En collaboration avec l'American Bar Association, l'Ordre national des avocats a organisé jeudi soir à Tunis un séminaire intitulé «Quel régime politique pour la Tunisie : les enjeux». Ce séminaire qui n'a pris fin qu'à deux heures du matin alors que le programme avait prévu la clôture pour 23 heures au plus tard, tant la question du régime politique à choisir pour la Tunisie est épineuse et revêt un aspect purement technique et un autre purement politique. Dans son allocution d'ouverture, le bâtonnier Chaouki Tabib précise qu'en raison des divergences d'opinion entre les avocats, l'Ordre national des avocats a choisi de s'abstenir de défendre de façon officielle un régime politique en particulier, tout en favorisant les débats au sein de la société civile et de la classe politique en organisant de tels séminaires. Dans son intervention, Ghazi Gherairi, constitutionnaliste et secrétaire général de l'Académie internationale de droit constitutionnel, explique que la question du régime politique à adopter pour la Tunisie s'est polarisé, certains défendant un régime parlementaire comme s'il en existait un seul, d'autres brandissant la nécessité d'un régime présidentiel comme s'il en existait un seul. D'abord, de quel régime politique nous ne voulons pas ? Car, continue l'orateur, l'absence de garanties constitutionnelles peut faire de n'importe quel régime politique, un régime totalitaire. De même, nous ne pouvons nous prononcer sur un régime politique sans avoir une vision d'avenir sur le dynamisme de la vie politique dans notre pays. Un raisonnement de la sorte conduit, selon l'intervenant, à une convergence des points de vue, loin des passions partisanes. Faisant allusion à ceux qui accusent le régime présidentiel de tous les maux, Ghazi Gherairi cite en exemple la phase transitoire que nous vivons en ce moment dans laquelle il y a eu simplement un transfert des pouvoirs au Premier ministre, des pouvoirs qui autrefois étaient entre les mains d'un président, au Premier ministre. Slim Loghmani, professeur de droit général à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, enrichit le séminaire en déclarant que «la vie politique ne se règle pas comme une horloge». Pour lui, un régime politique efficace et démocratique est un régime politique qui favorise l'alternance au pouvoir et que les garants de la démocratie restent les principaux fondamentaux, à savoir une justice indépendante, une presse libre et indépendante et une société civile qui joue son rôle. La réalité politique actuelle, estime-t-il, nous révèle que les partis politiques disposant d'une grosse machine interne préfèrent le régime parlementaire, alors que les partis qui misent sur le charisme de leurs dirigeants défendent le régime présidentiel. A la fin de son intervention, le professeur Slim Doghmani se prononce pour un régime parlementaire mixte dans lequel le président de la République dispose d'un pouvoir souverainiste et non gouvernemental tel que la nomination du Premier ministre (généralement issu de la majorité parlementaire), la dissolution du parlement, le décret de l'Etat d'urgence et le pouvoir d'empêcher (au cas où il jugerait que le parlement a passé une loi qui va à l'encontre des valeurs de la République). Le conférencier Omar Chetwi, président de la commission des pouvoirs législatif et exécutif, a pour sa part indiqué que sa commission se dirige vers un consensus autour d'un régime parlementaire, mais que des divergences persistent, notamment sur l'élection ou non du président de la République au suffrage universel. Notons enfin que lors du débat, le député et membre du bureau politique du mouvement Ennahdha, Amer Larayadh, s'alignant sur la position de son parti et défendant tout naturellement le régime parlementaire, a résumé celui-ci en un régime participatif dans lequel le pouvoir est aux mains de plusieurs sensibilités politiques et le régime présidentiel comme étant un régime dont les pouvoirs sont concentrés aux mains d'une seule personne. De son côté, Ziededdine Mourou, président de l'Association des jeunes avocats, plaide pour un régime parlementaire qui permette une représentativité, qui garantira un non-retour à la dictature.