il a été emprisonné à la prison de Sidi Kacem de Tunis et celle de Lambèze en Algérie. Les dessins réalisés sont très nombreux et représentent ses amis de détention partout où il a été détenu.
L'art lui a permis, assez tôt, de cultiver une amitié artistique avec d'artistes tunisiens de l'époque, des artistes d'avant-garde soucieux de développer une nouvelle démarche anti-orientaliste décadente centrée sur la promotion d'une expression humaniste non pittoresque et très expressive. C'est ainsi qu'il connaîtra Antonio Corpora, Moses Levy, Loris Gallico et Jules Lellouche.
Nous savons, par ailleurs que ce groupe des quatre était en fait, celui des cinq si on lui ajoutait Maurizio Valenzi.
L'exposition d'aujourd'hui, au Centre culturel italien de Tunis rend hommage à l'artiste mais aussi au militant qu'il était. Cette exposition regroupe une œuvre « autoportrait » appartenant à l'Etat tunisien et des œuvres qui font partie du fonds Maurizio Valenzi et de sa famille.
La peinture montrée ici est essentiellement une peinture de portraits ou d'autoportraits réalisés par le peintre à Tunis ou en Italie, comme ceux de Loris Gallico ou celui de Perrucio.
Le style pictural est apparemment peu orientaliste de facture préférant une composition solide. Les touches étalées et fluides parviennent malgré tout à obtenir le modelé. L'expression reste forte franche et dénote une tendance à l'expressionnisme ; la même composition a caractérisé le travail du portrait de Loris de 1929. Le portrait de Litzo 2 a été réalisé plus de 40 ans plus tard.
Le chromatisme est riche, mais la linéarité, le cerne sont dominants.
Les dessins très nombreux datent des années 1941, jusqu'à l'année 1943 (prison de Sidi Kacem et de Lambèze).
Les lignes (dessins sont continus) souvent tranquilles, non entrecoupées et non saccadées. Les prisonniers sont assis sur ce qui semble une paillasse habillés de la tenue à capuchon des prisonniers de l'époque.
L'exposition autour de l'œuvre de M. Valenzi est émaillée de photos d'époque (2ème guerre mondiale) et après-guerre. D'autres documents écrits illustrent la vie militante de Maurizio Valenzi comme des pages de journaux qu'il a eu à rédiger « Italiano di Tunisie » la « Voix nouvelle » le « Giornale », « l'Avante »...
La vie et l'œuvre de Maurizio Valenzi sont tellement exemplaires qu'elles nous semblent indistinctes l'une de l'autre à tel point qu'elles ne peuvent pas être séparées comme l'envers et l'endroit, le recto et le verso d'une même feuille.