• Des réunions marathoniennes entre des dirigeants de la Troïka pour trouver un compromis • Le bloc «Wafa» appelle le gouvernement à présenter des excuses officielles
Soixante-seize membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) ont rédigé mardi après midi en marge d'une séance plénière une motion de censure contre le gouvernement en signe de protestation contre la décision unilatérale du gouvernement d'extrader l'ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi. Parmi les signataires de cette motion de censure figurent 31 élus du bloc démocratique, 12 élus du groupe Wafa ( (Fidélité) , présidé par Abderraouf Ayadi, l'ex secrétaire général du Congrès pour la République (CPR), et 12 élus d'Al Aridha Chaâbia. Les autres signataires représentent non seulement le Front du 14 Janvier ( PCOT et Mouvement du peuple) et des indépendants , mais aussi des partis membres de la troïka au pouvoir , en l'occurrence trois élus du CPR ( Amor Chetoui, Taher Hemila et Naoufel Gharbi) et autant d'élus d'Ettakatol (Slim Ben Abdessalem, Ali Ben Cherifia et Salma Mabrouk).
Conformément à l'article 19 de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics du 16 décembre 2011 (la petite Constitution) « une motion de censure contre le gouvernement ou contre un ministre peut être soumise au vote, suite à une demande motivée présentée au président de l'Assemblée Nationale Constituante par un tiers des membres de l'ANC au moins, soit 73 élus.
Le retrait de confiance au gouvernement se fait, quant à lui, par la majorité absolue des membres de l'Assemblée (50+1), soit 109 élus.
Probabilité extrêmement faible
Arithmétiquement, la probabilité de voir cette motion adoptée est extrêmement faible. Et pour cause : la troïka compte à elle seule, 130 élus à l'Assemblée constituante déduction faite des démissionnaires d'Ettakatol et du CPR : 89 pour Ennahdha, 17 pour le CPR et 14 pour Ettakatol. Plusieurs membres du bloc Liberté et Justice, composé d'indépendants et de dissidents d'Al Aridha Chaâbia, ont également refusé de signer la motion de censure contre le gouvernement.
Le bloc Wafa a, quant à lui, appelé dans un communiqué publié hier le gouvernement à présenter des excuses officielles et à faire la lumière sur les circonstances de l'extradition de l'ancien Premier ministre de Kadhafi.
Tous les blocs à l'ANC, hormis Ennahdha et une partie du CPR, avaient exigé durant la séance plénière tenue mardi l'inclusion de l'affaire de l'extradition de Mahmoud sans l'aval de la Présidence de la République à l'ordre du jour. Cette demande a été rejetée par le président de l'Assemblée, Mustapaha Ben Jaâfer, lequel a été obligé de suspendre la séance plénière, avant d'annoncer la tenue d'une séance de dialogue avec le gouvernement consacrée à l'affaire Baghdadi Mahmoudi, le vendredi 29 juin.
A noter qu'au cas où la motion de censure contre le chef du gouvernement récolte le vote d'une majorité absolue (50%+1) des élus, le gouvernement sera considéré démissionnaire. L'article 15 de la petite Constitution stipule dans ce cas que « le Président de la République chargera la personnalité la plus à même, de former un nouveau gouvernement ». En cas de non-obtention de la majorité requise, la motion de censure du Gouvernement ne peut être à nouveau soumise au vote qu'après trois mois.
Arrangements entre partis alliés
Bien que l'adoption de la motion de censure soit improbable, Ennahdha ne cesse de tenter de calmer le jeu. Après avoir rendu public un communiqué très conciliant dans lequel il exprime son «son attachement à la sauvegarde du statut du président de la République et l'importance de son rôle crucial dans la réussite du processus de la transition démocratique mené par la troïka», le parti de Rached Ghannouchi a appelé ses deux alliés de gauche à trancher le différend loin de l'hémicycle du Bardo. Des réunions marathons entre des dirigeants de la troïka ont eu lieu, ces deux derniers jours, en vue de trouver un compromis qui préserve l'honneur et la considération de toutes les parties. « Le haut comité de coordination entre Ennahdha, Ettakatol et le CPR s'est réuni dans la soirée de mardi à mercredi et hier après midi. Les membres de ce comité qui sont des dirigeants de ces partis alliés se sont mis d'accord sur la nécessité de préserver la troïka et d'éviter l'amplification médiatique du malentendu relatif à l'extradition de l'ancien responsable libyen », précise Abdelhamid Jelassi, coordinateur général d'Ennahdha. Et d'ajouter : « les trois partis au pouvoir ont estimé qu'il est tout à fait normal qu'il y ait ce genre de différends au regard de l'absence de traditions en ce qui concerne les alliances politiques, après plus d'un demi siècle de dictature ».
Par ailleurs, le gouvernement et la Présidence de la République ont consulté des experts en droit constitutionnel et administratif à propos des prérogatives de chaque partie. Le scénario d'un compromis parait ainsi très plausible...