« La violence est l'antinomie de la Justice » ; cette affirmation de Omar Ibn Al Khattab, deuxième khalife de l'Islam, s'est justifiée au fil des années, depuis l'aube de l'Islam jusqu'à nos jours, car la violence a toujours été l'instrument de la discorde, entre les mains des ennemis de cette religion qui est venue pour instaurer la paix entre les citoyens. Taha hussein éminent homme de lettres égyptien a rapporté dans son ouvrage à propos de la grande discorde (Al fitna Al kobrah) que le khalife Othman qui a été assailli par des insurgés, à son propre domicile s'exclama peu avant d'être assassiné : « Si vous me tuez, plus jamais vous ne ferez la prière ensemble ». Ses paroles étaient prémonitoires, car depuis cette époque les musulmans se sont divisés en différentes sectes, lesquelles n'ont jamais cessé de s'entretuer jusqu'à nos jours En tout état de cause, qu'elle fût au nom de la religion ou de la liberté, la violence a toujours été néfaste et surtout inefficace. Or certains Salafistes ne cessent d'user de la violence, au nom de la défense de l'Islam, et pour eux , les moyens de choc sont les seuls qui peuvent convaincre tous ceux qui interprètent la religion d'une manière différente de la leur. C'est à ces moyens qu'ils ont recouru dernièrement pour imposer le port du nikab à la faculté, ou protester contre la diffusion d'un film par une chaîne de télévision privée. Dans son ouvrage : « les visées de la législation musulmane » (Makassed Achariâa) l'éminent uléma et exégète du Coran, le cheikh Mohamed Tahar Ben Achour, explique, que le Jilbab est une tenue spécifique aux gens d'Arabie, et de ce fait, toutes les interdictions intervenues à ce sujet et où il est question de Jilbab, sont en quelque sorte caduques, surtout dans les sociétés musulmanes, qui ne connaissent pas ces tenues vestimentaires. Par analogie, on peut faire le même raisonnement pour le nikab, tenue qui était presque méconnue, et qui ne faisait pas partie des us vestimentaires de l'Afrique du nord. Dès lors le législateur dans ces régions serait-il en droit d'interdire le nikab,dans les lieux publics? Si l'on s'en tient au principe de la liberté d'action et du culte, on peut répondre à cette question par la négative, étant donné qu'il s'agit d'une conviction personnelle dans laquelle nul ne peut s'immiscer. Toutefois, il y a des limites à ce principe, à chaque fois qu'une telle liberté empiète sur celle d'autrui. Le nikab, peut en effet,et abstraction faite du côté religieux, être un moyen de semer le trouble dans un milieu quelconque, y compris dans un lieu de culte : imaginez quelqu'un de malintentionné, qui utilise ce moyen pour camoufler un explosif ou même pour subtiliser des objets volés. Imaginez qu'il soit un détraqué sexuel et animé de viles intentions, qui s'immisce incognito parmi des femmes. A fortiori si le port du nikab, est pratiqué dans un lieu public tel qu'une école ou une université ,rien ne pourrait le justifier, ni au nom de la liberté du culte, ni au nom des droits de l'Homme. Ce qui s'est passé à la faculté des sciences humaines de Sousse, le 8 octobre dernier dépasse tout entendement. En effet, des étudiants, vraisemblablement de tendance religieuse extrémiste, ont envahi les locaux de la faculté afin de protester contre le conseil scientifique d'avoir interdit l'accès des lieux à une étudiante portant le nikab,. De même, dimanche dernier, 9 octobre, les locaux de la télévision Nessma ont été attaqués par plusieurs personnes, à titre de protestation contre la diffusion d'un film jugé blasphématoire. Il s'agit de Persepolis, un film franco- iranien en dessin animé,. Ces assaillants étaient décidés à saccager les locaux, n'étaient l'intervention des forces de l'ordre, qui sont parvenus à les dissuader, en les dispersant au moyen de bombes à gaz lacrymogène. Cette attitudes constituent en elle-même, outre un trouble à l'ordre public, une atteinte même à la liberté du culte. Le juridique est en l'occurrence à la rescousse du social. Concernant le nikab, Le conseil scientifique, a pris une décision en vertu du statut de la faculté, où il est entre autres stipulé, qu'il faut assurer la sécurité des lieux et des personnes qui s'y trouvent. Or le nikab, est un accoutrement qui empêche de reconnaître un malfrat mal intentionné. Il ne s'agit donc pas d'une atteinte à la liberté du culte, d'autant plus que cette tenue ne fait pas partie de nos coutumes vestimentaires. Le fait de vouloir l'imposer constitue une atteinte à la liberté et à l'ordre public. concernant le film, il était diffusé sur une chaîne privée. Il n'était pas imposé à tous les téléspectateurs qui ont la faculté de changer de chaîne en appuyant sur un bouton de la télécommande. Par ailleurs, il y d'autres moyens pour attaquer la diffusion de ce film, dont notamment le recours à la Justice qui seule est habilitée à prendre les mesures nécessaires, au cas où le film est jugé blasphématoire. Ce type de violence est appelé par Pierre Bourdieu, sociologue français, une violence symbolique, qui est le, fait de faire admettre pour légitimes,certains actes arbitraires ou contraires à la loi. Notons que Bourdieu, qui était à l'origine un philosophe, s'est décidé de se consacrer à la sociologie, après avoir passé une partie de son service militaire en Algérie, puis en tant qu'assistant à la faculté d'Alger. La plupart de ses théories sociologiques sont influencées par l'expérience vécue dans cette tension qui existait entre les autochtones et les organisations coloniales terroristes, qui agissaient comme des hors la loi, en voulant faire admettre à l'opinion publique que leurs actes étaient tout à fait légitimes. La profanation et l'atteinte aux croyances est également une forme de violence, constituant des délits prévus et punis par la loi. C'est cette « violence symbolique » qui constitue un obstacle à la liberté et à la démocratie. Elle ne peut en aucun cas être justifiée, ni au nom de la religion, ni au nom de la liberté. Jacques Chaban Delmas, qui fut un éminent homme politique français, a affirmé à juste titre que la liberté sans la Justice est une pure escroquerie.