•Vide juridique, difficultés d'accès à l'information • 6 partis politiques sur un ensemble de 17 n'ont fourni aucun document à la Cour des Comptes.
Vide juridique, retard de promulgation des textes de loi régissant la campagne électorale, absence de sanctions, difficultés d'accès à l'information, difficulté de « traçabilité » des sources de financement étranger... il s'agit en fait, de quelques observations préliminaires fournies hier, par la Cour des Comptes sur le financement de la campagne électorale du 23 octobre 2011, lors du séminaire ayant pour thème « le financement des campagnes électorales et son contrôle « état des lieux et réflexions pour le futur ». Organisé par la Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux (IFES) et la Cour des Comptes en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la délégation de l'Union Européenne en Tunisie, le séminaire était également, une occasion pour répondre à plusieurs questions évoquées par les experts, dont, les améliorations à apporter au cadre juridique actuel, le bilan de l'application des mécanismes de financement de la campagne électorale et les améliorations à apporter. Quel est le type de financement le plus adapté à la situation actuelle en Tunisie ? Un financement public, privé ou une combinaison des deux ? Quels financements doivent être autorisés, limités ou interdits ? L'Etat tunisien doit-il continuer à financer les campagnes électorales ?...sont par ailleurs, d'autres questions débattues lors du séminaire.
Huit mois se sont écoulés depuis les élections de l'Assemblée Nationale Constituante alors que le système électoral et le financement de la campagne électorale sont toujours d'actualité. En fait, les acteurs politiques et les activistes attendent avec impatience les résultats définitifs du rapport du financement de la campagne électorale, d'autant plus que le sujet a fait couler beaucoup d'encre durant des mois. Quelles sont les sources de financement, combien les partis politiques ont-ils dépensé pour mener à bien leur campagne ? Les partis ont-ils respecté la loi en vigueur ? Ont-ils rendu des comptes à la Cour des Comptes ? Plusieurs questions qui interpellent tous les observateurs, mais la réalité reste loin des aspirations. Et pour cause, 32,15 % de l'ensemble des comptes des listes électorales des partis politiques et des indépendants ont été fournis à cette instance de contrôle.
Informations
Les résultats préliminaires ont démontré que, « 6 partis politiques sur l'ensemble de 17 n'ont fourni aucun document à la Cour. De plus, 14 listes indépendantes ayant gagné lors des élections n'ont pas présenté les documents requis », c'est ce qu'a déclaré Mme Alya Bratli, chef de service à la Cour des Comptes tout en préférant ne pas citer le nom des partis et des indépendants concernés. Ces manquements touchent certes, à la transparence des élections voire à la crédibilité de cette opération et ce parce que nul ne peut savoir si les biens de la communauté ont été gérés convenablement.
Toujours dans le même cadre, la responsable a annoncé que 33 % des partis politiques ayant présenté les documents obligatoires, n'ont pas fourni les comptes bancaires uniques des listes électorales dans les différentes circonscriptions.
Lacunes
Mais comment s'expliquent ces lacunes ? Cela est dû entre autres, aux imprécisions et aux faiblesses du cadre juridique. Analysant le cadre juridique et les mécanismes de financement de la campagne électorale, Barbara Juhan, rapporteur à La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) en France, précise que ce cadre a été marqué par cinq imprécisions et faiblesses. Il s'agit en fait de l'absence d'une définition de la dépense électorale, d'une faiblesse au niveau des modalités de calcul du plafond des dépenses et de la durée de la campagne en plus des lacunes au niveau du versement de l'aide publique sans oublier le contrôle et les délais de recours et les moyens de preuve.
La législation a mis en place deux structures de contrôle de la régularité du financement de la campagne à savoir l'ISIE qui intervient en amont en plus de la Cour des Comptes qui intervient « a posteriori et dispose de peu de moyens mais d'un délai de six mois pour accomplir sa mission de contrôle ». « Cependant seuls, environ 30 % des listes synthétiques des listes de candidats avaient été déposées à la Cour des Comptes », précise Mme Juhan. Elle signale aussi que le pouvoir de contrôle de la Cour est très limité et les délais dans lesquels son contrôle est enserré sont trop longs pour lui permettre de jouer un rôle efficace de contrôleur de la régularité du financement de la campagne électorale. La spécialiste précise aussi que les sanctions prévues par les textes ne sont pas assez contraignantes pour avoir un effet dissuasif. Ainsi la Cour des Comptes n'a pas la possibilité de démettre d'office un candidat élu ou de prononcer son inéligibilité.