L'administration tunisienne qu'on a tellement décriée à droite et à gauche a eu, quand même, le mérite d'immuniser l'essentiel de la qualité de la vie des Tunisiens en protégeant, l'eau, l'énergie, le transport aérien, maritime et terrestre, et bien d'autres domaines, comme la santé, l'éducation et l'approvisionnement des marchés. Si elle a réussi à limiter les dégâts d'une Révolution polluée par l'ambition politique excessive et malsaine, c'est parce qu'elle est l'émanation de ce qui reste de « l'Etat républicain » et sa base éthique et morale : l'intérêt général. Il est, en effet, indifférent que l'Etat soit une monarchie, une République ou même une Oligarchie. L'essentiel c'est que les détenteurs du pouvoir soient proches de la vertu et que leurs actions visent l'intérêt général et non l'intérêt particulier. Ceci est la règle de la bonne gouvernance depuis Aristote mais il faut se garder d'idéaliser l'art du gouvernement car tôt ou tard il finit par être rattrapé par l'égocentrisme des dirigeants et leur soif instinctive de s'approprier l'Etat. Quand je vois toutes ces « batailles » bien rudes pour choisir à l'ANC le mode du gouvernement, parlementaire, présidentiel ou mixte, je ne peux m'empêcher de penser que « l'innocence » à l'hémicycle du Bardo est très loin d'être la chose la mieux partagée. « Kol wahid yadhrab aâla drabbouh » (Chacun lutte pour son drapeau), commentait un vénérable citoyen qui a coiffé ses 70 ans et qui en a vu passer dans ce pays. Des « arrivistes » du temps de Bourguiba, aux requins des affaires proches du Palais « Novembriste », la nature est ainsi faite et le bon Dieu n'a honoré de la totale vertu que ses prophètes. Par conséquent, soyons philosophes et contentons-nous de dirigeants capables du minimum pour rendre la vie collective possible en assurant l'essentiel. Et pour cela, je commencerai par le droit à la vie ou ce que les juristes désignent par le droit à la sûreté ! Dans ce contrat social qui a été à l'origine de l'émergence de l'Etat depuis que la puissance des uns a voulu avilir les autres, les citoyens autorisent les gouvernants à gérer les moyens de la puissance publique pour rendre la justice, protéger la vie, la propriété et la liberté et surtout, éviter le recours à la loi du Talion où l'on se fait justice soi-même. Or, aujourd'hui, ce droit essentiel à la vie est menacé par des groupements qui se sont donné le droit de « protéger la Révolution » ou de diffuser l'Islam jihadiste rigoureux et dur par la force. Pis encore, une partie de l'Etat légal à savoir des « autorités »... dites « légitimes » défendent le droit à l'existence de ces groupements, alors que les institutions de l'Etat ne sont pas dans l'incapacité totale de fonctionner en conformité avec leurs vocations de souveraineté. Ceci a pour conséquence de créer « l'Etat parallèle » et de livrer les citoyens à la justice de ceux qui peuvent détenir des armes ou les moyens de la coercition et de la violence. Or, « il n'y a pas de plus injuste que l'injustice armée » disait le père de la science politique Aristote. Autre déviation dangereuse possible c'est que le contrat social entre l'Etat protecteur des citoyens et les habitants d'un même pays est rompu et la « légitime défense » devient plus que « légitime » puisque l'Etat n'est plus le seul détenteur de la violence légale. Et... hop... ! On est au Liban de 1975 ou en Syrie, aujourd'hui, sous nos yeux ! Les Egyptiens qui sont descendus, avant-hier dans la rue, pour réclamer le retour de leur armée au pouvoir en savent quelque chose : « El ham fih ma tekhtar » (Dans les malheurs il y a... des choix). Entre la dictature de Morsi et les « frères » et celle de Moubarak, le général de la 3ème armée, les Egyptiens, aujourd'hui, menacés dans tout ce qui leur est cher, la vie, la culture, leur bonne humeur, le tourisme etc.... commencent à regretter les temps nostalgiques, alors qu'il y a à peine deux ans, ils en voulaient à mort au « héros du Oubour » », d'avoir trahi son peuple. La Tunisie est bien plus pragmatique et sereine en ce moment que l'Egypte, mais il faut faire attention de ne pas se fier aux apparences. Les Tunisiens et les Tunisiennes sont connus pour être plus exigeants que les descendants des Pharaons. Alors, Messieurs les gouvernants « légitimes » ne tirez pas trop sur la corde et donnez à ce pays les moyens de la stabilité : Une démocratie pour tous les Tunisiens sans exclusion ni milices parallèles... Un Etat institutionnel propriété de tous les Tunisiens et qui est le seul détenteur des attributs de la souveraineté... !