Autrefois, pas plus tard que les années 80/90, la Tunisie disposait de plus de salles de cinéma que de films tunisiens, bien que les signes de la dégringolade de l'exploitation commençaient à se manifester. Aujourd'hui, la donne s'est inversée et il existe plus de films que de salles. En effet, une vingtaine de longs métrages et à peu près une cinquantaine de courts ont été produits entre 2011/2012. Mais à quoi sert cette production, qui est par ailleurs souhaitable, en l'absence de salles de cinéma commerciales ? Dans quel cadre ces films vont-ils être projetés et comment le public pourra-t-il désormais les voir ? Aucune solution n'est actuellement envisagée à ce problème, ni par le Ministère de la Culture, principal bailleurs de fonds, ni par les associations et syndicats professionnels. Mieux la Commission d'aide à la production cinématographique continue à se réunir et à accorder des aides à des projets de films sans se soucier de leur sortie dans les salles. Aucune stratégie politique n'est prévue pour la restructuration du secteur. Les quelques salles, qui existent encore dans la capitale, sont parfois contraintes d'annuler des projections faute de spectateurs. Aucun film, quelle que soit son importance, ne peut prétendre attirer la foule, ni les films américains à gros budgets, ni les films indiens pourtant très populaires, ni les nouveaux films tunisiens. Nombreux professionnels du cinéma comptent sur le circuit des maisons de culture, d'autres sont convaincus que le retour du cinéma de quartier peut donner un nouvel élan au secteur et le redynamiser. D'autres encore estiment que le mal doit être saisi à la racine, autrement dit depuis l'école par l'éducation à l'image des élèves et lycéens dans le but de créer chez eux le besoin de regarder les films sur le grand écran. Toutes ces suggestions ne manquent pas d'intérêt mais exigent un travail de long terme qui impliquerait différentes institutions. On a tendance à oublier que la salle de cinéma a perdu de sa popularité pour des raisons diverses : mauvaise fréquentation, manque de confort, matériel de projection obsolète etc. qui ont contribué à la désaffection du public. Ce dernier apprécie aussi les œuvres lorsqu'elles sont proposées sur d'autres supports en l'occurrence domestiques et se rend souvent dans les salles à l'occasion de manifestations cinématographiques à telle enseigne qu'on parle de nos jours de public de festival. Cela se manifeste également dans d'autres domaines culturels comme le livre où les lecteurs se rendent de plus en plus à la foire du livre pour acquérir des ouvrages qu'aux librairies. Dans ce cas, comment permettre aux films d'être vu et éviter qu'ils pourrissent sur les étagères face au déclin des salles ? Un pays comme le Maroc a essayé de trouver une voie qui consiste à multiplier les manifestations cinématographiques. Depuis quelques années, plusieurs villes du Maroc disposent d'un festival de cinéma. Actuellement, on enregistre une quarantaine de festivals nationaux et internationaux organisés en partenariat avec le Centre Cinématographique Marocain et qui contribuent à donner une visibilité à un cinéma produisant quelque vingt longs métrages par an. Ces festivals ne concernent pas uniquement la production nationale mais aussi le cinéma international à dimension culturelle. Ces festivals constituent donc une option comme une autre pour sauver les films et leur permettre une vie sur les écrans. Quand on sait que le public tunisien est un public de festivals – cela se confirme à chaque session des JCC où les bousculades devant les salles révèlent un certain engouement pour le 7ème art – on est enclin de se pencher vers le sens de la création de festivals de cinéma dans les différentes régions du pays pour permettre la promotion de la production cinématographique et lui donner la chance d'être vue par un grand nombre de cinéphiles.