« Les forces libérales ne sont pas les bienvenues » Tout un branlebas de militants démissionnaires des partis Ettakatol, du Mouvement de l'Unité Populaire (MUP), du Parti Socialiste (ex-parti Socialiste de Gauche), du Mouvement des Patriotes Démocrates et des personnalités indépendantes, tout ce beau monde s'est ligué pour annoncer, hier, la naissance de l'Alternative Sociale Démocrate. Elle n'a pas encore la forme d'un parti, mais ses initiateurs, chemin faisant entendent laisser le temps faire son travail pour laisser mûrir leur initiative pour lui donner ensuite la stature d'un parti en bonne et due forme. Réussiront-ils à faire contrepoids pour se dresser face à la bipolarisation de la vie politique ? Pourront-ils relever le défi de la lutte contre l'émiettement et la « clochardisation » des forces démocratiques et sociales ? Quelle est la teneur de leur initiative d'unification des forces démocratiques et sociales ? Dans le paysage politique actuel, où commenceront leurs alliances et où s'arrêteront-elles ? Leur première conférence de presse très suivie, hier, à Tunis a permis d'apporter des éléments de réponse à ces questions. Jalel Hammami, explique les raisons qui ont prévalu à la création de leur mouvement par le fait que « la Révolution du 14 janvier a un caractère fondamentalement social, sans encadrement politique. Les sit-in de Kasbah1 et Kasbah2, ont amené à l'élection de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) et l'émergence de la majorité actuelle composée par la Troïka. Plus d'une année après, aucun changement n'est constaté. L'opposition reste divisée. Notre projet tente d'unir ces forces, en partant des slogans qui ont été scandés lors de la Révolution, à savoir la Dignité, la lutte contre la marginalisation et le chômage ainsi que la liberté. Ces slogans n'ont pas été concrétisés. Le projet en tant qu'alternative sociale et démocrate veut la concrétisation de ces slogans, parce que les attentes sont fondamentalement sociales ». Salem Moumni, présente les principes généraux du mouvement. Il précise que« l'Alternative sociale et démocrate est une rencontre de forces et de personnalités à orientations et expériences politiques diverses, sur une plate-forme de valeurs et d'orientations. La première est la Démocratie sociale, avec l'interaction des dimensions politiques et sociales. L'Etat doit définir le modèle de développement, tout en gardant la main sur les secteurs stratégiques. L'économie doit fonctionner avec les trois secteurs, le public, le privé et le solidaire ». La justice sociale et la défense des catégories faibles et régions déshéritées, sont un axe fondamental dans le projet. Par ailleurs, la question des libertés est aussi fondamentale, tout en lui ajoutant la justice entre les citoyens. En fin, le mouvement mise sur le capital humain, comme moteur de développement, en jetant les bases d'un nouveau système éducatif et culturel. La recherche scientifique doit être encouragée. Les jeunes doivent occuper leur place dans la scène politique, les partis et l'Etat. La Révolution de la Liberté et de la Dignité a ouvert la voie à une révision globale de tous les choix économiques et sociaux pris durant des décennies. « La révision doit répondre aux besoins du peuple », dit-il. Mahmoud Bessrour, précise que leur mouvement refuse la bipolarisation et l'émiettement des partis. L'Alternative propose des orientations basées sur le caractère civil de l'Etat, la séparation des pouvoirs, un pouvoir judiciaire honnête et indépendant, une Cour Constitutionnelle, l'information comme véritable quatrième pouvoir, la neutralité politique de l'administration, la garantie des tous les droits individuels et publics, la constitutionnalisation des Droits économiques, culturels et sociaux. « L'Etat social est celui qui garantit les droits économiques et sociaux de tous les citoyens, comme l'enseignement, l'accès aux soins, l'habitat, la sécurité sociale...La planification doit être réhabilitée pour atteindre les objectifs du développement. Il faut miser sur le capital humain, renforcer le rôle des PME, orienter le tissu économique vers les créneaux prometteurs, accorder à l'agriculture la place stratégique qui lui est due et assurer un développement global et durable », dit-il. En matière de politique étrangère, l'Alternative appelle à faire le bilan des avatars des gouvernements précédents. La Troïka a signé des conventions qui portent atteinte à l'indépendance en aliénant la souveraineté du pays. Il faut soutenir les Révolutions arabes tout en s'opposant à l'intervention étrangère. « Avant les prochaines élections, aucun gouvernement n'a le droit de signer des conventions avec l'Union européenne, qui stipulent la libéralisation des secteurs de l'agriculture et des services », prévient Mahmoud Bessrour. Ali Ben Salah, donnera un aperçu sur l'initiative nationale d'unification des forces démocratiques et sociales. Il affirme : « notre projet a des origines qui remontent aux années vingt du siècle dernier, à Mohamed Ali Hammi, Tahar Haddad, Farhat Hached et d'autres, au programme économique et social de l'UGTT de 1956. Les divisions et l'éparpillement ont été les principales caractéristiques de ce mouvement de pensée. Des divergences intellectuelles et des luttes d'égos, n'ont pas permis à ce courant d'avoir un poids effectif. Pour ces raisons, l'initiative nationale d'unification des forces démocratiques et sociales a été prise. Nous voulons bâtir une organisation qui jettera les bases de l'Etat social, Etat de la justice entre les personnes et les régions, Etat de la participation où dans chaque région les habitants auront leur mot à dire dans la gestion de leurs affaires. A partir d'un programme politique, économique et social, les autres partis seront invités à l'union ». Il faut mettre sur pied les mécanismes de dialogue. « Le projet doit être l'objectif de tous, individus et groupes où l'oubli de soi est la règle pour se mettre au service de la Tunisie », conclut Ali Ben Salah qui promet l'organisation de plusieurs rencontres et débats. A une question du Temps, sur l'espace qui couvrira le processus d'unification, Jalel Hammami, répondra « que toutes les forces et partis qui défendent l'économie sociale et les quatre slogans de la Révolution sont les bienvenus. Ceux qui croient au modèle libéral ne le sont pas ». Sans donner des noms précis aux partis visés, il est clair que ce mouvement ambitionne de se situer entre Nida Tounès et Ennahdha. Une autre troisième voie, après celle de l'Alliance démocrate.