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Jilani Hammami, porte-parole du Parti des Travailleurs
L'invité du dimanche
Publié dans Le Temps le 24 - 02 - 2013

Ennahdha et ses associés essayent de reléguer au dernier plan le dossier de Chokri Belaïd
Depuis l'assassinat de Chokri Belaïd, les événements s'accumulent et prennent la forme d'une boule de neige dont la cadence s'accélère au fil des jours voire des heures et qui finit par briser l'édifice gouvernemental de Hamadi Jebali.
La tâche de sa refonte, accordée à Ali Laârayadh, est loin de calmer les esprits et d'assainir l'atmosphère sociale, car elle répond à des intérêts partisans étriqués et non pas à l'intérêt général du pays. C'est l'avis de plusieurs acteurs de la scène politique comme notre invité. Pour lui, cette nouvelle nomination jette de l'huile sur le feu. Il pense que le discours de Ennahdha qui se veut rassurant contourne la réalité et dissimule plusieurs vérités surtout celle relative au crime d'assassinat de son camarade Chokri Belaïd que plusieurs partis politiques essayent de monnayer, selon lui. En voici les explications :
-Le Temps : vous pensez que le conflit au sein de Ennahdha est réel ou bien qu'il s'agit tout simplement d'une manœuvre tendant à donner l'impression que le parti connaît une vraie vie démocratique?
-Mr Jilani Hammami : j'opte plutôt pour la seconde thèse, et les derniers événements viennent confirmer ces soupçons. En vérité, toutes les questions fondamentales, à l'intérieur de Ennahdha font l'objet de consensus général et les prétendues différences se rapportent à de simples approches. Chacun de Hamadi Jebali et de Rached Ghannouchi pense que la sienne est la mieux adaptée aux intérêts de son parti, voilà tout. La différence entre les deux hommes c'est que le premier réalise le danger et la profondeur de la crise, étant donné qu'il a exercé le pouvoir et les fonctions de direction et de gestion au sein de l'Etat. Donc, et bien qu'il n'ait établi aucune évaluation et qu'il n'ait pas avoué au peuple le bilan chaotique de cette expérience, il comprend bien que continuer dans cette voie va amener Ennahdha et le pays vers de pertes très importantes et des explosions et peut-être bien vers une autre révolution. C'est pour ces raisons qu'il se représente bien la situation très critique et qu'il est convaincu que l'intérêt de celle-ci l'oblige à faire des pas en arrière, à amplifier le discours de consensus et de dialogue et à prendre quelques mesures. Tout cela constitue une manœuvre et une mystification tendant à teinter Ennahdha de démocratie en la présentant comme un parti qui n'exclut personne et qui n'a pas l'intention de s'approprier l'Etat et mettre la main sur ses rouges, et en essayant de gagner la confiance du peuple tunisien et les quelques forces politiques qui portent ces illusions. Donc, les deux approches sont foncièrement identiques quant au fond, leur différence est purement superficielle, celle de Jebali est plus intelligente que l'autre qui est agressive, excitée et jusqu'au-boutiste ne prenant pas en considération les données réelles, c'est une approche partisane déclarée et non pas masquée comme l'autre et qui est éloignée des tribunes et des espaces de la vraie gestion. Ennahdha essaye de présenter ces différences de conceptions comme étant une dynamique démocratique, mais ce projet vient de se heurter à la première épreuve : la nomination du nouveau chef du gouvernement. Par sa résignation et son acceptation de l'autre approche, Jebali fait tomber le rideau sur la pièce de théâtre qui n'a que trop duré.
La nomination de Laârayedh marque l'épilogue de la comédie de très mauvais goût
-Qu'en est-il de l'initiative du front Populaire relative au congrès national de salut ?
-Le Front est en train d'animer les discussions pour faire activer l'initiative. Notre tâche consiste à la vulgariser et surtout à essayer de trouver les moyens adéquats pour son activation et ce en collaborant étroitement avec l'UGTT et en reprenant, de nouveau, nos contacts avec d'autres composantes de la scène politique comme Al Massar en vue de s'entendre sur des formules pratiques pour lancer un appel à un dialogue national qui aurait comme cadre un congrès national de salut si, toutefois, on parvient à en convaincre les autres parties. Le but d'une telle initiative c'est d'entrer dans le vif du sujet : la discussion des causes de la crise et ses manifestations et surtout la mise en place d'un programme de salut, c'est-à-dire l'ensemble des mesures économiques, sociales et politiques ainsi que l'ensemble des conditions politiques qui constitueront le programme sur la base duquel le Front arrêtera un paramètre bien défini concernant la nature et les caractéristiques de la nouvelle équipe gouvernementale consensuelle et non pas celle imposée par Ennahdha. Les secrétaires généraux des composantes du Front se sont réunis plusieurs fois et ont présenté une série de propositions dont des actions de masses pour exercer une pression et d'autres formules pratiques pour faire aboutir notre projet qu'est le congrès national de salut.
