Raoudha Karafi déplore la marginalisation de la magistrature Soucieux de défendre leur indépendance, les magistrats tunisiens poursuivent leur sit-in qui atteint aujourd'hui, son 13ème jour. C'est un sit-in ouvert, entamé depuis le 4 octobre courant, au siège de l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) au palais de Justice à Tunis. Ce sit-in est observé en relation avec le rejet du dernier mouvement des magistrats, la résurrection du Conseil Supérieur de la Magistrature dissous, les lenteurs constatées dans la mise en place d'une Instance provisoire de la Magistrature.
Tandis que les tribunaux continuent à siéger le plus normalement du monde, des groupes de magistrats se relayent, hors des heures de travail pour exprimer leur mécontentement. Des magistrats en exercice, des retraités, de différents grades venant de différents tribunaux, ainsi que de l'administration centrale manifestent une solidarité inébranlable. La présence de magistrats du Tribunal administratif et de la Cours des Comptes a été fort remarquée. Des délégations de différentes régions du pays ont fait de longs déplacements. Plusieurs représentants d'associations et d'organisations des Droits de l'Homme, ainsi que des personnalités politiques et des membres de la Constituante ont exprimé leur soutien aux sitinneurs. Dans cet ordre, l'Association libyenne des magistrats, le Conseil de l'Ordre des avocats, l'Association des Jeunes avocats, la Chambre Nationale des Huissiers notaires, le Syndicat national des forces de sécurité intérieures, la Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, l'Observatoire Tunisien de l'Indépendance de la Magistrature, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, l'Association tunisienne de lutte contre la torture et plusieurs autres associations des Droits de l'Homme ont exprimé leur soutien aux magistrats. Parmi les partis politiques le Parti Républicain en la personne de sa secrétaire Générale Meya Jéribi, le Parti des Travailleurs, représenté par son secrétaire général Hamma Hammami, le Mouvement Wafa présidé par Me Abderraouf Ayadi, le parti des Patriotes Démocrates Unifié, représenté par Me Chokri Belaïd, le Mouvement de la Lutte nationale en les personnes de Slim Achich et Samir Driss et le parti Al Amana et Justice présidé par Kamel Ezzin, n'ont pas manqué à leur tour d'effectuer le déplacement pour marquer de plus près leur solidarité avec les magistrats. C'est que la cause des magistrats a une portée qui dépasse largement leur corps de métier.
Une nouvelle réconfortante ayant trait à l'invitation adressée par l'UGTT à l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) pour participer au dialogue national tenu hier pour dégager un consensus sur la période transitoire. Raoudha Karafi, secrétaire générale de l'Association, précise au Temps, que cette invitation a été acceptée. L'association à travers sa présidente Kalthoum Kannou a transmis une lettre adressée aux participants aux travaux du congrès. Elle déplore « l'absence d'horizon concernant la réforme de la justice, surtout que la Troïka au pouvoir n'a pas pipé mot sur la magistrature dans son dernier communiqué.
La justice a été totalement ignorée ». La secrétaire générale de l'AMT considère que cet oubli aggrave la tension dans le corps des magistrats. Elle trouve que « l'initiative de l'UGTT est fort intéressante dans la mesure où elle aboutira à un consensus dans lequel la justice retrouvera la place centrale qui lui revient ». Elle regrette la marginalisation de la magistrature. « La magistrature n'a pas de place après la Révolution. Au moment où la cause des magistrats a fait une percée dans le débat public, la Troïka n'a fait que l'ignorer et l'escamoter. La mise en place d'une Instance provisoire de la Magistrature est indispensable. Il n'est pas question de faire ressusciter le Conseil Supérieur de la Magistrature qui reproduit l'ancien système », dit-elle. Ne pas accorder à l'indépendance de la Justice la place qu'elle mérite ne sert pas la transition démocratique. Qui aura à trancher les litiges électoraux, sauvegarder les libertés individuelles, assurer la justice transitionnelle ?
Seuls des magistrats indépendants pourront assurer ces nobles tâches. « Un magistrat qui n'est pas conforté dans sa vie professionnelle ne peut être indépendant », affirme la Secrétaire Générale.
En ce qui concerne le mouvement de magistrats, les recours au Tribunal administratif suivent leur cours. Une requête pour la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature a été engagée.
Notre interlocutrice insiste sur l'urgence de créer l'Instance provisoire de la magistrature. « L'échéance électorale du 23 juin est très proche. Le problème des désignations continue d'être posé. L'instance doit être mise sur pied au plus tard au mois de décembre. La préparation du prochain mouvement des magistrats doit se faire à partir du mois d'avril. Si l'instance n'est pas créée à temps, de gros problèmes seront posés. Il ne faut pas temporiser jusqu'à l'adoption de la prochaine Constitution pour le faire».
La situation des magistrats est surréaliste et intenable.
A quand la sortie du tunnel et la fin du sit-in ? Raoudha Karafi, précise : «Les magistrats ne peuvent que tenir bon».