Les acquis progressistes accomplis par la Tunisie, depuis l'indépendance et jusqu'à ce jour, en matière de limitations des naissances et de maîtrise de la croissance démographique, seraient sérieusement menacées. Dans diverses occasions, des analystes ont exprimé la crainte de voir l'éveil religieux, enregistré en Tunisie, après la révolution, favoriser un retour fracassant du fatalisme et de la croyance aveugle à la providence divine, propre à pousser la grande masse des citoyens à abandonner le recours à la contraception et au planning familial, comme étant opposés à la volonté divine et aux préceptes religieux. Avec une population proche de la saturation, estimée à 11 millions d'habitants et des conditions de vie d'un pays quasi développé dans beaucoup de domaines, comme la santé et l'éducation, une reproduction débridée, laissée aux caprices de la nature, consécutive d'un relâchement dans la pratique des moyens contraceptifs et la limitation des naissances, entraînerait, en Tunisie, un emballement démographique aux conséquences désastreuses, selon les mêmes analystes. Situation encore normale Cependant, des opérateurs, en contact direct avec ce volet, parmi les médecins et les pharmaciens, écartent ce scénario catastrophique. Un pharmacien nous a indiqué que la vente des préservatifs pour hommes et des pilules contraceptives pour femmes se poursuit normalement, ainsi que leur acquisition qui n'a pas connu de recul. Comme le stipule les règlements, les préservatifs, offerts à des prix symboliques, sont exposés ouvertement, au vu de tous, sur le comptoir, afin de ne pas embarrasser les acheteurs qui n'ont qu'à les montrer du geste et à dire :''donnez-moi ça''. D'après un autre spécialiste du domaine, la peur d'un emballement démographique en Tunisie, est injustifiée, car la contraception et la limitation des naissances sont entrées dans les mœurs des Tunisiens et sont devenues des habitudes enracinées dans leur comportement et leur vécu quotidien, à l'image des pays européens et des pays développés, en général. Il est difficile, voire, impossible, de les déraciner .D'autant que les Tunisiens se sont rendus compte des effets bénéfiques de la limitation des naissances au niveau de la famille , des femmes et des hommes, à la fois, s'agissant de toutes les classes et franges de la société, riches et pauvres, citadines et rurales, très instruites ou relativement instruites, car l'ignorance absolue n'existe plus, en Tunisie. La question n'est plus une affaire de politiques dictées d'en haut, pour ou contre la planification familiale, auxquelles on adhérerait ou non, mais il s'agit d'une manière de voir et d'une attitude sociales générales, fortement ancrées et entrant dans le cadre de la conception de la famille et des rapports familiaux. Transition démographique Les programmes de planning familial et de limitations des naissances, en Tunisie, ont démarré, en effet, au lendemain de l'indépendance, en 1956, parallèlement à l'adoption des législations en faveur de l'émancipation de la femme et la réforme des régimes de mariage et de l'organisation de la vie familiale dans le cadre du Code du statut personnel, promulgué le 13 août 1956 , soit six mois après la proclamation de l'indépendance en mars 1956. C'est ce qui explique le fort taux de la prévalence contraceptive, enregistré actuellement, en Tunisie, tandis que l'indice de fécondité se situe aux alentours de 2 enfants par famille, une performance réalisée, depuis 2000, à vrai dire, ce qui avait amené un chercheur français à l'époque à dire que ‘'la Tunisie a réussi, admirablement, sa transition démographique''. Une peur fondée Toutefois, beaucoup d'autres commentateurs estiment que la peur de voir tous ces acquis progressistes réduits à néant, est fondée et légitime, face à l'apparition de comportements et de phénomènes, après la révolution, propres à la justifier et à la fonder, parce qu'on les croyait à jamais révolus et dépassés, à l'instar des changements survenus au niveau de l'habillement et des tenues féminines et masculines, et illustrés par le port généralisé du voile féminin chez les femmes et les jeunes filles, , appelé niquab ou hijab ou encore burkâa, et le port de la tenue à connotation religieuse, dite pakistanaise, chez les hommes. Le port du voile féminin partiel ou total est répandu, aujourd'hui, chez les étudiantes des Universités. La presse et les gens parlent également de la résurgence du mariage coutumier, outre l'intention d'officialiser les notaires religieux spécialisés dans l'établissement des contrats de mariage, selon les méthodes anciennes, et l'abaissement de l'âge légal de mariage pour les filles. Face à toutes ces résurgences inattendues de conduites passées, un rétablissement de la reproduction naturelle, au nom d'interprétations excessives du patrimoine religieux, est fort possible. L'étonnant est que les enseignements de la religion étaient largement utilisés, auparavant, pour défendre et soutenir le bien fondé de la limitation des naissances et de la maitrise de la croissance démographique.