«Si je tombe un jour pour le pays Ramasse mes miettes, Camarade Arrose de mon sang l'ennemi Ramasse mes larmes Et lave ma patrie, la notre De cette souillure morbide» Ghazi Abroug Ils étaient, tous, là, les camarades artistes, venus se recueillir à l'endroit où Chokri Belaid fut abattu, une rose à la main et dans le regard la flamme du combat. Le silence et les larmes là où chancela le martyr, les chants de résistance, à quelques mètres. Il y avait Amel Hamrouni, visage défait devant la statuette commémorative, mais, voix limpide, jaillie comme une source limpide pour chanter la résistance. Il y avait Noureddine Ouerghi, Moncef Mezghenni, Leila Toubel, Jamel Madani, Khaled Barsaoui, Mourad Beicheikh, Mahmoud Chalbi et tant d'autres... Scène improvisée sur laquelle se sont succédé musiciens, chanteurs, poètes, tribuns, devant des spectateurs nombreux venus rendre hommage à un leader politique, amoureux de musique et poète de talent. Le message des artistes était clair : dénoncer le crime horrible, prémédité et exécuté par « ceux qui viennent « du cloaque de fange et des ténèbres », ennemis de la vie, du soleil et de l'art. En effet, depuis plus de deux ans, les artistes sont dénigrés, dénoncés, poursuivis, pourchassés et chassés de la cité. Menaces de mort, intimidation, procès, attaques des salles d'exposition, dégradation d'œuvres artistiques, campagne houleuse pour discréditer l'art et bannir les créateurs. Aucune mesure n'a été prise pour faire face à ce déluge destructeur, aucun procès n'a abouti pour donner l'exemple et montrer la volonté de protéger les créateurs et de contrer « les forces des ténèbres », ces mains assassines de la pensée et de la beauté. Ainsi procèdent tous les démolisseurs des civilisations, depuis toujours et, surtout, depuis la destruction des « Boudhas de Bamiyan » et le chaos dans lequel a plongé l'Afghanistan. Ce fléau a infesté certaines régions florissantes, devenues, depuis, champs de ruines et de désolation. Ils étaient, tous, venus dire la colère et l'exaspération de se voir accuser de tous les maux que rencontre le pays, de l'échec d'une politique à la dérive qui demeure indifférente aux aspirations de ceux qui militent pour la liberté de penser et de créer. Ils étaient venus dire leur volonté d'exister et de continuer le chemin de celui mort pour que les mots tonnent, crient et hurlent. Et en écho aux mots de braise du militant, ils ont ciselé des mots- volcan, ont entonné les chants de la lutte et affirmé que ne passeront pas les vautours, ni les chacals, ni la haine, ni la violence, que le temps des « vampires » est révolu, que le Camarade Martyr a lavé de son sang cette terre bénie et libre.