Plusieurs ONG spécialisées dans la défense des droits de l'Homme ont dénoncé, hier, les poursuites pour atteinte à la pudeur engagées contre une jeune femme violée par deux policiers le 3 septembre . Les deux policiers, écroués pour viol, la jeune femme et son fiancé ont été convoqués par un juge d'instruction hier pour une confrontation au cours de laquelle la victime a été entendue en tant qu'accusée du délit d' «atteinte à la pudeur et voies de fait», ont révélé ces associations dans un communiqué. Les ONG parmi lesquelles figurent notamment l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD), le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et l'Association tunisienne de lutte contre la torture (ATCT) ont dénoncé «une procédure qui transforme la victime en accusée, qui vise à la terroriser et à l'obliger, elle et son fiancé, à renoncer à leurs droits». Les signataires du communiqué s'interrogent également aussi sur «le sérieux de l'engagement du gouvernement à appliquer le plan national de lutte contre la violence faite aux femmes». Elles expriment, par ailleurs, «leur profonde préoccupation» face à la tournure des événements surtout que « la jeune fille se trouve encore dans une situation psychologique fragile nécessitant soutien et encadrement». Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarrouche, a indiqué que son ministère « n'avait rien à voir avec les poursuites engagées contre la jeune femme», soulignant que la décision relevait d'un juge d'instruction. «Dans cette affaire, nous nous sommes comportés comme il fallait. Ce qui devait être fait a été fait, les trois agents ont été arrêtés tout de suite, a-t-il précisé. «Actes isolés» L'affaire de viol de la jeune femme par des policiers qui a eu lieu dans le quartier de Aïn Zaghouan remonte au 3 septembre. Ce jour là, la victime et son fiancé étaient dans leur voiture lorsqu'ils ont été abordés par trois policiers. Deux d'entre eux ont violé la jeune femme pendant que le troisième gardait son compagnon. L'affaire avait fait couler beaucoup d'encre d'autant plus que le porte-parole du ministère de l'Intérieur avait déclaré que le couple avait été retrouvé par les policiers dans une «position immorale», précisant toutefois que «cela ne justifiait pas le viol qui a suivi». Les associations féministes ont regretté ces déclarations du porte-parole du ministère de l'Intérieur qu'elles considèrent comme étant « une justification inacceptable de ce crime et une double atteinte aux droits humains les plus élémentaires ». Ces associations ont aussi dénoncé le comportement de la police à l'égard des femmes, dont certaines seraient «harcelées pour leur tenue vestimentaire ou lors de sorties nocturnes sans être accompagnées par un homme de leur famille». Pour le porte-parole du ministère de l'Intérieur ces comportements à l'égard des femmes constituent des cas isolés. «Ce sont des actes isolés, il ne faut pas y voir quelque chose d'organisé ou de généralisé. Les policiers sont aussi des citoyens avant tout et lorsqu'ils commettent des fautes, on applique la loi sans équivoque», a-t-il fait savoir. Les femmes tunisiennes bénéficient du statut le plus avancé du monde arabe depuis la promulgation du Code de statut personnel (CSP), un ensemble de lois libérales édictées le 13 août 1956 et qui a instauré l'égalité des sexes dans plusieurs domaines. La commission des droits et des libertés relevant de l'Assemblée nationale constituante a proposé en août dernier d'inscrire la complémentarité des sexes et non l'égalité dans la future Constitution. Cette proposition qui a suscité une véritable volée de bois vert auprès des féministes et des défenseurs des droits de l'Homme a été abandonnée lundi.