Alors qu'en Tunisie, la diffusion des centres d'appels suit une courbe ascendante et que le marché présente un potentiel très prometteur, Sfax , en dépit de ses multiples atouts brille par l'absence de plates-formes du genre une situation paradoxale qui n'est pas sans susciter de nombreuses interrogations et qui a incité le Centre d'Affaires Régional à organiser récemment une journée de sensibilisation à l'intention des jeunes promoteurs potentiels.
Il convient de rappeler que le marché des centres d'appels en expansion dans les pays développés n'ayant pas résisté à la tentation de la délocalisation s'ouvre de plus en plus vers les pays émergents pionniers et surtout vers certains pays asiatiques tels que l'Inde. En Afrique, continent encore à la traîne en ce qui concerne l'intégration des TIC, ce marché est encore à l'état embryonnaire, à l'exception de deux pays leaders, à savoir le Maroc et la Tunisie où le transfert est favorisé par un environnement socio-politico- économico -culturel propice.
Le marché mondial à l'horizon 2008, en matière de centres d'appels et de centres de travail à distance, tournant selon les prévisions autour de 142 milliard de dollars, soit un potentiel équivalent à 220 mille postes d'emplois à créer en Afrique, notre pays nourrit de grandes ambitions qu'autorise le niveau d'intégration des TIC ,associé à d'autres facteurs favorables, qui le propulse à l'avant-garde des pays africains et arabes.
En Tunisie, le réseau actuel des centres d'appels est estimé à 102, un chiffre appelé à atteindre les 130 à la fin de l'année en cours, ce qui se traduit par l'accroissement notable des postes d'emploi qui vont passer de 8000 à 12000, le tout nécessitant des investissements de l'ordre de 32 millions de dinars dont la part d'investissements directs étrangers s'élève à 28 millions de dinars. Mieux même, la Tunisie mise sur ses nombreux atouts pour bien se positionner sur l'échiquier mondial et aspire légitimement à devenir un pôle de services important à dimensions régionale et internationale, particulièrement en matière d'assistance technique et de services à haute valeur ajoutée qu'il s'agisse de développement de la programmation ou des services bancaires. Actuellement, les centres d'appels opérationnels sur le territoire national couvrent divers segments d'activité, dont la recherche marketing, la télévente, la confirmation de dossiers et le support technique.
Pour atteindre les objectifs définis, la Tunisie a entrepris diverses initiatives. Il y a lieu de citer à ce propos, les mesures incitatives destinées à promouvoir l'implantation de promoteurs dans les régions de l'intérieur du pays telles que Kasserine, Siliana, Sbeitla et le Kef. Sur un autre plan, des encouragements sont destinés au secteur privé , parallèlement au projet de création d'une société mixte, privé/ public, chargée de l'aménagement et de l'exploitation d'une partie de la zone industrielle de Choutrana destinée à faciliter l'implantation et l'hébergement de centres d'appels au sein de la Cité Technologique des Communications, un espace pouvant fournir 6000 postes d'emploi, sans oublier l'étude entamée par le ministère des Télécommunications en vue de prospecter le marché mondial et détecter les potentiels demandeurs de services.
En dépit de toute cette « effervescence » qui mise sur un secteur stratégique, dynamique, porteur, créateur d'emplois et alors que le pays s'emploie à tirer parti de ses nombreux atouts comme le faible coût de la main-d'œuvre, la place de la langue française, la proximité géographique de l'Europe, la qualité et la densité de son réseau de télécommunications, les coûts des communications en baisse, la stabilité politique, le cadre juridique adéquat et l'infrastructure performante, Sfax reste hors du circuit : aucun investisseur , même originaire de la région ne se serait encore manifesté,jusqu'à présent. Pourquoi, ce désintérêt ? S'agit-il d'un déficit d'information ? L'indifférence des investisseurs sfaxiens ou autres aurait-elle d'autres explications plausibles mais qui échappent encore même à la Chambre Syndicale Nationale des Centres d'Appels et de la Relation Client ? Pour le moment et faute d'enquêtes sérieuses, le mystère demeure. Il appartient aux autorités régionales et aux structures concernées de l'élucider car il s'agit bien d'une énigme à résoudre. D'autant plus d'ailleurs que le gouvernorat compte une université fréquentée par une cinquantaine de milliers d'étudiants répartis sur vingt institutions de l'enseignement supérieur. C'est également un grand pôle industriel doté d'une infrastructure conséquente et en même temps, une métropole commerçante et laborieuse réputée pour l'esprit entrepreunial et le sens aigu des affaires de ses habitants.
Concernant les perspectives d'avenir des centres d'appels nous sommes en droit de nous interroger sur le niveau et la qualité de la formation des futurs téléopérateurs en matière de langues dans les années à venir. La régression générale du niveau de nos élèves particulièrement en langue française, pour ne pas dire des langues en général est un indice à prendre en compte. Les résultats lamentables à l'épreuve de français et croyons-nous savoir, à un degré moindre en anglais, sont de nature à nous interpeller sur certains choix relatifs notamment à nos méthodes d'enseignement et principalement à notre système d'évaluation qui privilégie actuellement la quantité aux dépens de la qualité. S'aligner sur les standards internationaux, n'est pas en effet incompatible avec la rigueur et ne signifie nullement cette indulgence qui autorise le passage d'élèves n'ayant pas acquis les compétences nécessaires, pour ne pas dire minimales. Oui , pour une sélection raisonnable, non pour des critères de passage et des barèmes trop coulants. Il n'y a qu'à interroger les enseignants pour avoir une idée précise du niveau de nos élèves. Nous sommes un pays qui a réussi à relever le défi de la qualité dans plusieurs domaines. Il est grand temps que nous repensions notre système éducatif pour apporter les correctifs qui s'imposent. Notre devoir est de préserver le niveau et l'aura de nos diplômes nationaux pour éviter toute tendance inflationniste et qui ne soit pas synonyme de qualité. Si la tendance à la baisse du niveau en langue française persiste, il sera difficile de parier sur l'avenir des centres d'appels. En effet, si ces centres ne trouvent pas de difficultés sérieuses en matière de personnel, cela est dû à deux raisons : d'abord, il existe encore assez de jeunes du niveau bac + 2 qui répondent à leur besoin alors que dans quelques années il faudra recruter auprès d'une frange ayant un niveau supérieur pour avoir le profil et les compétences requises mais qui seront inévitablement plus exigeants en matière de rétribution, deuxièmement, la faiblesse relative de rotation des téléopérateurs par rapport au taux européen n'est pas un phénomène toujours garanti.