Sur invitation du Maréchal Tito, aux années 60, Bourguiba se rendit en Yougoslavie. Il prit soin de prendre avec lui, dans la délégation, notre père spirituel, fondateur de DAR ASSABAH, Habib Cheikhrouhou. En présentant Si Lahbib au Maréchal Tito, Bourguiba eut cette hyperbole : « Ce monsieur est le fondateur d'un journal indépendant. Oui, en Tunisie, il y a un journal indépendant ! ». Ce haut fait de l'Histoire de la plus pérenne et la plus militante des institutions de presse en Tunisie, DAR ASSABAH, doit interpeller les consciences. Nos journaux ont résisté à la dictature bourguibienne – quoique éclairée - et aux coups de boutoir du Goebbels de Ben Ali (Abdelwaheb Abdallah) qui se proposait de combattre le « hersantisme » en allusion à la dimension de DAR ASSABAH et de mettre à genoux notre groupe. Le groupe a survécu au Tsunami Matri et après la Révolution ce sont ses employés, les enfants de DAR ASSABAH, qui tinrent la barre et évitèrent à l'entreprise de capoter. Mais, aujourd'hui, le Groupe relève un défi d'un autre type. L'effervescence régnante ; provoquée par les récents évènements ayant secoué DAR ASSABAH, n'est en rien une personnalisation des faits. Le fait est que les enfants de DAR ASSABAH craignent de voir resurgir le spectre hideux de la censure, la défiguration de la ligne éditoriale. Le sit-in d'hier, pacifiste et légitime, à la Kasbah, a scandé ces vérités à l'adresse du gouvernement. Les employés de DAR ASSABAH, toutes branches confondues, auraient souhaité être consultés. Surtout que, janvier dernier, après des nominations de ce type ayant provoqué du dépit, le chef du gouvernement affirmait que, désormais, il procèderait à de vastes consultations. Sans préjuger de quoi que ce soit les craintes tiennent aux risques d'asservissement de la charte fondatrice de DAR ASSABAH (originellement, nourrie par le souci d'indépendance), à des enjeux partisans et un agenda précis. Car, même si l'Etat contrôle les 80% de ses actions, DAR ASSABAH doit préserver sa vocation publique et éviter que cette vocation ne devienne gouvernementale.