-Quelles sont les parties qui contrarient votre projet ?
-Elles sont bien connues. Il y a, bien sûr, la Troïka qui veut monopoliser la solution politique pour la crise dont elle est, pratiquement, la seule responsable, mais aussi toutes les parties qui ont rejoint l'initiative de Hamadi Jebali et qui entravent, d'une manière ou d'une autre, notre action. Ce sont toutes les parties qui posent les mêmes méthodes du vieux discours dans le traitement de la crise qui contrarient le congrès national de salut, celles qui négocient avec Ennahdha et consorts en vue de parvenir, à nouveau et d'une manière dévoilée ou légèrement camouflée, à constituer un gouvernement où elles auraient pied. Leur problème se résume dans l'élargissement des ministères, la neutralisation de tel ou tel ministère, l'entente sur l'allure du nouveau gouvernement sans discuter son programme. Alors que le congrès national de salut projette la discussion des manifestations de la crise, ses endroits et le programme susceptible de la dépasser.
-Partagez-vous l'avis répandu dans certains milieux politiques et selon lequel ce moment crucial va départager les deux camps, celui de la révolution et celui de la contrerévolution ?
-Absolument ! C'est une opération qui constitue un processus ininterrompu, elle a démarré depuis le 14 Janvier, continue jusqu'à aujourd'hui et se poursuivra au cours des étapes à venir. A chaque palier, le départage se fait sur la base d'objectifs et de slogans précis. Actuellement, il connaît un nouvel épisode à l'occasion de la chute du gouvernement et de l'initiative de Hamadi Jebali. Cette nouvelle réalité nous permet de distinguer les forces qui veulent négocier la crise d'une manière sérieuse et chercher des solutions sérieuses pour la surmonter des forces qui veulent traiter la crise avec ses propres méthodes, c'est-à-dire des quotas partisans, des accords émanant d'en haut sans la consultation du peuple et dans le cadre de l'ancien système. Ces dernières constituent un pôle et le Front Populaire et plusieurs autres forces politiques partisanes et associatives de la société civile en forment un autre. Ce départage va se poursuivre, à l'avenir, à propos du programme, du rendement du gouvernement prochain, des causes économiques et sociales posées, de la question démocratique, de l'agenda relatif à l'achèvement de la constitution, de la date des élections et la mise en place des instances de régulation, celles de la justice, de l'information et des élections en vue d'en finir au plus vite avec la période transitoire, de la question sécuritaire, du dossier de l'assassinat de Chokri Belaïd en faisant la part entre ceux qui tiennent vraiment à dévoiler les auteurs de ce crime, exécutants et commanditaires, et ceux qui veulent couvrir ces criminels et jouer de ce crime.
Le départage entre les forces révolutionnaires et antirévolutionnaires est un processus continu
-Est-ce que vous entendez par là que certaines parties ont tiré profit de l'assassinat de Chokri Belaïd ?
-Nous avons remarqué que les forces politiques, qui attaquaient notre camarade Chokri Belaïd en tant que militant au sein du Front Populaire ou en tant que leader dans un parti de gauche défendant des principes et un programme bien déterminés, ont changé d'attitude à son égard et lui témoignent de la sympathie. Ce changement de comportement relate, d'une part, leur condamnation du crime politique, d'autre part, leur crainte de s'enliser dans le tunnel de la terreur. Toutefois, cela ne devrait pas nous faire oublier les intentions de ces parties d'exploiter la conjoncture créée par l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, il existe une tentative de leur part d'occulter ce dossier d'assassinat et de détourner toute l'attention vers le gouvernement, elles se concentrent sur les sièges et les calculs partisans pour s'assurer une part dans sa reconstitution. Vous pouvez constater que le dossier de Chokri n'existe plus dans les médias et les propagandes de plusieurs partis politiques. Et la marginalisation du Front Populaire après les grandes funérailles est une manière de profiter de ce dossier sans permettre aux forces politiques auxquelles appartient Chokri pour qu'elles ne soient pas les dépositaires du dossier.
