Il s'agit de l'affaire du meurtre de l'ambassadeur des Etats Unis en Libye, lors de l'attaque de l'ambassade le 11 septembre 2012, et dans laquelle le Tunisien Ali Harzi est parmi les suspects. Le président de la commission du renseignement au congrès a accusé Al Qaïda , comme étant l'instigatrice de cette attaque. Mais au-delà du fait de l'implication d'un Tunisien dans cette affaire, ce sont les retombées sur la souveraineté du pays, à partir du moment où des agents du FBI s'étaient spécialement déplacés en Tunisie pour l'interroger. A titre de témoin, dira-t-on du côté du ministère de la Justice, ou à titre d'inculpé, cela importe peu, car c'est de la légalité de cette procédure concernant l'intervention en Tunisie d'agents appartenant à un Etat étranger qui fait l'objet de contestation. Le concept de souveraineté, est d'origine grecque et signifie le droit exclusif d'exercer le pouvoir avec ses trois principales composantes (exécutif, législatif et judiciaire) par l'Etat dans un territoire déterminé. Selon le Jurisconsulte français du 16ème siècle, Jean Bodin « la souveraineté est la plus grande puissance de commander ». Une intervention avec la permission des autorités locales Selon le représentant du ministère de la Justice, l'intervention des agents du FBI en Tunisie est tout ce qu'il y a de plus légal, étant en exécution d'une commission rogatoire internationale, en vertu de la convention d'entraide judiciaire existant entre la Tunisie et les Etats-Unis. Il ajouta que le juge d'instruction a exécuté la commission rogatoire internationale conformément aux législations, nationale et internationale en vigueur Mais cela donne-t-il quand même le droit aux agents du FBI placés sous l'autorité du bureau fédéral américain, d'agir comme ils l'ont fait, et quand bien même ils aient été autorisés par le ministère de la Justice ? Selon Ahmed Rahmouni directeur de l'observatoire pour l'indépendance de la Magistrature, cela constitue une atteinte à la souveraineté nationale exhortant par là même l'ANC à procéder à une enquête sur les circonstances qui ont entouré la présence du FBI au tribunal de première instance de Tunis. La loi anti-terroriste justifie-t-elle l'intervention du FBI ? Certes, et comme l'avait déclaré le représentant du ministère de la Justice, cette procédure se justifie par les besoins d'une enquête en vertu de la loi anti-terroriste. Toutefois et selon la plupart des juristes et la majorité des représentants d'associations des droits de l'Homme, c'est une procédure qui constitue une atteinte aux droits de la défense, l'intéressé ayant été entendu sans la présence de ses avocats. En outre elle constitue une renonciation de l'Etat tunisien à son devoir de protection de ses citoyens. Et pour cause, il ne peut être extradé la règle de droit international privé consistant à dire qu'un Etat n'extrade pas ses nationaux. Bien qu'on ne puisse jamais connaître les vraies circonstances qui ont permis l'intervention du FBI dans l'enceinte du palais de Justice, cet acte constitue en lui-même une violation du secret de l'enquête, et par là même une atteinte à l'indépendance de la Justice. Coopération juridique ou entente « cordiale » Les autorités tunisiennes avaient déjà confirmé, il y a plus d'un mois, qu'elles sont prêtes à coopérer avec les Etats-Unis dans cette affaire, et en vertu des conventions signées entre les deux pays, afin d'empêcher qu'un coupable puisse se dérober à la Justice. Toutefois la culpabilité a-t-elle été établie ? Il n'y a aucune certitude à ce sujet, d'autant plus que le représentant du ministère de la Justice a déclaré dernièrement que Harzi a été entendu par les agents du FBI en tant que témoin. En l'occurrence, en quelle qualité les agents du FBI procèdent-ils à l'audition d'un citoyen tunisien, et de surcroît dans l'enceinte du palais de Justice ? C'est la raison pour laquelle, Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire pour l'indépendance de la Magistrature, a considéré cet acte comme étant une atteinte à l'indépendance de la Justice. Bien que le FBI a des bureaux partout dans le monde, au sein des différentes ambassades des EU, il ne peut agir à l'étranger qu'avec la permission des autorités locales, et en tout cas en vertu des conditions de la convention de coopération. Harzi, accusé et témoin En réalité, et selon certains observateurs tels que Ahmed Rahmouni, ainsi qu'un certain nombre de juristes, il n'y a rien qui permette, en vertu de la convention de coopération, l'intervention directe du FBI, police judicaire américaine , dans le pays étranger signataire de la dite convention. Cette police peut participer en délivrant des renseignements concernant l'accusé. Ce qui signifie que la coopération a été en l'occurrence au détriment de la souveraineté du pays d'une part et en violation des droits de l'homme. D'autant plus que Harzi ne pouvait être entendu en tant que témoin, dans une affaire où il est en même temps suspect. Il s'agit donc, selon la plupart des observateurs d'une entente, dans les coulisses entre les deux Etats plutôt qu'une coopération juridique, laquelle est subordonnée à des conditions limitées strictement par les clauses de la convention de coopération.