Lorsqu'une victime se transforme en accusée, c'est qu'il y a généralement un hic, et auquel cas, il faut des preuves tangibles et non de simples présomptions. En pratique nous avons plusieurs fois vu des victimes rentrer par la porte des témoins et sortir par celle des accusés, et même parfois menottés et flanqués de gardes qui les embarquent dans le panier à salade.
Sur le plan juridique, cela peut arriver, dans des cas d'échange de violence par exemple, (échange de coups et blessures, échanges d'insultes ou de menaces....)
Ou lorsque les allégations de l'intéressé en tant que victime s'avèrent être non fondées et inventées de toutes pièces.
En tout état de cause, le juge instructeur, ne manque pas de mener une enquête précise et minutieuse afin de rassembler tous les éléments dans le but de la recherche de la vérité, et en instruisant à charge et à décharge.
Est-ce le cas en l'occurrence où la jeune fille qui aurait été victime de viol, par deux agents de l'ordre, le 3 septembre dernier, a été citée à comparaître hier, devant le juge d'instruction pour être entendue concernant l'accusation d'outrage public à la pudeur dont elle a été inculpée par le parquet et également pour être confrontée avec les deux agents qui auraient attenté à sa pudeur.
En fait, elle comparaît en tant que victime, mais aussi en tant qu'accusée.
Ce qui a suscité l'indignation de plusieurs membres de la société civile, dont notamment la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, ainsi que l'Association Tunisienne contre la Torture.
Eléments constitutifs de l'outrage à la pudeur
La preuve de ce délit ne peut être établi par des supputations ou des interprétations de gestes ou de paroles par l'auteur de bonne foi.
Il peut s'agir de paroles ou de gestes prêtant à équivoque et donnant matière à interprétation. Dans ce cas le délit ne peut être établi.
Cependant certains actes tel que le fait d'apparaître en public dans un accoutrement à la limite de l'obscénité, ou de proférer des propos infâmes, constituent le délit en question, s'ils sont prouvés de manière indubitable et intangible.
Est-ce le cas pour la jeune fille ?
Cela dépend si les allégations émanent des agents eux-mêmes et qui auraient été faites par esprit de revanche, étant eux-mêmes accusés de viol, ou si cette accusation provient de tierces personnes.
D'autre part et quand bien même fut-ce le cas, il faut qu'elles soient prouvées den manière incontestable.
Que vaut le témoignage d'un accusé ?
Il est bien évident que s'il n'y a pas d'autres témoins que les agents en question, cela prêterait à équivoque et devrait être battu en brèche par le juge d'instruction, dès lors qu'il y a un tant soit peu de doute concernant la sincérité d'un témoignage ou la véracité d'une allégation.
En l'occurrence la jeune accusée a prétendu avoir été victime de viol.
Deux affaires qui n'ont pas la même gravité ni le même impact
Etait-il opportun de joindre les deux affaires de viol, et d'ou à la pudeur, en une seule, afin qu'elles soient instruites par le même juge ?
A cette question, la majorité des membres de la société civile dont notamment les juristes et les associations des droits de l'Homme, répondent par la négative.
Le viol est un acte qui n'a pas les mêmes conséquences sur la victime.
La jeune fille, mérite d'être suivie et entendue avec attention, et elle est encore sous le choc.
A accusation, accusation et demie ?
D'autres observateurs affirment que cette accusation d'outrage à la pudeur serait montée de toutes pièces par les agents accusés de viol, pour noyer le poisson.
Dans ce cas, et si l'accusation d'outrage à la pudeur n'aurait pas pu être établi, ils n'auraient fait que confirmer l'accusation de viol dont ils ont été incriminés.
Mais ne devançons les évènements avant la fin de l'enquête menée actuellement par le juge d'instruction, censé instruire à charge et à décharge.