-A propos de l'assassinat, plusieurs informations filtrent par ci par là affirmant que l'identification et l'arrestation des criminels est une simple question de temps. Est-ce que vous disposez de davantage de données sur ce dossier ?
-En vérité, nous n'avons pas d'informations à part celles qui circulent et que nous ne pouvons ni confirmer, ni infirmer, elles pourraient être vraies comme elles pourraient être de simples rumeurs. Nous craignons, cependant, les quelques informations qui sont en train de conditionner l'opinion publique en vue de la prédisposer à accepter l'un des aboutissements visant l'étouffement définitif de l'affaire. On n'arrête pas de prétendre, actuellement, que les responsables de l'assassinat de Chokri Belaïd sont soit un petit groupe isolé de salafistes, limité en nombre et n'ayant aucun rapport avec qui que ce soit comme s'il avait commis une aventure détachée de tout contexte, soit des services d'espionnage étrangers. Ces prétentions sont erronées et dépourvues de tout fondement logique, et il est à craindre que leurs auteurs entendent par là de couvrir les vrais responsables du crime d'assassinat. Pour faire face à toutes ces manœuvres, plusieurs groupements se sont constitués pour suivre ce dossier tels que le comité de défense, et il y aura, prochainement, l'action de la part des différentes composantes de la société civile. En plus de cela, on compte se faire aider de forces démocratiques et progressistes se trouvant dans le monde entier pour exercer une pression et faire en sorte que l'issue du dossier soit la découverte des vrais responsables du crime.
Plusieurs parties tendent à brouiller les pistes
du crime d'assassinat pour étouffer l'affaire
-Comment jugez-vous les manifestations organisées dernièrement par Ennahdha ?
-Tout d'abord, il est évident que ces manifestations organisées au lendemain des funérailles est une simple réaction trahissant une volonté de pousser la bipolarisation qui est de nature à approfondir le degré de tension politique en Tunisie. Il n'y avait aucune raison pour l'organisation de ces manifestations par Ennahdha, car les funérailles n'étaient pas faites dans cet esprit, c'est-à-dire pour renforcer cette bipolarisation, elles ont eu lieu suite à l'appel lancé par le Front Populaire, l'UGTT et plusieurs forces démocratiques et les larges masses populaires y ont répondu massivement d'une manière tout à fait spontanée et volontaire. Donc, il n'y avait aucune instrumentalisation politique des funérailles contrairement aux manifestations de Ennahdha qui en étaient une et où dominaient la mobilisation partisane et les slogans n'ayant aucun rapport avec le crime d'assassinat, des slogans autres que ceux scandés, spontanément, le jour des funérailles contre ce parti et son président, Rached Ghannouchi. Parce qu'il y avait une intime conviction populaire que la Troïka dont Ennahdha constituait la composante majeure était responsable de l'enveniment du climat qui a favorisé la survenue de nombreux dépassements sécuritaires qui soit qu'ils dépassent la volonté de cette dernière soit qu'ils soient arrangés par elle à l'image de tout ce que les « ligues de protection de la révolution » ont perpétré. Donc, les manifestations de Ennahdha étaient une réaction de sa part à l'encontre de ces slogans populaires en comptant sur ses propres moyens partisans auxquels se sont ajoutés ceux des factions salafistes.
-Ne voyez-vous pas dans le slogan qui appelle à la constitution d'un front islamique scandé lors de la dernière manifestation de Ennahdha un changement de tactique de la part de cette dernière vis-à-vis des Salafistes et des forces démocratiques?
-Ce qui s'est produit nous laisse nous demander dans quelle mesure la crise actuelle pourrait rassembler les forces islamistes. En fait, elles collaboraient depuis un certain moment à propos de quelques dossiers, cette collaboration est manifeste. On sait très bien qu'à chaque fois qu'il y a des contestations populaires ou un mouvement de rébellion dans une région, une affaire ayant un caractère idéologique ou autre est provoquée comme celle de « Al Abdelliya », ou bien l'attaque contre « Nida Tounes » ou bien encore la question des groupes terroristes sur nos frontières avec l'Algérie. Tous ces troubles n'étaient pas spontanés mais orchestrés, ils étaient fomentés dans le but de desserrer l'étau autour du cou de Ennahdha toutes les fois qu'elle connaît une crise sociale aigüe pour détourner l'attention de l'opinion des réclamations d'emploi et de développement et de tous les autres dossiers économiques, sociaux et politiques et l'orienter vers les questions de sécurité et de stabilité. D'autre part, nous sommes persuadés que les autres factions islamistes qui ont des différences avec Ennahdha et dont elles ne partagent pas les mêmes approches ne pourraient qu'être une base électorale pour celle-ci. D'ailleurs, c'est ce que ces factions ont affirmé. La crise actuelle pourrait accélérer leur rapprochement d'autant plus qu'à l'intérieur de Ennahdha il y a un courant qui ne cesse de se rapprocher des Salafistes par ses positions générales, ses conceptions, ses procédés politiques et son attachement aux questions idéologiques évoquées par ces groupes extrémistes. Par conséquent, il existe plus qu'une raison subjective et objective qui pourrait rapprocher ces parties surtout si les forces démocratiques parviennent à jouir d'une réputation et d'une crédibilité encore plus grandes et que leurs chances politiques d'influencer les masses populaires ainsi que celles relatives à l'échéance électorale attendue deviennent plus importantes.
