Un plaisir et beaucoup de fierté, avant hier, quand j'ai assisté avec parents et amis du candidat à la soutenance d'un projet de fin d'études (PFE). Une Grande Ecole privée d'ingénieurs aux alentours de la Capitale, prestigieuse et d'une réelle efficacité, puisque tout le monde assure que la promotion dès que livrée sur le marché de l'emploi trouve recruteur. Un seul chiffre : pour les 400 places proposées à la sélection d'entrée cette année, 1700 aspirants et aspirantes, tous brillants, pas tous en revanche riches pour s'acquitter des droits d'inscription et d'études, relativement onéreux. Des familles moyennes, voire « juste, juste «, comme on dit, s'endettent ou acceptent de serrer fort la ceinture, pour peu qu'elles ont cru à la valeur de leur gamin ou gamine à se montrer à la hauteur de ses ambitions de mériter la lune, s'il peut la décrocher par ses seules capacités de travail et d'intelligence.
Une autre preuve, étrange celle-là, mais si éloquente. L'absolu profane que je suis, parti assister à cette soutenance pour des raisons uniquement amicales ne comptait comprendre un mot de ce qu'il allait se dire ou s'échanger. A ma grande surprise, j'ai tout compris de l'exposé ultra-technique de M.Amen Allah Chakroun qui a travaillé sur un logiciel de suivi en temps réel du mouvement de la Bourse de Tunis. celui qui n'est plus un candidat mais un vrai ingénieur à présent, a tellement été clair et complet que le jury n'a pas tari d'éloges en pleine séance de questionnement et de mise à l'épreuve.
A voir et à entendre ce qui s'est passé en cette journée, j'ai eu à l'esprit tant de cerveaux tunisiens un peu partout dans le monde que nous avons laissé nous échapper. Qui à la Naza, qui dans les meilleurs hôpitaux d'Europe et de USA, qui même en Chine aujourd'hui, tous gardent la Tunisie en eux qui, elle, ne garde d'eux à peine que la date ou le lieu de naissance à Sbiba, Ksibet, Tala, Tejerouine , Tozeur ou Jendouba.
Puis, parmi leurs nombreux drames, j'ai pensé à un autre: A ce vécu de «moins que rien» quand ils étaient étudiants soumis au caprice d'un prof maso, cachant son insuffisance par un surplus d'arrogance, ne ménageant nulle occasion pour minimiser, insulter ou diminuer la personnalité de celui dont il a la responsabilité et qu'il doit conduire vers un long chemin, l'avenir de la Tunisie, ni plus ni moins.
Ne parlons pas de milliers de profs à tous les cycles de l'enseignement qui ne pensent qu'à leur poche et qui créent un espace parallèle à l'école publique qui ne prospère que dans la mesure où ils ont fait le désert dans la classe de l'éducation nationale qui leur verse un salaire.
Le propre cousin d'Amen Allah Chakroun, ingénieur lui aussi en téléphonie deux ou trois ans auparavant a été repéré puis recruté dans une grande entreprise française, en France. Qui peut le lui reprocher! Mais là où j'ai mal en mon pays c'est que ce jeune-là m'a raconté lui-même que son patron français ne cesse de répéter à ses recrus tunisiens que si on lui débauche des jeunes ingénieurs comme eux, il augmentera leur prime mensuel de 700 euros.
Que faire pour que le pays garde des enfants que la Tunisie a enfantés, que des mères tunisiennes ont allaités, des profs et des écoles ont construits et qu'un amour total dans leur pays a rendu partout ailleurs digne de confiance et peut être un jour de gloire?