Jadis, la radio tunisienne nous avait régalés d'un bon nombre d'émissions qui s'intéressaient à la bonne musique ce qui faisait un énorme plaisir aux mélomanes et autres archivistes des arts. Nous nous rappellerons toujours, et avec un fort sentiment de nostalgie, "Salwa el baiid"de Hamadi Essid (qui fut par la suite PDG de la SATPEC puis représentant de la Tunisie à l'UNESCO à Paris),"Aghani echacha" de Mohamed Zlitni alias Hefdhi , les soirées en compagnie du Dr Mokhtar Slamia et autre "Il était une fois la chanson tunisienne " de Moncef Charfeddine sur RTCI .
Depuis quelques années, et plus précisément à partir de 2001, Radio Monastir nous gratifie d'une émission artistique fort enrichissante intitulée "Kazaen el alhan" produite par Abdelaziz Fathallah qu'il présentait en compagnie d'Imène Amara tous les samedis à 22 heures.
Si Abdelaziz vient de nous quitter le mardi 4 septembre dernier, à Ksibet Mediouni, à l'âge de 67ans, suite à une maladie, suscitant beaucoup de chagrin chez sa famille, ses amis et ses nombreux auditeurs fidèles. Il est natif de 1945 à Moknine. Il a été enseignant dans plusieurs écoles tunisiennes et a terminé sa carrière en tant que directeur d'un établissement de l'enseignement primaire.
"Kazaen el alhan "était une véritable mine de musique et de chansons tarabiques. Elle nous rappelle "Alhan zaman" de Hela El Hadidi de la radio du Caire et les deux émissions de Tarak Mustapha, de la radio El Aghani,"Kan ya ma kan"et
"Fi youm minil ayam".
Fathallah a dû fournir des efforts immenses pour pouvoir se procurer une telle richesse musicale. Il aurait également hérité, de son père, d'archives de valeur inestimable. Mais, il ne s'était pas arrêté là. Sa passion l'a poussé à aller chercher les choses rares là où elles s'y trouvent. C'est ainsi qu'il effectua plusieurs voyages au Caire (surtout), à Damas et à Alep, le centre de gravité des "koudouds" et des "mouachahats".
Les centaines d'heures d'enregistrements colligés par Si Abdelaziz ont permis à un bon nombre de mélomanes non seulement d'écouter, mais également d'enregistrer des raretés musicales et d'avoir une idée originale sur les coulisses qui avaient entouré certaines compositions et productions artistiques.
Il profitait de ses nombreux voyages, qu'il effectuait à ses frais, pour rendre visite et interviewer des artistes et journalistes de renom tels que Chahrazad, Ammar Echerii, Hilmi Bakr , Sabah Fakhri et Hela El Hadidi .
Le défunt vouait une admiration très particulière à Farid Latrache et sa soeur, la fougueuse Ismahane. C'est ainsi que ses auditeurs ont eu la chance d'écouter plusieurs des diverses compositions de Farid. Egalement, il se plaisait à décortiquer les différents poèmes écrits par Ahmed Rami pour Oum Kalthoum. A partir de là, nous pouvons comprendre l'étendue de la passion qu'éprouvait Rami pour la Diva.
En diffusant à plusieurs reprises des oeuvres de Souad Mohamed, Si Abdelaziz voyait juste étant donné la valeur indiscutable de cette grande cantatrice peu chanceuse .
Le répertoire d'Ismahane comprend le succulent poème de la très peu connue Leila El Afifa, mis en musique par Mohamed El Kassabgi"Leyta lil Barraki aynan". "Kazaen el alhan" précisèrent que ce poème fut déjà chanté, dans les années trente, par Hayette Mohamed et par Ibrahim Hammouda (qui avait d'ailleurs chanté en tandem avec Oum Kalthoum l'opérette Aida dans un film qui porte le même nom).
Si Abdelaziz nous gratifia également de quelques joyaux dont les interprètes sont peu ou pas connus de l'actuelle génération d'auditeurs. Nous citons à titre d'exemple "Winnabi yaba" de Aouatef Fadhel et autres tubes de Houria Hassen, Chafik Jalel , Maher El Attar et Houda Soltane , lesquels chanteurs s'étaient produits en Tunisie (en particulier à Sousse) au milieu du siècle dernier.
Les ténors de la musique tunisienne ont également eu leur part .C'est ainsi que l'auditoire de Radio Monastir a eu droit à des enregistrements , parfois inédits de Hédi Jouini , Ali Riahi , Hana Rached ,Chafia Rochdi ...et la liste est longue.
Des férus d'arts en général et de musique en particulier , de la trempe de Abdelaziz Fathallah, ça ne court pas les rues .
Le défunt va laisser un grand vide au sein de la sympathique station radiophonique monastirienne. Puissent ses amis et ses collègues prendre le témoin pour parachever un parcours dont les grandes lignes sont déjà tracées. Une telle tâche ne nous semble pas utopique mais elle va nécessiter beaucoup de savoir-faire , de passion et de patience.