À peine la rentrée de septembre terminée et les derniers prix remis, celle de janvier s'annonce. Plus discrète mais tout aussi importante pour les éditeurs, cette période est celle des auteurs déjà installés, des poids lourds du monde des lettres, mais aussi de quelques surprises. Avant-goût de vos lectures de 2013. 2012, une année à oublier pour Gallimard. Pas vraiment blanche, mais sans Goncourt et avec une belle polémique autour de Richard Millet qui a vu l'éditeur, romancier et polémiste contraint à la démission du comité de lecture où il officiait depuis des années. Voilà pourquoi la maison a décidé de sortir l'artillerie lourde avec Marie NDiaye (Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes), Catherine Cusset, David Foenkinos et Bruno Le Maire. L'ancien ministre de l'agriculture était déjà de la moisson de septembre avec son très remarqué Musique absolue. Une répétition avec Carlos Kleiber (éd. Gallimard), un premier ouvrage sur un chef d'orchestre autrichien, sélectionné pour le prix du premier roman. Il revient déjà, le 31 janvier, avec Jours de pouvoir (éd. Gallimard), un livre plus attendu, racontant son expérience politique au sein du gouvernement Fillon. Après son incursion au cinéma avec l'adaptation de La Délicatesse, David Foenkinos se recentre sur son cœur de métier pourrait-on dire avec Je vais mieux (éd. Gallimard, le 10 janvier). Rédigé à la première personne, le récit suit un narrateur engagé dans un combat contre un mal de dos envahissant, représentant ses doutes et ses frustrations. Egalement attendu pour le 10 janvier, le dernier Catherine Cusset, son dixième roman, Indigo (éd. Gallimard), transporte le lecteur en Inde. De Delhi à Kovalam, quatre Français voyagent dans un pays sur le qui-vive tout juste un an après les attentats de Bombay. Marie NDiaye s'est pour sa part concentré sur un personnage, un seul, Ladivine (nom qui donne le titre du roman), dont les errances dans une ville exhument les fragments d'une enfance troublée. Une rentrée journalistique Qu'il s'agisse des protagonistes principaux ou du journalisme en une trame de fond, notre métier gagne la fiction en janvier. Chez Yasmina Reza qui revient avec Heureux les heureux (éd. Flammarion, le 2 janvier), on retrouve Robert Toscano, reporter englué dans un couple à la dérive. Une œuvre sur l'amour, l'amitié, le mariage et la famille. Bref, une comédie humaine bien éloignée de sa dernière publication, la pièce Comment vous racontez la partie, en 2011 (éd. Flammarion). La psychanalyste Alice Massat a décidé pour sa part de plonger son héroïne dans un stage dédié au « confort des journalistes » d'un grand groupe de presse. Les quatre éborgnés (éd. Joëlle Losfeld, le 10 janvier) est un roman à clés sur le milieu médiatique contemporain et ses relations de manipulation et d'aliénation. Même le polar s'y met avec Les Disparus de Thomas H. Cook (éd. Seuil, le 3 janvier) dont le héros n'est autre qu'un journaliste torturé par la mort de son fils. Maintenant reste à savoir si tous ces livres auront des papiers dans la presse ? Un goût d'ailleurs Quoi de mieux qu'un bon livre pour oublier la froideur des longues soirées d'hiver ? Les éditeurs semblent l'avoir bien compris et proposent beaucoup de romans aux connotations exotiques. Chez Albin Michel, Olivier Bleys est l'auteur d'un road-trip familial et burlesque au Costa Rica, là où est produit le sublime café qui donne son titre au roman : Le maître de café (parution le 3 janvier). Au Seuil, on ne se repose pas sur ses lauriers et sur la victoire de Patrick Deville au Femina avec Peste&Choléra. L'éditeur publie le dernier Alain Mabanckou, Lumières de Pointe-Noire, également le 3 janvier. Après vingt-trois ans d'absence, l'auteur retourne à Pointe-Noire, ville portuaire du Congo, sa terre natale. Entre le surnaturel et l'enchantement, il nous ouvre à ses souvenirs, ceux des années de l'enfance et de l'adolescence dans ses lieux d'origine. On est très loin du propos de Pascal Bruckner dont le roman naturaliste, La Maison des anges, chez Grasset, métabolise l'expérience du philosophe au Samu social à travers la mise en scène d'un exterminateur de clochards. E. L. James titille les ventes Il sera dans les librairies dès le 2 janvier. La suite de Cinquante nuances de Grey (JC Lattès), le best-seller qui bat tous les records, promet de prolonger l'effet « mommy porn ». Déjà vendue à plus de 40 millions de par le monde, la trilogie a démarré sur les chapeaux de roue en France avec pas moins de 100 000 exemplaires vendus la première semaine. L'éditeur ne peut que se réjouir d'avoir encore sous le coude les tome2, Cinquante nuances plus sombres et 3 (à paraître le 13 février), Cinquante nuances plus claires. Les aventures d'Anastasia Steele, étudiante en littérature, et de Christian Grey, un homme riche et mystérieux, continuent donc, pour le meilleur et surtout pour le pire. Notre seule interrogation, au-delà de celles des chiffres records engrangés par Lattès (et par les quincailliers et autres marchands d'accessoires) est de savoir si E.L. James peut repousser encore plus loin les limites du mauvais goût.