Le front islamiste scandé lors de la dernière manifestation de Ennahdha ne fait que relater un état de fait
-Pensez-vous que ce rapprochement entre les partis islamistes soit de nature à affaiblir le camp des démocrates ?
Le rapprochement entre les partis islamistes ne va pas affecter les forces démocratiques, bien au contraire, il est de nature à les motiver davantage, à les déterminer à redoubler de volonté tenace, à resserrer les rangs pour constituer un front démocratique large en insistant sur les questions ayant un rapport direct avec les préoccupations et les aspirations du peuple et touchant à la justice sociale, les libertés, la démocratie, l'égalité, le développement, l'emploi, le pouvoir d'achat, les services publics..., les conditions de vie d'une façon générale. Plus la situation évolue, plus les forces démocratiques devraient être ensemble, et on voit quelques manifestations de recoupements plus vastes bien que jusqu'à maintenant certains partis soient conscients, au niveau du discours, de la nécessité d'unir les forces démocratiques, alors sur le plan pratique, ils sont très hésitants, très perturbés et il est facile de les déconcerter comme on a vu avec l'initiative de Hamadi Jebali où quelques courants et forces démocratiques ou qui se croient comme telles sont sortis du rang et ont intégré la manœuvre montrant par là que leur souci majeur consiste à trouver le moyen de sortir Ennahdha de la crise.
-Comment vous déterminez la responsabilité du gouvernement dans la prolifération des dépôts d'armes dont le dernier en date est celui de «Mnihla » et les réseaux de transfert de nos jeunes vers l'enfer syrien ?
-Ennahdha ne peut pas nous convaincre de son innocence pour deux raisons. La première c'est qu'elle est la détentrice du pouvoir, ce qui l'oblige à sécuriser toutes les conditions qui gouvernent ces menaces sécuritaires. Donc, quelles ques soient les conditions, sa responsabilité politique vis-à-vis de ce qui se passe est indéniable. Elle est responsable de l'enveniment de l'atmosphère par le report continu du remaniement ministériel, la non satisfaction des réclamations économiques et sociales du peuple tunisien, le retard dans la rédaction de la constitution par l'ANC. Ce climat d'enveniment engendre des lacunes qui permettent à ces groupes extrémistes de s'adonner à des activités de trafic d'armes et à leur confection, à perpétrer des actes de violence, à pouvoir s'organiser malgré que le ministre de l'Intérieur ait, depuis le printemps 2012, annoncé que la confrontation était inéluctable et que le grand défit pour la Tunisie était les Salafistes. Mais on a vu comment, par la suite, on a préparé le terrain pour permettre à ce phénomène de se répandre et de se développer. La seconde raison c'est les rapports amicaux établis avec ces groupes salafistes, c'est ce que nous avons, toujours, remarqué à travers les déclarations des dirigeants de Ennahdha, Rached Ghannouchi en tête, ce qui est une manière de justification de leur conduite. Cette attitude de la part de Ennahdha nous laisse nous persuader qu'elle est au courant de plusieurs actes commis par ces groupes ainsi que d'une partie de leur trafic d'armes. Dernièrement, des informations ont circulé à propos de la tentative de Ennahdha d'infiltrer le ministère de l'Intérieur au moyen de nominations dans des services sensibles. En fait, ces nominations dépassent le cadre de ce ministère pour toucher les municipalités, les délégations, les gouvernorats et les administrations. Des informations ont également circulé pour affirmer qu'au sein de ce même ministère il existe une intention de constituer une sorte d'organisation militaire partisane propre à Ennahdha pour qu'elle puisse profiter des potentialités du ministère de l'Intérieur. Toutes ces données font que les déclarations de démenti de ce parti s'insèrent dans le cadre du discours double, sa responsabilité aussi bien politique que sécuritaire est réelle dans tout ce qui se passe actuellement.
