L'affaire a commencé par l'annonce à la chaîne Ettounsia de l'interview de Slim Chiboub, gendre de Ben Ali, impliqué de moult affaires de malversation, qui a pris la fuite depuis la Révolution, pour aller s'installer à Doubaï. Le citoyen qui a soif de connaître la vérité a été réjoui par cette nouvelle, l'interview en question étant susceptible sinon de contribuer à la recherche de la vérité , en tout cas de jeter la lumière sur certains points restés obscurs par rapport au citoyen Lambda, et de donner l'occasion par là même à la personne concernée de s'exprimer. Il ne s'agit en effet ni de le condamner, ni de le blanchir, car cela est du ressort de la Justice, mais d'éclairer l'opinion publique. Car selon l'intéressé, qui a donné une interview quelques jours après la révolution, à African Manager, « il n'a jamais pris la fuite, étant à Dubaï avant le 14 janvier, mais il a préféré y rester pour des raisons de sécurité »
Coup de théâtre et déception Mercredi dernier, soit un jour avant la diffusion de l'interview dans l'émission « 9h du soir » à Ettounsia, réalisée par Moëz Ben Gharbia, journaliste à la chaîne Ettounsia, le représentant du contentieux de l'Etat intente une procédure en référé, devant le tribunal de Tunis, en vue d'interdire la diffusion de l'interview de Slim Chiboub sur tout type de média.
Motifs allégués : incitation à la haine et trouble à l'ordre public L'avocat agissant pour le contentieux de l'Etat, a appuyé cette procédure, en expliquant à l'opinion publique dans une émission sur la même chaîne Ettounsia jeudi dernier, jour où devait passer l'interview, que le fait de permettre à Slim Chiboub , ou à n'importe quelle personne ayant appartenu au régime de Ben Ali, et impliquée dans des affaires de malversation, de s'exprimer en public, est de nature à inciter au trouble de l'ordre public et à semer la discorde (la Fitna) entre les citoyens. Ce n'était pas l'avis de Moëz Ben gharbia qui estime que le motif allégué est fallacieux et en tout cas juridiquement non fondé.
Motif détourné, au détriment de la liberté d'expression Pour Zied El Hani, il s'agit d'une action de censure flagrante et d'une atteinte à la liberté de la presse. En effet, en quoi le fait de permettre à un accusé de jeter la lumière sur certains points dans cette affaire, peut-il inciter à la discorde ? Et quand bien même la culpabilité de cette personne serait établie de manière tangible, ce qui n'est pas encore le cas, ne pourrait-il pas avoir l'occasion de s'expliquer ? Le lui interdire c'est le condamner d'avance. Les interviews de certains grands mafieux ou même de grands criminels, n'ont jamais été censurées,que ce soit en Europe ou même aux Etats-Unis. Cela n'a jamais incité qui que ce soit à la haine ou à la discorde. Cela n'a jamais influencé la décision du juge qui statue en fonction des données qui sont dans le dossier, et qui est tenu d'appliquer la loi d'une manière impartiale et en son âme et conscience.
Action rejetée par le tribunal La chambre des référés près le tribunal de première instance de Tunis, vient de rejeter hier, l'action formulée par le représentant du contentieux de l'Etat, jugée juridiquement non fondée. Moez Ben Gharbia avait déjà déclaré en direct avant-hier à la chaîne Ettounsia., et en présence de l'avocat Me Ftehi Laâyouni, que l'interview avec Slim Chiboub sera bel et bien diffusée. Cette déclaration à titre de défi est également prémonitoire, maintenant que la Justice a dit son mot.
Le droit de savoir Les citoyens qui étaient, avant la Révolution, mal informés, ou pas informés du tout, et qui ont bavé des violations des droits de l'Homme, dont la censure constituant une atteinte notoire à la liberté d'expression, ont besoin désormais d'être éclairés sur toutes les situations qui ont trait à l'avenir social, politique du pays. Ils veulent surtout connaître la vérité. Le droit de savoir est le fondement de la liberté d'expression, qui est dans les pays libres et démocratiques, un principe intangible. C'est un facteur d'apaisement et non de discorde ou de trouble à l'ordre public. L'altération de la vérité est source discorde et de trouble à l'ordre public. Ahmed NEMLAGHI