* Sadok Belaïd: « Le seul petit espoir est l'initiative de Béji Caïd Essebsi » * Samir Taîeb : « L'opposition est en période de reconstitution, il faut attendre un peu » * Emna Mnif : « Le citoyen ne perçoit pas de contre-projet » * Jawhar Ben M'barek : « S'unir autour d'un programme élaboré démocratiquement » Le Gouvernement s'embourbe et cafouille, les erreurs se multiplient. Les gens sont à bout de patience. Les esprits s'exaspèrent. Des grèves, des manifestations de protestation se multiplient. Les sondages d'opinion laissent apparaître que le nombre des insatisfaits de la prestation du Gouvernement augmente et une opposition « stérile » qui n'en tire pas profit pour gagner davantage de sympathie auprès de l'opinion publique. Est- ce parce qu'elle est en période de recomposition après la déroute électorale du 23 octobre ? Est-ce à cause de sa désunion ? Est-ce pour manque de programme alternatif crédible ? Y aurait-il d'autres raisons ? Le sixième baromètre politique de l'Institut 3C Etudes, du mois de Juin, vient de révéler que sept mois après la prise de fonction du gouvernement provisoire, 47% des Tunisiens affirment être satisfaits de sa prestation, ce taux a baissé de 6 points par rapport au mois de mai. Cette satisfaction est en baisse continue depuis le mois de février 2012 où elle s'élevait à 66%. En même temps, 45% des Tunisiens se déclarent insatisfaits par la prestation du Gouvernement. Cette insatisfaction a augmenté de 5 points par rapport au mois de mai.... En parallèle, 51% déclarent leur insatisfaction par rapport à cette gestion. Une autre révélation paradoxale : le niveau de satisfaction des Tunisiens quant à la prestation de l'opposition a atteint ce mois-ci son plus bas taux depuis le mois de février 2012. En effet, uniquement 20% des Tunisiens déclarent être satisfaits par la prestation de l'opposition, ce sentiment de satisfaction se rétrécit en diminuant de 6 points par rapport au mois précédent. D'un autre côté, le niveau d'insatisfaction atteint 60%, le taux le plus élevé enregistré depuis février 2012. Pourquoi est-ce que le système de vases communicants ne marche-t-il pas ? Comment expliquer se désaveu envers à la fois le Gouvernement et l'opposition ? Le Doyen Sadok Belaïd, constitutionnaliste et observateur averti de la scène politique du pays, explique cette situation par le fait que « l'opposition est divisée et démoralisée. Elle n'a pas de projet réel. Elle agit tactiquement. Elle n'a aucun projet qui rassemble. Elle est dépourvue de stratégie. Il y a trop d'errements du côté du Gouvernement, dont elle devait profiter ». Dans la situation actuelle le Doyen compte très peu sur l'opposition. Il trouve que « le seul petit espoir qui reste est l'initiative de Béji Caïd Essebsi à cause du prestige et du charisme de l'ex-premier ministre. C'est le seul à pouvoir ramener à la raison ». Samir Taïeb, porte-parole de la Voie Démocratique et Sociale (VDS), plus connu sous le nom El Massar, pense que « l'opposition est en train de se reconstruire. Le travail de restructuration ne peut porter immédiatement ses fruits. C'est un prélude pour que l'opposition crée sa profondeur sociologique. A El Massar, nous venons d'installer une quarantaine de structures régionales en Tunisie et en France. La même chose est valable pour le Parti Républicain et pour l'initiative de Béji Caïd Essebsi. Il n'y a encore pas de travail dirigé vers les Tunisiens ». Samir Taïeb reconnaît que les problèmes économiques et sociaux vont surgir devant tout le monde. Ennahdha n'arrive pas à convaincre l'opinion publique, l'opposition non plus. La mayonnaise n'a pas encore pris, chose qui ne l'étonne pas. « Il faudrait attendre un peu. Fin juin, nous serons prêts pour aller vers les gens ». Il rappelle que la seule opposition qui est en train d'agir est celle qui s'exprime à l'Assemblée Nationale Constituante. « Le jour où le relais sera pris par les partis, ils entendront parler de nous ». Emna Mnif, Kolna Tounès et militante active dans la société civile, pense que le manque d'impact de l'opposition dans l'opinion publique « est un résultat tout à fait attendu. Il ne suffit pas qu'il y ait des failles d'un côté pour qu'il y ait une percée de l'autre. Face aux erreurs et défaillances du Gouvernement, il y a une critique objective de la part de l'opposition. Toutefois, le citoyen ne perçoit pas un contre-projet ». Elle prévient « si l'opposition continue à être éparpillée, ne présente pas de projet et campe dans la critique, elle ne bénéficiera pas de la baisse de popularité du Gouvernement ». Jawhar Ben M'barek (Dostourna) est catégorique et affirme : « Même sans sondages, on peut le percevoir dans la population. La montée de l'opposition ne prend pas. L'opposition est dans une sorte de carrefour. Elle ne peut récupérer de la chute de popularité du Gouvernement qu'en présentant une alternative crédible. Or, elle ne propose pas cette alternative. Elle a un défi énorme : unifier ses forces. Elle doit s'unir autour d'un programme et d'un projet élaboré de façon démocratique. Il y a des tentatives d'union contre Ennahdha et non autour d'un projet ». Dostourna a fait un appel pour des états généraux en Décembre dernier. « Il sera relancé pour le mois d'Août prochain, pour rassembler et construire un projet politique et de société crédible. Et c'est à partir de ce moment là, qu'elle peut commencer à capitaliser sur ses actions et sur les erreurs du Gouvernement, chose qu'elle ne peut faire actuellement ».