La troïka au pouvoir est enfin parvenue à un accord sur la nature du régime politique qui sera inscrit dans la Constiution. La coalition composée d'Ettakatol, du Congrès pour la République (CPR), et dirigée par le mouvement islamiste Ennahdha, a annoncé, le week-end dernier, que cet accord prévoit «un régime politique mixte dans lequel le président sera élu au suffrage universel pour un meilleur équilibre des pouvoirs et au sein du pouvoir exécutif».
La nature du régime constituait jusque-là le principale point d'achoppement au sein de la troïka. Ennahdha réclamait un régime parlementaire pur tandis que ses partenaires souhaitaient un système politique laissant des prérogatives importantes à un chef de l'Etat élu au suffrage universel.
Défendu aussi par une large partie de l'opposition, le régime mixte appelé aussi régime régime parlementaire aménagé se caractérise par un pouvoir exécutif double: un président de la République élu au suffrage universel et détenant des pouvoirs réels et un Premier ministre qui travaille de concert avec le pouvoir législatif.
Dans le cadre du régime mixte, le Président de la République est responsable de la préservation de l'intégrité territoriale. Il est chef suprême des armées et le garant de la Constitution. Il peut opposer un droit de véto sur les projets de loi d'intérêt national, un mécanisme qui mène au renvoi des projets de loi devant le parlement. Les projets de loi doivent être dans ce cas de figure adoptés à la majorité qualifiée de deux tiers.
“Compétences d'empêchement"
Le Chef de l'Etat participe aussi aux nominations au niveau des instances de régulation comme la Cour Constitutionnelle, le Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu'au niveau des instances indépendantes comme celles des médias et des élections. Il dispose également du droit de dissoudre le parlement en cas de crise politique consécutive à la perte de la majorité gouvernementale ou d'élections ayant abouti à un éclatement toal du paysage politique qui empêche la constitution d'une majorité. Le président a, par ailleurs, la possibilité de consulter le peuple par référendum. “Dans le cadre du régime mixte, le Président de la République joue presque le rôle d'un contre-pouvoir grâce à ses multiples compétences d'empêchement", commente le constiutionnaliste Jawher Ben M'barek.
Nommé par le président de la République parmi les cadres du parti ayant obtenu la majorité au sein du parlement, le Premier ministre dispose de larges prérogatives allant de la formation d'un gouvernement aux nominations dans les postes administratifs.
Aux yeux de ses défenseurs, le régime mixte est le mieux indiqué pour la Tunisie en cette étape marquée par un foisonnement de formations politiques de toutes les tendances et une grande désaffection pour le régime présidentiel. Les partisans de ce type de régime estiment également qu'avec un régime parlementaire pur, il existe un risque de voir le parlement dominé par un seul parti qui contrôlera, de ce fait, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.«L'inconvénient du régime parlementaire est lié au risque de la domination d'un seul parti aux élections. Dans ce cas, le gouvernement et le président de la République, en seront issus. La vie politique serait alors hypothéquée entre les mains d'un seul parti», explique le constitutionnaliste Farhat Horchani.
Risque d'un conflit de prérogatives
L'autre défaut du parlementarisme est connu : l'instabilité gouvernementale au cas où aucun parti ne parvient à obtenir la majorité au sein du parlement. Faute de pouvoir s'adosser à un bloc majoritaire, le parti arrivé en tête aux élections législatives risque de s'épuiser, dans ce cas de figure, en tractations avec d'autres partis qui pourraient “monnayer" leur soutien au prix fort. Même s'il réussit à obtenir des alliés, le parti arrivé en tête risque aussi de vivre en permanence sous la menace de défections qui le priveraient de la majorité.
Pour les constitutionnalistes, le régime mixte n'est pas, pourtant, exempt d'incovénients. Doté d'une légitimité populaire découlant de son élection au suffrage universel, le Président de la République risque de concentrer entre ses mains la symbolique du pouvoir et d'apparaître de facto comme étant l'homme fort du régime et le vrai maître du pays.
Au cas où le Président n'appartient pas au parti qui dispose de la majorité parlementaire, il existe un risque de conflit de prérogatives. Explication: le Chef de l'Etat pourrait être amené à contrer la majorité parlementaire en utilisant ses prérogatives, ce qui risque de créer un conflit permanent au sommet de l'Etat.
Dans le cas où le Président est issu du parti disposant de la majorité parlementaire, l'idée du contrepoids qu'il représente s'effondre.
Pour Fadhel Moussa, élu à l'Assemblée nationale constituante et le doyen de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, le système politique parfait n'existe pas. « Nous devons choisir le système qui présente le moins d'inconvénients», lâche-t-il...