Le droit à l'information va-t-il de pair avec l'indépendance de la magistrature, ou risque-t-il parfois de porter atteinte au secret professionnel et à l'obligation de réserve auxquels sont astreints les hommes appartenant au secteur de la Justice ? Il est important de prime abord, afin de répondre à cette question, de connaître ce qu'est le droit à l'information. Ce droit est en premier lieu une obligation de faire pour un sujet de droit en l'occurrence l'Etat, d'où la nécessité de mettre au point tout un régime juridique dans ce sens afin de consolider le droit à l'information par tous les moyens contribuant à la connaissance de la vérité, tels que l'accès à des documents, détenus par l'administration publique ou par des particuliers. C'est ce qui importe le plus pour le citoyen, et tout acte ou toute pratique de nature à occulter la vérité ne peut que porter atteinte au droit à l'information. Quid cependant, en cas de réticence de l'administration publique, à fournir certains renseignements au nom du secret professionnel ? C'est le problème qui a été débattu hier au cours d'une conférence de presse organisée par le Syndicat des Magistrats Tunisiens, au palais de Justice. Raoudha Laâbidi, présidente du syndicat a déploré que des affaires épineuses soient étalées sur les plateaux des chaînes de télévisions locales, alors que ces affaires sont encore en cours. C'est le cas par exemple, en ce qui concerne l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. Cela constitue indubitablement une atteinte au secret de l'instruction et risque de nuire à la bonne marche de l'enquête et par là même à l'indépendance de la magistrature. Si cette indépendance n'est pas encore tout à fait consolidée, il n'en reste pas moins que l'intégrité du magistrat doit rester intacte. Il n'est pas concevable, qu'un magistrat puisse subir des pressions de quelque nature qu'elles soient, a précisé en outre, la présidente du Syndicat des magistrats. Le ministre de l'Intérieur a-t-il enfreint le secret de l'instruction ? Dans l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd, le ministre de l'Intérieur a déclaré dans sa dernière conférence de presse qu'en respect du secret de l'instruction, son ministère a tenu à coordonner avec le juge dans ce sens. Or selon le communiqué de l'observatoire pour l'indépendance de la magistrature, publié le 28 février dernier, le juge d'instruction n'a pas été consulté. C'est du moins ce qu'a affirmé Ahmed Rahmouni président dudit observatoire, en précisant que « le juge d'instruction lui-même a démenti avoir coordonné ou avoir donnée des instructions dans ce sens avec quiconque au ministre de l'Intérieur. C'est ce qui a fait dire à Raoudha Laâbidi que «le ministre de l'Intérieur n'aurait pas dû divulguer des détails concernant les circonstances de l'assassinat de Chokri Belaïd. Elle a affirmé par là même que l'établissement d'un portrait robot de l'éventuel assassin, suite au témoignage oculaire de la voisine habitant dans les lieux même où le drame a eu lieu, risque de mettre en danger la vie de certaines personnes. Recours à une instance internationale et secret de l'instruction Le but du journaliste, est d'informer le citoyen afin de lui permettre de connaître la vérité, et il voudrait y parvenir par tous les moyens. il peut paraître de ce fait indiscret et gênant pour ceux qui mènent l'enquête sous le sceau du secret. Au-delà d'une certaine limite, son attitude pourrait être interprétée comme un manque de confiance dans la Justice d'une manière générale. Cela dit, le droit à l'information est en même temps un devoir pour tout journaliste qui se respecte, à condition de porter atteinte, ni à l'intégrité des personnes en exerçant sur eux des pressions ou en prêchant par défaut en procédant par de fausses allégations, lesquelles ne peuvent qu'altérer la bonne marche de l'enquête. Raoudha Laâbidi a ajouté que «le recours aux instances internationales dans l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd, constitue une remise en cause de la crédibilité et de l'indépendance de la magistrature ». Ce que ne conviennent pas d'autres observateurs qui estiment que ces instances interviennent uniquement à titre d'observateur, pratique à laquelle on recourt dans tous les Etats démocratiques dans le monde. Ces instances voient les choses d'un œil neutre et d'une manière impartiale, En tout état de cause, le juge décide en vertu de son intime conviction sans qu'il puisse subir des influences ou des pressions de quelque nature qu'elles peuvent être. C'est là le fondement même de l'indépendance de la Justice. Il ne se contredit nullement avec le droit de l'information, lorsque le journaliste, œuvre à agir dans le même sens, en vue de la connaissance de la vérité, en toute bonne foi et dans les limites du respect de l'instance judiciaire.