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Ridha Belhadj, directeur exécutif du parti Nida Tounes
L'invité du dimanche
Publié dans Le Temps le 10 - 03 - 2013

“L'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd est au cœur du processus démocratique et électoral et dont dépend énormément la réussite"
La première chose qu'on a échangée avec notre invité c'était le souvenir du martyr Chokri Belaïd, à l'époque où ils étaient encore élèves et où ils participaient activement au mouvement lycéen. Ces moments de lutte et de douce amitié qu'il a partagés avec notre héros national sont ravivés et suscitent en lui un désir de se venger contre le présent qui lui a ravi un ami et un vieux compagnon de route.
C'est pourquoi il a juré qu'il ne lâcherait pas prise avant que les assassins de Chokri ne soient identifiés. A l'aube de la Révolution, Me Ridha Belhadj a intégré le gouvernement Essebsi avant de devenir militant au sein de Nida Tounes. Nous l'avons invité ce dimanche pour recueillir son avis sur les questions chaudes de l'actualité, sa lecture de l'avenir proche de la Tunisie et, bien entendu, les activités et les programmes de son parti.
-Le Temps : tout d'abord, on voudrait connaître votre réaction par rapport à l'équipe gouvernementale présentée par le nouveau chef du gouvernement ?
-Mr Ridha Belhadj : pas de progrès, puisqu'il n'y a ni élargissement ni compétences ; la Troïka succède à la Troïka et la plupart des ministres qui étaient le symbole de l'échec dans le gouvernement sortant sont repris. On nous a fait perdre du temps inutilement. Ce nouveau gouvernement ne dispose pas de ceinture de sécurité, puisqu'il repose comme son devancier sur les quotas partisans. La seule chose qui pourrait être à son actif c'est la nomination de quelques personnalités indépendantes connues pour leur intégrité et leurs compétences. Je veux parler, ici, des juristes Mme Leila Bahria et messieurs Rachid Sabbagh et Nadhir Ben Ammou et du diplomate Mr Othman Jerandi. Ils partent tous avec un préjugé favorable.
-Etes-vous convaincu de Ali Larayedh au poste de chef de gouvernement ?
-S'il réalise les exigences de la phase transitoire, on n'a pas d'objections à formuler à son encontre. Mais les indices sont, jusqu'à maintenant, négatifs, on voit dans ce nouveau gouvernement l'application de la même philosophie dont s'est inspiré le précédent, à savoir celle des quotas partisans. Donc, les mêmes causes ne peuvent produire que les mêmes résultats. Cependant, notre jugement définitif sur ce nouveau gouvernement reste tributaire de la manière dont il va négocier la question des « ligues », la feuille de route gérant le temps qui reste de la période de transition et la fonction principale de l'ANC qu'est la rédaction de la constitution. Et je pense que Laârayedh n'a pas les mains libres, étant donné que Jebali a placé la barre haut, il ne peut pas descendre plus bas que ce toit.
Le gouvernement de Laârayedh n'ira pas loin, car il porte les gênes de son échec
-Peut-on vraiment parler de neutralisation du ministère de l'intérieur tout en sachant que le nouveau chef du gouvernement n'est autre que son ex patron ?
-On pourrait parler de neutralisation si le ministre de l'intérieur était doté de vraies prérogatives lui permettant de procéder à de nouvelles nominations et de réviser celles qui ont eu lieu surtout celles relatives aux gouverneurs, car l'opération électorale requiert une administration neutre. Ce qui veut dire que ce n'est pas seulement ce ministère qui doit être neutralisé, mais tous ceux qui interviennent d'une manière directe dans ce processus et dont le comportement influence le climat général et la situation sécuritaire tels que les ministères de la justice et des affaires religieuses dirigé par quelqu'un qui est proche du courant salafiste et menace, donc, la sécurité nationale. En fait, le mieux serait que l'ensemble des membres de la nouvelle équipe gouvernementale soient neutres pour assurer les conditions démocratiques nécessaires pour des élections libres, transparentes et honnêtes et la bonne gestion de ce qui reste de cette période transitoire de huit mois au plus, mais à défaut, on pourrait se contenter de la neutralisation effective des ministères régaliens pour assurer l'essentiel, à savoir l'échéance électorale et la sécurité. C'est le minimum qui doit être impérativement observé et sans lequel le gouvernement de Laârayedh porterait les gênes de son échec et ne pourrait pas durer plus que deux ou trois mois.
