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« Le monde là-bas, je le bâtis plus beau... »
Poésie : Louis Aragon.
Publié dans Le Temps le 11 - 11 - 2012

« Mon chant ne peut pas se refuser d'être, parce qu'il est une arme, lui aussi, pour l'homme désarmé, parce qu'il est l'homme même dont la raison d'être est la vie. Je chante parce que l'orage n'est pas assez fort pour couvrir mon chant ».
Il y a eu des orages violents et houleux qui ont emporté ce siècle de douleurs et d'espérances : des turbulences et deux guerres mondiales. Des larmes et le bruit des armes et des jeunesses sacrifiées. En 1917, Aragon exerce à l'hôpital du Val-de- Grâce, il voit la boucherie dans le regard horrifié des hommes qu'elle a rendus fous, s'insurge contre cette abomination et fonde avec André Breton et Philippe Soupault le Surréalisme : mouvement qui exprime la révolte d'une jeunesse marquée par une guerre meurtrière, son opposition à la civilisation occidentale et à l'esprit rationaliste, responsables d'une tragédie humaine. L'écriture va sonder l'inconscient, plonger dans l'imaginaire, privilégier le monde intérieur. Elle tentera de se libérer du contrôle de la raison. Images, allitérations et jeux de mots vont fleurir.
Et puis, changement de cap, adhésion au parti communiste, rupture avec les surréalistes pour des raisons politiques et littéraires, Aragon se tourne vers le « monde réel », les problèmes que rencontre la société : « Pas un geste, pas un cillement qui ne m'engage à fond, qui ne fasse dévier ma vie. » Il va, tout d'abord, prendre la défense de la Révolution Russe et du communisme, avant de se rendre compte de l'arbitraire, des procès truqués :

« Je bats avec mes mains Ces murs qui m'ont menti Des mot des mots autour De ma jeunesse morte »

Désenchantement, colère, désarroi, même s'il refuse de considérer la partie finie. Sous l'Occupation, Aragon devient militant, participe à la Résistance et publie sous des pseudonymes. Sa poésie se fait rage, les mots enragent, grondent. Assourdissant, ton chant, malgré le tumulte, le grondement des armes, la folie meurtrière, la raison qui déraisonne, la mégalomanie d'un Hitler, son désir de domination et son projet destructeur. La France est occupée, torturée, dominée. L'ennemi réprime les libertés, terrorise et envoie les juifs dans les camps

« J'écris dans cette nuit profonde et criminelle Où j'entends respirer les soldats étrangers

Et les trains s'étrangler au loin dans les tunnels » Tu diras l'ampleur de la tragédie, l'arrogance des usurpateurs, ta patrie endolorie : « Et sur les blés en feu la fuite des oiseaux » Tu décriras, souvent, les blés piétinés, métaphore de la défaite, le rêve en lambeaux ,les déchirures et les déchirements, le pays ensanglanté :

« Quoi toujours ce serait la guerre la querelle Des manières de rois et des fronts prosternés Et l'enfant de la femme inutilement né

Les blés déchiquetés toujours des sauterelles »L'indignation d'un poète irrité par l'arrogance d'un régime fondé sur le racisme. Cri strident que le bruit des armes ne peut couvrir ou étouffer. Le tonnerre des mots assourdissant et vibrant. Les mots fusent, geysers, houle, emportent les discours haineux, les appels à la discorde. Le mot, rempart contre les slogans dévastateurs, l'idéologie méprisante, fallacieuse et erronée. « Les mots m'ont pris par la main » écrira-t-il. Quand le mot déchire les ténèbres opaques de la barbarie, la carapace de l'intolérable, il illumine la nuit interminable et épaisse de ceux qui luttent et croient en l'aube salvatrice, aux matins libérateurs. La poésie devient arme, désarme les combattants de la haine, donne des ailes à ceux qui s'agenouillent, qu'on écrase, qu'on musèle. Le vers enrage, s'insurge, se libère de la versification, s'habille de ferveur et d'espérance et porte l'étendard de la résistance. « Le merveilleux nait du refus d'une réalité. » affirma Aragon, persuadé de la nécessité de la révolte contre tout ce qui nous indigne et nous accable :

l'injustice, l'oppression, la domination :

« Pour qui chanter en vaudrait-il la peine

Si ce n'est pour ceux dont tu rêves souvent

Et dont le souvenir est comme un bruit de chaines

La nuit s'éveillant dans les veines

Et qui parle à ton âme comme au voilier le vent »

Le destinataire est cette multitude qui aspire à la vie, engluée dans un destin implacable, s'arrachant à la désespérance avec la fougue de celui qui aimerait bâtir son destin. La vie, engagement pour ces causes nobles et belles qui nous unissent et donnent un sens à l'existence. Témoigner, révéler la réalité, refuser l'insoutenable, dénoncer, condamner, s'indigner, mettre en garde contre l'oubli. S'engager dans la douleur pour enfanter l'espoir, transcender les peurs, les angoisses, les craintes, le silence. Etre à l'unisson avec ceux qui triment et plient sous le joug de la répression : « J'entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait. » A Pablo Neruda, il destinera ce message :

« Nous sommes les gens de la nuit qui portons un soleil en nous Il nous brûle au profond de l'être. Nous avons marché dans le noir à ne plus sentir nos genoux. Sans atteindre le monde à naitre » Malgré orages et vents, désarroi et colère, nuits et brouillard, pays livré aux loups garous, « qui n'est plus qu'un morceau de douleurs et de plaies », un pays « qui souffre mille morts »et « la meute sur lui grouillante qui le mord », malgré ce chemin de croix, malgré les ronces et le chardon, la tentation du renoncement, malgré le supplice, le découragement les déceptions, les illusions, il croit à la délivrance :

« Vous voudriez au ciel bleu croire. Je le connais ce sentiment J'y crois aussi moi par moments. Comme l'alouette au miroir J'y crois à n'en pas croire mes oreilles Ah je suis bien votre pareil »

Le poète est le porte-parole de tous les écrasés, les marginalisés, les discriminés : « Nos sanglots font un seul glas ».Il s'exprime à la place de ces peuples qui souffrent : « Votre enfer est pourtant le mien. Nous vivons sous le même règne. Et lorsque vous saignez je saigne Et meurs dans vos mêmes liens »Il nous exhorte à croire en ce « rêve modeste et fou », car l'amour d'un pays est aussi douloureux que celui d'un être aimé :

« Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l'amour de la patrie »

On ne guérit jamais de l'aspiration à la justice sociale, à un monde égalitaire, au désir de penser le monde différemment, de penser contre la société qui dort, qui a peur, qui plie le genou « il est permis de rêver. Il est recommandé de rêver, sur les livres et les souvenirs, sur l'Histoire et sur la vie. » Les heures lourdes et pesantes finissent par abdiquer devant l'éclat d'un matin. L'averse cède à la splendeur d'un arc-en-ciel : « Tout orage a son temps

Toute nuit fait place au matin »Croire au soleil après le déluge, à l'accalmie après les vociférations, à la splendeur d'une étoile, à la clarté du jour après la hideur d'une nuit. Chanter l'espérance au cœur de l'hiver, chanter le printemps quand les nuages sont bas et menaçants : « Croire au soleil quand tombe l'eau » Ressusciter ces éclats de lumière fanés par un jour morne et maussade. Abattre un pouvoir aveugle, ciseler des vers frappés au poing contre les murs de la barbarie.


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