La lutte est intestine, et il y a bien des violons qu'il va falloir accorder avant qu'il n'y ait une percée dans des nuages, qui n'ont de cesse de s'amonceler, brouillant la vision, de plus en plus incertaine, d'un avenir, aux chances, fortement compromises, depuis qu'une vague, qui se veut verte, s'est attelée, sans regrets ni remords, à mélanger, allégrement, le bon grain et l'ivraie sous des latitudes, qui n'en demandaient pas tant. Du coup, ça a fait désordre. Car, et lors même que les révolutions, et les révoltes arabes, sont nées du besoin impérieux, d'en finir enfin, avec la tyrannie de pouvoirs, autoritaires et despotiques, lesquels auront institué, pour la forme, des pseudo-mécanismes prônant un libéralisme, d'obédience occidentale, à la base éclairée, mais qui a bien dû s'adapter, à des réalités du terrain aux antipodes, en se pliant aux « convenances » régies par une politique, en vérité fortement cadenassée, où il n'était pas question, loin s'en faut, de céder du terrain à cette liberté qui fait si peur, et dont il convenait de ne pas prendre le mot, à la lettre, mais juste comme un oripeau de façade, ce que le pays est en train de vivre aujourd'hui, est bien la résurgence d'une autre tyrannie, s'appuyant cette fois-ci sur une autre forme de pouvoir : celui qui se donne comme venu d'en haut. Une fois installé, et bien installé dans ses pénates, qui aura encore l'outrecuidance d'en contester la légitimité ?
Question de culture..., répondra en substance Hatem M'Rad, à travers son essai – Libéralisme et Liberté dans le Monde Arabo -Musulman- (Editions Nirvana), dans lequel l'auteur (professeur de sciences politiques à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis, Président-fondateur de l'Association Tunisienne d'Etudes Politiques et membre de l'Association Internationale de Science Politique –AISP-IPSA-), revient sur les fondements mêmes de la notion de libéralisme, aussi bien en Europe qui en fut son berceau, que dans le monde arabo-musulman, qui en aurait, mais très minoritairement, épousé le concept, sans en intérioriser la philosophie et la culture, ce qui en aurait induit, forcément, la fragilité. Car c'est le non-enracinement, le non-ancrage de cette culture du libéralisme, et de son corollaire, la liberté, dans le monde arabo-musulman, qui poserait problème, explique Hatem M'Rad, en rappelant, au passage, que « le libéralisme occidental est historiquement venu d'en bas, (lors que) le libéralisme arabo-musulman plutôt d'en haut ». Car c'est le socle qui importe ici. E c'est ce qui fait qu'il soit plus facile, plus évident d'une certaine manière, que le sens des mots « libéralisme » et « liberté », ne sonne pas pareil sous toutes les latitudes. D'un côté, il y a la masse, le peuple, historiquement la bourgeoisie, qui aura permis que l'Occident, certes après des siècles de lutte, les intègre dans son système de valeurs, et de l'autre côté, il y a les élites, (intellectuels et autres) dans certains pays arabo-musulmans (toutes proportions gardées), à l'instar du Liban, de la Tunisie..., qui auront défendu ces notions-là, qui leur seraient étrangères. Est-ce à dire, au vu de ce qui se trame aujourd'hui, que ce combat, celui de la liberté, serait perdu d'avance pour « défaut d'enracinement » ?
L'espoir existe, répondra l'auteur, et il en passe par l'éducation des nouvelles générations, à ce qui doit devenir une philosophie de vie. C'est la seule façon de ne pas se laisser piéger par des « appels de sirène », de plus en plus pressants, qui parlent un autre langage que celui de la raison. A l'heure qu'il est, il n'est pas dit que nous soyons sortis de l'auberge...