-Peut-on parler de neutralisation du ministère de l'intérieur pendant que les appareils qui lui sont parallèles ainsi que les « ligues de protection de la révolution » et les groupes salafistes sont actifs et font la loi dans le pays?
-C'est pourquoi j'ai parlé d'un ministre neutre disposant de prérogatives réelles pour l'application de la loi et d'une justice indépendante. C'est le sens même du prestige de l'Etat qui est appelé à étendre son pouvoir sur l'ensemble du territoire national et à appliquer la loi à toutes les composantes de la société sans exception aucune, en ce sens qu'aucun espace, ni aucun groupe ne doivent échapper à son contrôle. Un ministre de l'intérieur indépendant et doté de tous les pouvoirs serait à même de veiller à l'application de la loi et d'empêcher ces hors-la-loi de l'enfreindre. On a vu comment lors de la première période transitoire, le ministre de l'intérieur et son homologue de la défense, qui travaillaient de concert, appliquaient rigoureusement la loi, ce qui leur a permis de réussir leur tâche et de nous amener à bon port, jusqu'aux élections. On va attendre la composition des cabinets pour qu'on puisse voir clair et nous prononcer là-dessus, on verra si les membres en seront neutres ou pas.
-A supposer que toutes ces conditions que vous venez de développer soient réunies, est-ce que vous accepterez un gouvernement sans programme ?
-Soyons réalistes, un gouvernement qui dispose de quelques mois est tenu de gérer la période transitoire restante, d'assurer le processus électoral et de prendre des mesures concernant les questions urgentes qui ne peuvent pas attendre comme la situation économique qui souffre d'un déséquilibre financier, du manque de crédit à l'étranger, etc, la hausse des prix engendré par l'absence de l'Etat qui doit maîtriser l'inflation monétaire, faire face à la fuite des capitaux, au déficit budgétaire, à l'état chaotique dans lequel se trouve le tourisme, et de remédier à la situation sociale qui s'est, sensiblement, dégradée comparée à la première période de transition en réduisant le chômage ne serait-ce que partiellement. Ce sont toutes des choses urgentes dont la solution dépend de la confiance aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur et de la sécurité ; c'est tout ce qu'un gouvernement provisoire pourrait et doit faire. On exige de lui de mettre en place un programme d'urgence pour sauver l'économie nationale de la menace de l'effondrement. Hamadi Jebali a placé la barre haute avant de partir, parce que, grâce à l'exercice du pouvoir, il a pu se représenter la réalité et réaliser que Ennahdha s'est usée par l'accaparation de l'autorité et, par conséquent, en a conclu qu'elle devait la partager avec d'autres partis. Son successeur est obligé d'agir dans la cadre de cette limite déterminée par Jebali.
Le nouveau gouvernement est tenu de lancer un programme d'urgence pour sauver l'économie nationale de l'effondrement
-On remarque que les conditions que vous posez ne diffèrent pas de beaucoup de celles du Front Populaire. Pourquoi vous ne coordonnez pas votre action?
-C'est notre objectif suprême à tous, le mien, celui de Nida Tounes et même celui de Mr Béji Caïd Essebsi qui dit, dans le communiqué du 26 janvier, qu'il faut changer le paysage politique et instaurer l'alternance pacifique au pouvoir. Et je suis, personnellement, persuadé qu'aujourd'hui sans un front très élargi, qui pourrait regrouper le Front Populaire et l'Union pour la Tunisie et s'étendre à d'autres, il ne serait pas possible d'atteindre ce but et de faire face au projet qui menace notre modèle sociétal. On a vu comment dans certains pays, l'absence de fronts élargis a permis à la dictature de s'installer confortablement, tandis que leur constitution a donné l'opportunité aux forces démocratiques de chasser celle-ci comme au Chili, par exemple, où on a mis fin à la dictature militaire où bien encore en Afrique du Sud. Nous défendons les mêmes valeurs comme l'Etat civil et les principes républicains, alors pourquoi nous nous unissons pas? Toutes ces valeurs sont partagées par le Front Populaire, Nida Tounes, le mouvement ouvrier et toutes les composantes de la société civile. Un front aussi élargi serait le garant contre tout danger et tout risque pour les prochaines élections.
