A l'aube de son premier anniversaire (25 juin), le Musée Bonnard au Cannet sur la Côte d'Azur propose une exposition éclectique intitulée Bonnard, entre amis. A travers une cinquantaine d'œuvres, il décrypte les liens professionnels et amicaux que le peintre post-impressionniste Pierre Bonnard (1867-1947) entretenait avec Monet, Matisse, Vuillard et autres artistes de son époque. A deux kilomètres de Cannes, le Musée Bonnard est l'un des derniers vestiges de l'architecture Belle Epoque dans ce coin très prisé de la Côte d'Azur. Il a servi de pension de famille, de commissariat de police, d'hôtel, avant de devenir le seul et unique musée au monde consacré à Pierre Bonnard. Ce dernier avait séjourné au Cannet de 1922 à 1947. L'histoire du peintre commence avec le mouvement nabi, fondé en 1888 par Paul Sérusier, explique Véronique Serrano, commissaire de l'exposition Bonnard entre amis. « Voyez, cette très belle phrase de Sérusier à Maurice Denis en 1889 où il dit : ‘Je rêve pour l'avenir d'une confrérie épurée, uniquement composée d'artistes persuadés, amoureux du bien et du beau mettant dans leurs œuvres et dans leur conduite ce caractère indéfinissable que je traduis par nabi.' Et nabi, ça veut dire en hébreu ‘prophète'. Ils étaient dans la lignée de Gauguin qui leur disait qu'ils avaient droit de tout oser, faire exploser tous les carcans de la peinture. » Ces jeunes artistes nommés Bonnard, Denis, Vuillard ou Vallotton Des perspectives aplaties, des couleurs pures - telle est la marque de fabrique de ces jeunes artistes nommés Bonnard, Denis, Vuillard ou Vallotton. Ils s'intéressent à la modernité, à la vie urbaine, un omnibus jaune flamboyant avec une élégante qui se promène dans la rue. Et à côté : des portraits comme celui de la femme du peintre. « Marthe n'est pas très aimée des amis de Bonnard parce qu'elle a déjà cette attitude un peu autiste, renfermée sur elle, affirme Véronique Serrano. Bonnard disait d'elle qu'elle était une petite sauvageonne. Et on voit son petit nez pointu, l'aspect pincé aussi de son attitude, mais Vuillard était un des seuls avec Bonnard à avoir pu la représenter. » Très vite, Bonnard apprend à voler de ses propres ailes. Il découvre la Normandie avec ses ciels changeants, ses lumières inouïes tout en gardant sa liberté d'expression. « Bonnard, à la différence des impressionnistes, ne va pas aller peindre sur le motif. Au contraire, ce qui l'intéresse c'est de recomposer de mémoire. Ici, la scène se passe sur la terrasse de la Roulotte qui est une maison qui domine la vallée de la Seine très verdoyante. Et le vert lui aurait été ‘donné' par l'œuvre de Monet qu'il est allé rencontrer à Giverny et avec lequel il aura des relations très proches jusqu'à la fin de la vie de Monet, il l'a même vu quelques jours avant sa mort en 1926. » Avec Monet, il partage la passion du jardin ; avec Matisse celle des fenêtres, assure la commissaire de l'exposition Véronique Serrano : « Ce qui est le mieux dans un musée, ce sont des fenêtres' ; c'est un peu une boutade de Bonnard, mais il a déclaré cela en visitant le Louvre. Qu'est-ce qu'on voit au Louvre ? C'est la tradition, des maîtres vers lesquels il faut regarder et il s'en imprègne pour complètement s'en détacher. » Un dialogue pictural entre Matisse et Bonnard autour des variations de fenêtres clôt l'exposition - une exposition lumineuse et intimiste à la fois. (MFI)