Choisir la date du 14 janvier constituerait à leurs yeux une usurpation de la mémoire populaire et une erreur immorale Une polémique ne cesse de se développer quant à la date de mémorisation de la Révolution de la Dignité et de la Liberté en Tunisie, qui fut l'instigatrice du printemps arabe bousculant ainsi les équilibres internationaux. Ce fut en effet la première révolution du 21ème siècle qui a totalement changé la donne dans la région. Elle a des spécificités, dont la fixation de sa date. Est-ce le 14 janvier 2011, jour de la fuite du président déchu, Ben Ali ou le 17 décembre 2010, jour d'immolation de Mohamed Bouazizi et les mouvements de protestation qui s'ensuivirent ? Les historiens en décideront. En attendant, un comité formé d'intellectuels et de militants actifs dans la société civile a été constitué à Sidi Bouzid pour organiser la première célébration de « la révolution du 17 décembre ». Un programme international a été concocté sur trois jours, du 17 au 19 décembre prochain à Sidi Bouzid. Comment ce comité s'est-il constitué ? Quels sont ses objectifs ? Quel programme a –t- il préparé ? Quelles sont les participations des autres régions du pays ? Lors d'une conférence de presse très suivie, tenue hier à la Maison de Culture Ibn Rachiq à Tunis, Youssef Jellali, chargé de l'information au sein du comité a précisé que « les évènements imposent les dates. En remontant jusqu'au 17 décembre 2010, plusieurs évènements méconnus seront mis en relief. » Le Comité d'organisation a été formé de militants qui ont milité avant le 17 décembre et ont poursuivi, leur action militante pour la réalisation des objectifs de la Révolution. Au fil de l'action, le comité a été renforcé par de nombreux autres militants. Des sous-commissions spécialisées ont été mises sur pied comme celles du soutien matériel, des finances, de la propagande et de l'information, de la programmation, de l'organisation… La dernière a un grand rôle à jouer dans la réussite de la première célébration du 17 décembre. Les travaux se sont déroulés avec la collaboration du ministère et du commissariat régional de la Culture. Le ministère a accordé son soutien financier. Ce festival, déjà à dimension internationale dans ses composantes, entend rayonner au-delà de Sidi Bouzid. Il doit avoir une dimension nationale. La Révolution appartient à tous les Tunisiens, sans s'empêtrer dans certaines mauvaises interprétations régionalistes. Khaled Aouaynia, précisera que le comité a été créé, au départ sur le réseau social facebook. L'initiative a été reprise au moment des élections de la Constituante. Le retour à la date du 17 décembre s'explique par le fait que les slogans criés ce jour là, sur l'emploi, la dignité et la liberté ont jailli par la suite sur toutes les régions du pays. Les festivités débuteront le 17 décembre à minuit avec des feux d'artifice et le lancement de ballons, en présence des habitants de Sidi-Bouzid. Le festival sera meublé par une composante festive, de jeux, de sport, de cinéma, de musique et de poésie…Des invités d'honneur arabes et étrangers sont attendus dont Zied Abdettawab, un activiste politique, Mouheddine Ladhéqui écrivain et journaliste, Saly Touma, une activiste syrienne, Dr Samya Ansari du Yemen, Carman Moutawakkel, titulaire du Prix Nobel de la Paix 2011. Bilel Gharbi, rappellera que le mouvement de désobéissance civile a commencé le 17 décembre. Il ne s'est pas arrêté le 14 janvier. Il s'est poursuivi jusqu'à Kasba 1 et Kasba 2 jusqu'à la destruction de la légitimité légale. « Les petits fils des Orbane sont venus munis de leurs tentes s'installer devant l'ancienne résidence du Bey à la Kasbah. Les Révolutions doivent être datées en fonction de leur moment de déclenchement et non en fonction d'une date intermédiaire comme celle du 14 janvier ». Mohamed Jellali, fera la comparaison avec la vie des hommes. Leur histoire commence par leur date de naissance et non avec un autre évènement au courant de leur vie. Il évoquera la révolution industrielle qui date de l'invention du train à vapeur. La révolution française s'est établie par la prise de la Bastille, en 1789. Les révolutions en Libye, Egypte, Yemen, Syrie et toutes les autres révolutions se figurent par leurs débuts. Il considère que l'utilisation de la date du 14 janvier est une usurpation de la mémoire populaire et une erreur immorale. Khaled Aouaynia rappelle que l'organisation de cette célébration, fait suite à des pressions étrangères nobles. Sidi Bouzid est devenu un lieu de pèlerinage pour beaucoup d'étrangers. Lamine Bouazizi dira « nous avons eu beaucoup de pression. Un comité arabe et international a été constitué pour célébrer le 17 décembre. Première révolution au 21ème siècle, elle a été faite par la périphérie contre le centre. Des tentes seront installées pour les invités arabes et étrangers. De son côté Mehdi Horchani, rappelle qu'au départ les festivités n'allaient durer que deux jours. Comme six commissariats régionaux de la culture de Monastir et d'ailleurs, se sont joints au commissariat de Sidi Bouzid, le programme est devenu surchargé. On a ajouté un troisième jour. Le festival est organisé à Sidi Bouzid pour sa valeur symbolique. C'est cette valeur symbolique qui a incité Mohamed Zran à projeter la première mondiale de son film «Dégage» à Sidi Bouzid et non ailleurs. Un circuit touristique dédié à la Révolution sera mis sur pied. Beaucoup d'espoir et d'attente sont derrière l'organisation de cette première célébration du 17 décembre. La tradition sera – t – elle maintenue ? Indépendamment de l'évènement, si important qu'il soit, Sidi-Bouzid, ville martyre ou ville symbole de résistance appartient à la Tunisie. Et la Tunisie est une et ne demeurera q'une seule et unique nation.