-On dit que votre position positive vis-à-vis de l'initiative de Hamadi Jebali a participé à la division de l'opposition. Qu'est-ce que vous y répondez?
-Notre position à l'égard de toute initiative et de tout gouvernement se base sur l'analyse de la phase par laquelle nous passons. La Tunisie a, depuis le 14 Janvier, choisi une période transitoire comprenant deux moments: le premier s'est terminé avec succès, étant donné qu'il a été géré par un gouvernement neutre dont les membres ne se sont pas présentés aux élections et qui a assuré un minimum au niveau sécuritaire et économique et aussi sur le plan du développement. Le gouvernement de la deuxième phase n'a respecté ni ces conditions minimales, ni la feuille de route tout au long des douze ou quatorze mois passés. Dans notre communiqué du 26 janvier, nous avons réclamé un gouvernement neutre, la nécessité pour l'ANC de s'occuper uniquement de la rédaction de la constitution, une visibilité pour l'avenir, c'est-à-dire une date précise pour les élections. Mais ce qui était réalisé se situe aux antipodes de tout cela : un gouvernement de quotas partisans, l'ANC est transformée en organe législatif d'où émane le premier. C'est ce déséquilibre qui a abouti à la crise de Hamadi Jebali qui, se trouvant dos au mur, a pris l'initiative pour remettre les choses à leur place et pour que le processus transitoire se poursuive conformément aux conditions que nous avons exprimées dans notre communiqué. Nous avons manifesté notre soutien à l'initiative et au gouvernement de compétences, car Hamadi Jebali a enfin compris, bien qu'avec du retard, qu'il fallait instaurer un gouvernement neutre, assurer la sécurité et dissoudre ce qu'on appelle les « ligues de protection de la révolution ». Toutefois, nous étions persuadés que son initiative ne pouvait aboutir que si Ennahdha la soutenait, ce qui n'a pas été fait. Et je tiens à préciser qu'il ne s'agit nullement d'une mise en scène entre les deux parties, il existe bel et bien un différend au sein du parti et c'est la tendance majoritaire dure qui a fini par faire avorter le projet de Hamadi Jebali qui a voulu renforcer son parti d'après sa conception. Le CPR et « Wafa », les partenaires de Ennahdha, ont également largement contribué à l'échec de ce dernier.
Nous partageons avec le Front Populaire des valeurs comme celles relatives au caractère civil de l'Etat et au modèle sociétal
-Est-ce qu'il existe une coordination entre l'Unité pour la Tunisie et les autres forces démocratiques ?
-La coordination existe, seulement elle n'est pas directe. Elle s'est manifestée à l'occasion de l'assassinat de Chokri Belaïd et s'est arrêtée par la suite. Espérons qu'elle reprend avec la commémoration du quarantième jour de l'assassinat du martyr et qu'elle continue et ne sera pas épisodique. Pour le moment, les relations entre Nida Tounes et le Front Populaire existent seulement au niveau personnel mais sur le plan officiel elles sont encore trébuchantes.
-Ce n'est pas l'initiative de Jebali qui a freiné cet élan amorcé depuis l'assassinat?
