« Se taire c'est laisser croire qu'on ne juge et ne désire rien » cette citation de l'homme révolté d'Albert Camus, s'applique-t-elle à la situation actuelle de la Tunisie postrévolutionnaire, secouée pourtant par le vent du printemps arabe ? Si pendant l'ancien régime les victimes étaient réduites au silence malgré elles, au jour d'aujourd'hui, se taire c'est laisser perdurer une situation du passé qui a continué chez ceux qui ont gardé les réflexes du passé et n'ont pas cru bon de changer les procédés dont on usait pendant l'ancien régime, pour sévir, punir, par tous les moyens quitte à tomber dans des Bavures et des injustices.
La torture, a souvent été par le passé, un moyen parmi d'autres pour faire avouer des innocents, et les juger pour des délits qu'ils n'ont jamais commis.
De nos jours, la torture serait encore pratiquée par tous les moyens et entre autres par le viol. Ahurissant ! Comment peut-on imaginer qu'on en est encore là ?
Et pourtant l'affaire du viol de la jeune fille par les agents de police en est une illustration frappante.
Qu'en est-il au juste ?
La jeune fille concernée a raconté qu'elle était accompagnée de son ami le jour des faits. Un 4 septembre, quand elle s'est rendue au poste de police du district de Carthage où elle devait porter plainte contre deux agents de l'ordre pour viol. Une version écoeurante dénotant, si cela était prouvé, d'une mentalité abjecte et d'une attitude de la police qui nous rappelle celle des ripoux de l'ancien régime.
Coup de théâtre
Devant le juge d'instruction qui la convoqua, la jeune fille qui croyait se présenter à titre de victime, s'est trouvée, à son grand étonnement, sur le banc des accusés, pour répondre du délit d'outrage à la pudeur !
Juridiquement, il est loisible au juge d'instruire à charge et à décharge, pour la recherche de la vérité.
Cependant, où est la vérité dans cette affaire ?
Les policiers ont eux-mêmes accusé leur victime d'outrage à la pudeur. Etait-ce pour se disculper, ou pour dire qu'ils ont été tenté par une attitude fautive de leur victime ?
En tout état de cause, et en attendant l'issue de l'enquête menée par le juge instructeur, cette affaire a suscité l'indignation générale, de la part des composantes de la société civile ainsi que de celle des associations de défense des droits de la femme et de lutte contre la torture.
Le devoir et le courage de dénoncer
Pour sa part, la ministre de la femme Sihem Badi s'est déclaré solidaire de la cause de cette jeune fille, violée par les agents de l'ordre, censés en principe la protéger. Faisant part de son indignation, la ministre a déclaré que cette jeune fille a eu le courage et le mérite de briser le silence, pour dénoncer cet acte vil et abject, dont les auteurs sont de se surcroît des agents de l'ordre.
La victime, n'aurait pas intérêt, en effet, à mentir, et c'est déjà courageux de sa part de briser le silence, en dénonçant cet acte qui lui est préjudiciable à tout point de vue.
Une cellule de détresse a été créée au sein du ministère pour permettre à toutes les femmes victimes de ce genre de violence, de le dénoncer illico et sans hésiter, en contactant le 1880, ou le 71335572.
Pour sa part, Sihem Ben Sédrine, la militante des droits de l'homme, affirme que la victime a été « menacée d'être poursuivie en justice par le juge d'instruction chargé de l'examen de l'affaire. La jeune fille a confirmé qu'on lui a demandé de retirer sa plainte. »
De son côté Me Radhia Nasraoui a condamné également cet acte de viol à l'égard de la jeune fille qu'on avait transformée en accusée. Elle a ajouté que la torture est encore pratiquée, et que des agents de l'ordre persistent et signent.
Elle ajouta que dernièrement c'est un jeune homme qui a été violé par des agents de l'ordre !
C'est le comble, et c'est désolant que des procédés de ce genre puissent exister encore en Tunisie, pays où la femme s'est battue pour recouvrer sa dignité et ce, depuis l'ère coloniale.
Il ne faut plus hésiter à dénoncer tous ces actes abjects, liés à la torture, physique ou psychique, et quelle qu'en soit l'origine. Car se taire est une attitude de désespoir, laquelle n'est plus permise en Tunisie postrévolutionnaire.