-Peut-on conclure de ce que vous venez de dire que la responsabilité d'Ennahdha est aussi pénale ?
-Les informations vont découvrir son implication dans certaines affaires et peut-être bien que la découverte des assassins de Chokri Belaïd nous fourniraient de nouvelles données. En attendant tous ces éclairages, nous croyons que la responsabilité d'Ennahdha est au moins politique, il n'y a pas l'ombre d'un seul doute là-dessus.
Plus les forces démocratiques se rapprochent entre elles et conjuguent leurs efforts, plus le camp des Islamistes s'affole et perd tout contrôle
-Vous ne trouvez pas que le dernier discours de Hamadi Jebali est rassurant à propos de la situation sécuritaire dans le pays ?
-Pas du tout ! Jebali n'a pas nommé les choses par leurs noms, il a tenu des propos vagues en parlant de la nécessité de supprimer les comités qui veulent instaurer une sécurité parallèle, alors qu'ils portent bel et bien un nom, « ligues de protection de la révolution ». Il n'a pas parlé non plus de Chokri Belaïd dont l'assassinat a déclenché une cascade de faits, tout un chambardement au niveau du gouvernement et dont il est le premier responsable. Dans son dernier discours, il n'a pas prononcé un seul mot sur un assassinat qui est le plus grand événement politique survenu dans le pays. Pour nous au sein du Front Populaire, l'introduction à tout programme et à tout accord pouvant se conclure dans le cadre de n'importe quel dialogue c'est l'entente entre toutes les parties sur le fait que le dossier de Chokri Belaïd est un dossier national qui a, en réalité, dépassé nos frontières pour s'internationaliser. Ce dossier doit bénéficier de tout l'intérêt qu'il mérite, parce que la découverte des assassins va nous édifier sur la réalité de la sécurité, les vrais responsables, les rapports des auteurs du crime avec les autorités, les partis politiques, les parties étrangères qu'elles soient des pays, des réseaux d'espionnage, des groupes armés, des partis ou autres. Toutes ces données sont de nature à déterminer avec précision la responsabilité de la sûreté nationale, car il s'agit de l'assassinat d'un leader et d'un symbole politique, d'un secrétaire général d'un parti politique, de l'un des acteurs principaux dans le pays. C'est pourquoi nous considérons que le traitement de ce dossier et l'identification des assassins de Chokri Belaïd, des questions complètement ignorées par Hamadi Jebali, restent, donc, la condition sine qua non pour tout débat national, tout consensus, tout programme, tout gouvernement. Il faut qu'il y ait des décisions concernant les « ligues de protection de la révolution », la suppression des nominations partisanes au sein de l'administration, la neutralisation des mosquées pour mettre un terme définitif aux discours incitant à la haine et à la violence. Il est indispensable de commencer par instaurer une stabilité dans le pays et assainir le climat en le débarrassant de tous les éléments nuisibles qui sont en train de l'envenimer, et une fois ces conditions établies, on pourra se mettre d'accord sur un programme.
Le dossier de notre camarade Chokri Belaïd est la condition sine qua non de tout dialogue, de tout consensus, de tout programme et de tout gouvernement
-A ce propos, en quoi consiste le programme du Front Populaire?