-Dans une certaine mesure, oui, mais la réorganisation à l'intérieur du Front Populaire explique également cette apathie. Il se peut que la situation en son sein ne soit pas encore claire et que la mise au point de certaines questions nécessite quelque temps, et c'est tout à fait normal, car il n'est pas facile de remplacer un grand militant de l'envergure du martyr Chokri Belaïd. Il faut rappeler que l'idée d'un front démocratique élargi est la sienne et c'est l'une des raisons de son assassinat, parce qu'elle constitue un danger pour les ennemis de la liberté. Le martyr a fait évoluer intellectuellement des parties de gauche en un peu de temps, et avec sa mort, on constate qu'il y a un trébuchement. J'espère que ce travail très louable amorcé par lui sera repris dans les plus brefs délais, il est nécessaire que quelqu'un d'autre relaye Chokri en reprenant l'idée pour laquelle il s'est immolé. Je pense que cela ne va pas tarder et que la dynamique au sein du Front va reprendre très bientôt.
-La formation de la nouvelle ISIE est entachée de doute et entourée de flous, d'après certains spécialistes dont son ex président, Kamel Jendoubi. Quel est votre avis là-dessus en tant que juriste?
-Je constate qu'il y a régression par rapport à l'ancien décret 27 de la loi régissant l'ISIE qui garantit les mécanismes et les garanties d'indépendance beaucoup plus que la loi de l'actuelle instance en ce qui concerne son autonomie vis-à-vis de l'Etat, le contrôle exercé par celui-ci sur l'instance ainsi que le choix des membres. Aujourd'hui, je pense que les personnes qui étaient dans l'ancienne ISIE et les indépendants doivent présenter leurs candidatures, il faut livrer combat à l'intérieur de l'ANC pour imposer des gens honnêtes et expérimentés. C'est le rôle que doit jouer le groupe démocratique pour mettre en place une instance qui soit réellement indépendante, il doit aussi œuvrer à rétablir Kamel Jendoubi dans ses fonctions. Ceci dit, je suis contre ceux qui suggèrent l'idée de boycotter la nouvelle ISIE, car cela laisserait le champ libre aux partis au pouvoir qui, de ce fait, nommeraient qui ils voudraient et disposeraient de cette instance comme bon leur sembleraient. Il est indispensable de poursuivre le combat au sein de l'ANC et imposer le maximum de candidatures indépendantes pour garantir des élections honnêtes.
Il est impératif que les démocrates au sein de l'ANC se battent pour imposer des paramètres objectifs de candidature
-Mais l'outil de combat, ici, est le vote qui favorise la Troïka.
-Il ne faut pas oublier qu'il y a, au sein de la commission de sélection des candidats, des députés appartenant au groupe démocratique et d'autres qui appartiennent aux partis de l'opposition. Donc, ils sont en mesure d'imposer des critères objectifs pour la présentation de candidature.
-On entend dire que la fin de rédaction de la constitution ainsi que les élections sont pour bientôt. Techniquement parlant, peut-on prendre au sérieux ces dates avancées ?
-Je crois que la rédaction de la constitution est une question de volonté. Si cette condition est satisfaite, la majorité qui gouverne pourrait l'achever en l'espace d'un mois et demi. Pour les élections, il faut un minimum de six mois à partir de la date d'instauration de l'ISIE qui, d'après la loi la régissant, prendrait entre deux et trois mois, ce qui pose un grand problème. Et là, la demande formulée par certains pour la reconduction de l'ancienne ISIE est très plausible si elle réussit à réunir un consensus autour d'elle. Cela nous ferait gagner beaucoup de temps. Mais avec les conditions actuelles, les élections ne pourraient pas avoir lieu avant novembre/décembre 2013 et à condition, toutefois, que les travaux démarrent aujourd'hui et sérieusement, c'est-à-dire avec l'élection de la nouvelle ISIE.
-D'après vous, jusqu'à quelle limite les journalistes sont tenus au secret de l'instruction dans l'affaire de Chokri Belaïd?
