Un air de brumeuse sinistrose balaie toutes velléités d'optimisme qu'autorise rituellement l'avènement d'une nouvelle année, tandis que les Tunisiens ne retrouvent pas leurs repères. Il y en a qui sont engoncés dans des croyances qu'on veut leur faire ingurgiter, tandis que, eux, manifestent un phénomène de rejet. Il y en a qui se résignent à mener leur vie sans modèle et sans avenir, s'accommodant de la seule liberté, désormais, possible : La conscience. Enfin, ceux, nombreux, à avoir embrassé des orthodoxies contre-nature, avec leurs déclinaisons salafistes, gardiennes de la Révolution, wahabistes et pour tout dire, résolument négationnistes. Tout est là, finalement : La négation de l'Histoire, la négation de son présent et, surtout, la négation de l'avenir que dessineront pour nous, dans leur délire fantasmatiques, les prédicateurs stratosphériques, ceux qui creusent un fossé entre l'Homme et son créateur et ceux qui font commerce de la religion. Aux appels à la dévotion formulés par des gens pragmatiques se relaient les vociférations de la vindicte au point que les Tunisiens, bouleversés, bousculés dans leurs soubassements, en arrivent à se poser cette question existentielle, existentialiste : « Qui sommes-nous ? »... On a tellement jonglé sur l'identité que celle-ci a été mise dans la situation de la défense, tout en lui ôtant ce manteau charnel qui la cimentait avec la religion. Et du coup, voilà nos barbus salafistes qui nous disent avec arrogance, comment apprendre à ne plus être mécréant, tandis que nos « Nikabées », vêtues de ténèbres, exhibent la couleur funeste de la vertu. Les partis politiques sont, dès lors, en train de perdre de vue une évidence : qu'ils se chamaillent pour une alliance, pour une contre-alliance, pour une participation au gouvernement, le seul fait avéré, aujourd'hui, c'est le fait religieux. Pas le fait politique.