-Il consiste, tout d'abord, à ce que l'ANC doit se concentrer sur la rédaction de la constitution, l'achever au plus vite et arrêter son bavardage gratuit, la constitution immédiate de l'instance de la justice, l'instance indépendante de l'information, l'instance indépendante des élections, l'élaboration de la loi électorale. En plus de cela, il faut prendre toutes les mesures pour protéger la démocratie et maîtriser la violence et l'argent politiques. Ce sont les conditions susceptibles de garantir des élections libres, démocratiques et transparentes. Parallèlement à tout cela, on doit prendre des mesures économiques et sociales urgentes, conditions sans lesquelles aucun gouvernement ne pourra réussir même s'il dispose d'un bon programme politique, car les gens qui souffrent de difficultés financières, les démunis et les chômeurs, tous ceux qui vivent une situation catastrophique ne vont pas se nourrir d'un tel programme. Pour satisfaire leurs besoins qui ne peuvent plus attendre, il faut maîtriser les prix et les geler, résoudre partiellement le problème du chômage ainsi que celui des régions marginalisées en prenant des mesures concrètes en vue d'y pousser les investissements, animer la vie économique et créer des postes d'emploi. Tous ces projets ont un prix, ce qui impose la prise de mesures économiques pour les financer et trouver les sources pour couvrir ce coût. Nous sommes persuadés que l'Etat tunisien n'a ni le désir, ni la volonté de s'offrir tous ces financements qui sont disponibles. Nous venons d'apprendre au début de la semaine qu'une éminente responsable au sein de l'Union Européenne a demandé à cette dernière de prendre au sérieux le dossier de la dette tunisienne dont elle-même a réclamé la suspension ou bien la convertir en donations faute de quoi le pays s'écroulerait. Pendant que les pays créanciers manifestent leur volonté de trouver une solution aux dettes que nous avons contractées, notre gouvernement persiste à les payer. Nous réclamons l'arrêt immédiat du payement de ces dettes et la recherche avec tous nos partenaires de moyens adéquats en vue de l'ouverture d'un processus d'audit pour différencier les dettes odieuses de celles qui ne le sont pas et renflouer ainsi les caisses de l'Etat par la suspension de ces dernières pendant trois ou quatre ans. Cet argent nous permettra de couvrir les mesures sociales que j'ai évoquées plus haut afin de baisser, autant que faire se peut, la tension qui sévit au sein de la société. Toutefois, cela n'empêche que l'Etat doit se démener et fournir des efforts réels pour récupérer les impayés des chefs d'entreprises et des hommes d'affaires qui n'ont pas payé les impôts pendant une très longue période, du moins pour les dernières années, et non pas reporter, indéfiniment, les décisions prises à leur encontre. Toutes ces mesures, qui doivent s'accompagner de la maîtrise des dépenses publiques, de la mise en place d'impôts sur les grosses fortunes, constitueront un terrain fertile pour les décisions politiques à prendre et le gouvernement consensuel prochain qui trouverait ainsi des conditions favorables pour jouer son rôle comme il se doit.
Toute mesure politique serait vaine si elle n'est pas précédée de mesures économiques et sociales
-Vous avez évoqué la question relative à l'instance des élections, pensez-vous que, compte tenu du mode de désignation de ses membres et de la composition de l'ANC, elle puisse être vraiment indépendante ?
-Effectivement, la loi donnant création à cette instance et dont l'application vient de démarrer contient deux problèmes. L'un est relatif au choix de ses membres qui sera conditionné par les rapports de force au sein de l'ANC, ce qui en influencera, directement, la composition. Le deuxième problème concerne la relation entre cette instance et les services administratifs placés sous son contrôle que l'article 27 dote de compétences plus importantes que la première. Toutes ces considérations font que l'indépendance et l'honnêteté de cette instance seront entachées de quelques difficultés.
-La rédaction finale de la constitution est-elle pour bientôt ? Et les Tunisiens seront-ils récompensés pour leur grande patience selon vous?
-Ennahdha essaye de gagner du temps à travers les reports indéfinis et les tentatives de miner la constitution, comme c'est le cas dans le dernier brouillon, qui s'accomplissent sous plusieurs titres : la charia en tant que source législative, l'égalité entre les sexes et la question de complémentarité, l'incrimination de l'atteinte au sacré, le projet de loi sur l'immunisation de la révolution, le refus d'insérer le référentiel des droits de l'Homme universels, les articles 97 et 148 ouvrant la voie à la révision des bases et des principes généraux de la constitution... Ennahdha croit que le fait qu'elle soit majoritaire lui permet de l'arranger à sa mesure et oublie que le peuple tunisien, qui a imposé une assemblée constituante, réclame une constitution démocratique qui garantisse les libertés fondamentales et qui soit le socle d'un Etat tunisien indépendant, progressiste, égalitaire, juste et garantissant le confort à tous ses ressortissants. A chaque fois que les débats avancent, les députés de Ennahdha évoquent un point de ceux qu'on vient d'énumérer pour faire revenir ces derniers à la case départ. L'ANC doit comprendre que sa légitimité il ne la tient pas uniquement des voix des urnes, mais également de sa disposition à répondre positivement aux aspirations du peuple, que s'il s'en écarter, il va perdre une partie de cette légitimité et que s'il persiste à suivre cette voie, il va en être complètement dépossédé. Le peuple et tous les forces démocratiques doivent rester vigilants face à toute tentative de la part de Ennahdha visant à établir une constitution conforme à son idéologie et sapant toutes les valeurs et les principes pour la réalisation desquels des générations se sont battus et sacrifiés.
Interview réalisée


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