-Je pense que le secret de l'instruction s'applique aux avocats et aux auxiliaires de justice, c'est-à-dire les parties qui tiennent le dossier au tribunal et dans des procès qui se rapportent à la sûreté de l'Etat. D'ailleurs, le code de procédures pénales a bien défini cette question de secret de l'instruction. Pour ce qui est des journalistes, il n'y a aucune limitation qui leur soit imposée à part celles que la loi prescrit comme la diffamation et l'injure. La presse est libre de s'adonner à des enquêtes et à des investigations comme c'est le cas ailleurs, en dehors de nos frontières. La lecture de la loi par le procureur de la République adjoint, paru sur un plateau télévisé, il y a presque deux semaines, est erronée. Les journalistes qu'il a, à tort, accusés d'avoir enfreint la loi, ont joué un grand rôle dans le dossier de Chokri Belaïd pour faire avancer l'instruction et stimuler les parties dont le ministère de l'intérieur pour qu'elles se démènent, assument comme il se doit leur rôle et prennent sérieusement l'affaire. Et je constate que le juge est en train de faire les inductions réclamées par le comité de défense et de procéder à des investigations. Tout cela est dû à la pression exercée par les centaines de millions qui ont manifesté le jour des grandes funérailles, mais aussi et surtout par celle faite par les journalistes qui jouent un rôle très positif depuis le 14 Janvier et poussent la vie politique vers le meilleur et défendent l'indépendance de la justice qui va de pair avec la liberté de la presse, en ce sens que l'une ne peut exister sans l'autre. Et, ces jours-ci, on a vu cette complicité entre les deux domaines bien que la justice garde encore de vieux réflexes et n'accepte pas que les journalistes interviennent dans des dossiers juridiques.
Les médias jouent aident énormément la justice dans l'affaire de Chokri Belaïd et permettent à l'enquête d'avancer
-Ne doit-on pas voir dans ces limites qu'on voudrait imposer aux journalistes surtout dans le domaine de l'investigation une tentative de la part des autorités de les museler?
-C'est tout à fait vrai, car si on commence par tracer des limites, on pourrait les faire reculer, chaque fois, un petit peu jusqu'à ce qu'elles touchent tous les domaines et ainsi on mettrait fin à la liberté de la presse. C'est pourquoi il ne faut pas utiliser une question d'ordre technique qu'est le secret de l'instruction, évoquée d'une manière tout à fait erronée, pour essayer de réduire le champ d'action des journalistes dont l'apport participe dans une très large mesure à éclairer la justice et à apporter davantage de garanties au dossier telles que les droits de la défense et la transparence. La liberté de la presse est le garant de l'indépendance de la justice.
-Quelle est votre évaluation du rendement du comité de défense de Chokri Belaïd qui a connu des tergiversations lors de sa première conférence de presse?
-J'ai, personnellement, participé au sein de ce comité à quelques procès et je peux vous dire qu'il comprend des avocats qui comptent parmi nos meilleures compétences qui ont plaidé la cause de la liberté dans plusieurs procès au temps du régime déchu, comme au bassin minier de Redeyef, à l'image des maîtres Faouzi Ben Mrad et Abada El Kefi et du bâtonnier Chaouki Tabib. Et en ce qui concerne la question de la conférence, il faut savoir qu'il y a toujours des stratégies de défense et des évaluations différentes dans les affaires politiques. Ces différences se sont traduites par des divergences sur le plan journalistique lors de la conférence de presse et qui étaient amplifiées par le manque de coordination. Je ne vois pas que les différences au sein du comité de défense de Chokri Belaïd nuit au dossier, il est, donc, normal qu'il y ait des rectifications et le changement du porte-parole. D'ailleurs, le comité doit être renforcé par des compétences universitaires et internationales pour que son rendement s'améliore encore plus.
-Certains pensent que l'identification des assassins de Chokri Belaïd, exécutants et commanditaires, est la condition sine qua non de la tenue des prochaines élections. Qu'en pensez-vous ?
