L'emploi, la légalité des chances, la réduction de la pauvreté, les fissures du fossé inter-régional, la lutte anti-corruption, la fin du système monocratique sont autant de revendications facteur catalyseur de forte puissance ayant enclenché le mouvement dévastateur qui a balayé sans pitié et sans retour le régime despotique de Ben Ali. Aujourd'hui et deux ans après la Révolution, les choses prennent une autre tournure, qui faute de prise de conscience salutaire et responsable de la part des gouvernants et opposants, risquent de plonger pour longtemps le pays dans le chaos et l'anarchie. Le Peuple tunisien a-t-il changé d'ambitions ou a-t-on changé de mue en l'espace d'un an et neuf mois ? Une chose est sûre, la Tunisie est aujourd'hui à la croisée d'une guerre idéologique grave et dangereuse et d'une bipolarisation politique mal contenue. Des sujets désuets sont déterrés dont la polygamie, la place de la femme dans la société, le port du niqab dans les établissements scolaires, la liberté de culte : tout cela refait surface pour faire de la religion et des questions d'ordre spirituel l'axe moteur de la Révolution. Les partis au pouvoir ont-ils dévié des objectifs du peuple ? Les avis se heurtent et se confondent. Et pour le parti qui détient la majorité des places au Gouvernement mais aussi au sein de l'ANC, la devise ou plutôt stratagème devient simple : l'ennemi de mon ami est mon ennemi ou encore l'ami de mon ennemi est mon ami. D'ailleurs, les observateurs de par le monde se ravisent et changent leur centre d'intérêt à l'égard de la Tunisie postrévolutionnaire et au lieu de s'intéresser aux dossiers socio-économiques, à la transition démocratique et aux questions brûlantes qui touchent les citoyens tunisiens, la presse internationale aux aguets est prompte à tout ce qui touche le pays évoque la montée des mouvements religieux radicaux en Tunisie et sur la nature des relations tissées avec le parti Ennahdha. « En Tunisie, les agitateurs tolérés par le pouvoir », titre le Figaro.fr (dans son édition du samedi 08/09/2012). Et d'ajouter : « Depuis le début de l'année, les islamistes radicaux multiplient les manifestations de rue, les prêches virulents dans les mosquées, les coups de force et les appels au meurtre pour imposer leur loi à Tunis. En toute impunité à chaque fois ». Pubs qui tuent en somme! Comment peut-on situer l'engagement et le rôle que peuvent jouer les courants politiques, la société civile, les médias et l'opposition et quelle est au juste leur force de persuasion et leur part d'influence tintamarre ? A priori, l'opposition, n'est pas épargnée. Elle s'implique déjà dans le jeu électoral et capitalise tous ses efforts dans la course au pouvoir. La Société civile fait de son mieux, mais peut quand même s'appliquer mieux et s'impliquer plus encore que de ce qu'elle ne le fasse actuellement. Les médias, eux ils se démènent et se débrouillent comme ils peuvent hors d'un cadre juridique bien défini. D'où la confusion et la course effrénée lancée par le parti au pouvoir pour mettre sous sa coupe la presse nationale. Or, le secteur traverse aujourd'hui une période cruciale pour son avenir et navigue à vue d'œil sans boussole, faute de cadre juridique approprié et bien défini. On dit que les révolutions fabriquent l'histoire, on dira à juste titre que les médias fabriquent l'événement, le traitent parfois de manière sophistiquée et le propulsent pour en faire un cas majeur et c'est justement à partir de cette donnée fondamentale que ce secteur appelé 4ème pouvoir représente vu son apport stratégique un centre de gravité vers lequel convergent tous les tenants du pouvoir non seulement en Tunisie mais aussi à travers toute la planète pour le soudoyer, l'appâtir et dans l'extrême des cas le domestiquer. Or nos médias sont en train de vivre leur propre révolution vers une mutation attenant à un modèle plus crédible et transparent. Un idéal tant souhaité mais difficile à réaliser dans une conjoncture mêlée d'obstacles et de blocages. Du fait les médias peinent à se relever d'une situation confuse qui ne permet pas de faire émerger des idées neuves et il semble qu'on agisse trop souvent à contrecoups. Similairement cela s'applique aussi pour nos gouvernants ainsi que pour l'opposition qui doivent à leur tour faire leur propre révolution disons leur propre mutation vers un modèle moins idéologique moins identitaire et politique et qui tienne compte de la réalité et des spécificités du pays et des gens. D'ailleurs, les partisans d'Ennahdha ont amenté leurs troupes vendredi à la place de la Kasba sous le mouvement informel baptisé « Ekbes » pour exprimer leur colère et jeter leur courroux contre les médias accusés en la circonstance de tous les maux et les accabler de tout le mal qui gangrène et ronge les rouages économiques et sociaux. Certains haussent le ton tel un fauve blessé hors arène prêt à bondir pour dévorer sur tout ce qui bouge ou sur toute voix ou stylo qui osent s'opposer et dénoncer à leur diktat. Comme aux vieux « mauvais » temps ?. Et au nom de la légitimité, la troïka pense tout se permettre. Comme si le peuple tunisien avait signé un chèque en blanc au gouvernement provisoire ? A-t-on perdu de vue qu'il ya quelle que chose qui s'appelle « un contrat objectif ». L'heure est au consensus. Il serait faux de penser qu'il existe des recettes miracles, mais faux également de croire qu'il n'y a pas d'alternatives. Il y a des alternatives à explorer, à discuter, cela s'entend démocratiquement bien entendu. Et pour construire ces alternatives il faut engager un débat sincère en se libérant de la propagande, des chamailles médiatiques et des méfiances suspectées de part et d'autre qu'elles soient émanentes du pouvoir, des médias ou de l'opposition. La priorité et l'urgence c'est de stopper cette hémorragie de déchirements et d'invectives qui ne peuvent mener qu'au cataclysme et à notre perte.