Nous avons reçu il y a quelques jours une invitation pour couvrir la conférence de presse organisée à l'occasion de la 2ème session du Festival International de la Révolution du 17 décembre 2010. Le courriel était signé par une certaine Aïda Daly « membre et attaché de presse dans la comité de festival international de 17 décembre 2010 correspondante de radio mosaïque et TV Tounsiya. » L'expéditrice termine son message en nous remerciant « d'arriver au conférence de presse » ! Hélas ! Nous n'avons pas pu « arriver au conférence » à cause d'un contretemps professionnel, mais nous reçûmes quand même le programme de la manifestation qui s'étend sur cinq jours (du 15 au 19 décembre 2012). Que propose-t-il en fait? Des conférences à souhait, de la poésie, de la musique, du cinéma, des tables rondes, des jeux, des sorties de scouts, des ateliers, des expositions, des feux d'artifices et des hommages à n'en plus finir. De la « tartine » à gogo ! En revanche, il n'y sera question d'aucun projet réalisé à Sidi Bouzid et qui soit digne de « sa » Révolution et de ses martyrs. Pire, l'un des nombreux conférenciers invités démontrera la difficulté d'investir à Sidi Bouzid en vue de développer le gouvernorat. En définitive, le Festival de la Révolution propose de la littérature et beaucoup de bruit pour dire que deux ans après l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, la région qui a déclenché l'insurrection contre le régime de Ben Ali ne recueille encore que des discours oiseux et de maigres hommages. A Sidi Bouzid ou ailleurs, les gens ont soif de projets de développement effectif. Ils en ont assez de ces festivités trompe-l'œil qui commémorent plutôt que le succès d'une révolution, l'échec d'une transition démocratique. On célébrera le « 17 décembre » en grandes pompes ; M. Le Président ira sur les lieux inaugurer le festival : annoncera-t-il une ou plusieurs bonnes nouvelles aux habitants ? Ou bien se contentera-t-il de donner entre les allocutions des organisateurs et celles des invités la sienne propre ? Combien de temps prendra-t-il ce baratin dont on tartine « révolutionnairement » les peuples après le « Printemps arabe » ? Et puis, parmi les conférenciers, figurent peu d'experts de notoriété internationale. Certains d'entre eux n'ont rien d'autre à dire que ce qu'ils ont déjà dit dans toutes les commémorations précédentes. Et il reste beaucoup à dire et à redire sur le statut « révolutionnaire » de quelques intervenants. Le retour du même ! Si l'on continue à fêter la Révolution avec de tels programmes, dans un an ou deux, le Festival ressemblera un peu trop aux commémorations célébrées du temps de Bourguiba et de Ben Ali. La langue de bois qui reprend déjà du service dans les milieux officiels sera l'unique discours autorisé pour évoquer le 17 décembre et le 14 janvier ! Les scouts sont de retour aujourd'hui ; demain, on sollicitera les majorettes de Sousse pour défiler devant le Président. On passera en revue quelques troupes militaires et des patrouilles de police ou de garde nationale. On décorera des « révolutionnaires » douteux et l'on alignera, au passage des cortèges officiels, des milliers de jeunes et de vieux applaudisseurs et applaudisseuses. Des signes avant coureurs font craindre que certaines chaînes de télévision et quelques stations de radio se portent volontaires pour couvrir les cérémonies organisées « sous l'égide » (Ah ! quelle maudite construction !) ou bien « sous le haut patronage » (odieuse formule !) d'un quelconque président ou d'un quelconque ministre ! De nouveaux reporters, lécheurs de bottes en stage, infestent depuis peu le secteur journalistique pour offrir leurs services « gratuits » aux nouveaux maîtres du pays. Ces louveteaux sont les futurs « envoyés spéciaux » dans chaque festival de la Révolution avec pour mission première d'enregistrer les discours des invités de marques, d'énumérer des réalisations fictives du gouvernement et de filmer les masses populaires venues saluer « spontanément » les éminents visiteurs de leur région respective ! La farce ne passera pas ! On aimerait bien que le Festival du 17 décembre fasse état des progrès réels concrétisés dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, qu'il ouvre des horizons à ses jeunes chômeurs, qu'il répande l'espoir et la confiance parmi les nombreuses familles nécessiteuses de ses villes et de ses campagnes. Nul besoin là-bas de bonimenteurs, ni de « voleurs » de Révolution ! Hélas, nous avons comme le triste sentiment que le « 17 décembre » bouzidien sera incessamment (si ce n'est déjà fait) récupéré par des profiteurs émérites recrutés un peu partout, dans toutes les professions, même et surtout dans les plus viles ! Or, il ne faut justement pas que la farce passe ! Le 14 janvier non plus, il ne faut pas céder au pouvoir envoûtant des enjoliveurs ! Chacune des commémorations de ces deux dates doit coïncider avec le lancement ou l'achèvement de grands chantiers de développement national et régional. Halte aux festivités truquées, et tronquées de l'essentiel ! Pour grandir, la Révolution a besoin d'actes et guère de laïus ! Et ce n'est pas avec le lait importé de Slovénie qu'on lui garantira une croissance saine et continue !