-Il faut découvrir ou œuvrer sérieusement à découvrir les criminels, la partie pénale, la partie politique et le responsable de la sécurité, étant donné que dans tout crime, il y a celui qui perpètre le crime et ses complices qui peuvent être ceux qui ont planifié le crime. Sans la découverte de tous ces acteurs, on ne pourrait pas connaître des élections, car la menace ne disparaîtrait pas, elle resterait planer sur le pays et les criminels pourraient récidiver. Il faut donc supprimer les conditions qui ont favorisé ce crime pour qu'on puisse se rassurer et jouir de la paix. L'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd est au cœur du processus démocratique et électoral dont la réussite en dépend énormément. Si on essayait de dissimuler ce crime quelque soit son auteur, le pays serait livré à un grand danger, et celui qui oserait le faire, serait mis à nu et le grand perdant. Il est inconcevable et impensable que cela se produise dans la Tunisie postrévolutionnaire. Il n'est dans l'intérêt de personne d'occulter le crime et en particulier le gouvernement qui est appelé à assumer son devoir faute de quoi on serait d'en tirer une présomption de responsabilité directe ou indirecte dans le crime. C'est pour cela que je pense qu'il est dans l'intérêt de Ennahdha de faire tout son possible pour convaincre le peuple tunisien de son sérieux et de l'efficacité de la démarche empruntée et d'arrêter les criminels.
L'augmentation des prix du carburant est une preuve supplémentaire de l'incompétence du gouvernement
-Quelle est votre évaluation de l'augmentation des prix du carburant ?
-Cette mesure est une preuve de plus de l'incompétence du gouvernement, car il a choisi le moment le plus inopportun pour décider une telle augmentation. En fait, ses conditions ne sont pas réunies, car il faut au préalable réparer les dégâts qui rongent notre économie. L'augmentation des prix du carburant s'insère dans le plan de restructuration qui est un plan global pour l'économie et les finances publiques, un plan que nous avons baptisé, pendant notre gouvernement, « Jasmin » et que nous avons reporté, vu que les conditions n'étaient pas encore favorables à cause des difficultés de l'époque. Avant de prendre une décision pareille, on doit procéder par rétablir les équilibres budgétaires et par organiser des campagnes de sensibilisation. Dans la conjoncture actuelle, une décision de cette envergure devait être bien étudiée et accompagnée de mesures en faveur des couches défavorisées. Elle constitue une sanction supplémentaire aussi bien de ces dernières que de la classe moyenne, puisqu'elle intervient à un moment où la situation économique et sociale est fragilisée par la hausse vertigineuse des prix et la détérioration du pouvoir d'achat qui s'en suit et un taux de chômage galopant. Cette mesure est contraire à l'esprit même de la Révolution.
-Qu'est-ce que Nida Tounes a récolté du meeting de Ksar Helal ?
-C'était une occasion supplémentaire pour notre enracinement populaire. Le message que nous avons voulu transmettre à la foule nombreuse venue nous partager la fête commémorative du congrès de Ksar Helal c'était que Nida regroupait tous les démocrates y compris les vrais destouriens. Notre visite à cette ville était une vraie réussite et non pas un coup médiatique comme le prétendent nos adversaires politiques, et nous allons la généraliser, étant donné que nous projetons de visiter les autres villes surtout celles de l'intérieur. C'est un défi que nous relevons.
-L'appel à la dissolution de l'ANC lancé par Mr Béji Caïd Essebsi a amené ses adversaires politiques à l'assimiler à un appel au vide. Qu'est-ce que vous y répondez ?
-Ce que si Béji entend par la dissolution c'est remettre le processus transitionnel à sa place, c'es-à-dire le retour de l'ANC à son vrai rôle qui réside dans la rédaction de la constitution, l'élaboration de la loi électorale et la fixation de la date des élections. Il est persuadé que l'échec du gouvernement est celui de la Constituante, ce qui veut dire que pour remettre le gouvernement sur les rails, on devait au préalable rétablir cette dernière dans son rôle. Je ne pense pas que l'artisan de la transition démocratique, celui qui a participé à l'institution de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution et qui a préparé les élections puisse appeler au vide juridique. Bien au contraire, c'était une invitation à faire réussir le processus démocratique. L'ANC a dévié de ses fonctions en abandonnant ses vraies tâches et en se livrant à des législations parallèles et au contrôle du gouvernement. Il faut, alors, le rappeler à l'ordre.


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