Après avoir annoncé qu'il dissoudrait le gouvernement et qu'il en constituerait un autre formé de technocrates, et après s'être aperçu qu'une telle mesure l'obligerait à emprunter une démarche qui le ferait heurter à l'ANC dont l'aval serait une condition sine qua non, le chef de gouvernement a changé de méthode et s'est contenté d'un simple remaniement, en ce sens que le changement ne concernerait pas l'ensemble du gouvernement mais seulement quelques portefeuilles. Pour contourner les éventuels « vétos » de la Constituante et de la présidence de la république dont ces deux autorités pourraient faire usage selon l'esprit des articles 15 et 19, Hamadi Jebali a renoncé à son projet initial et s'est engagé dans la piste de l'article 17 permettant un tel remaniement sans pour autant être soumis à leur consentement. Toutefois, cette liberté n'est que relative, étant donné que, dans un pareil cas, l'ANC pourrait prononcer une motion de censure à l'égard du gouvernement. Ce qui fait dire à certains spécialistes en droit constitutionnel que le mieux pour le chef du gouvernement c'est de quitter cette piste et de s'en remettre à la Constituante. Un gouvernement de crise Cependant, pour d'autres parties comme le Front Populaire, cette question ne devrait pas être posée en termes juridiques. Car, estiment-ils, la crise est politique par excellence et sa résolution ne pourrait, donc, être que politique. Pour ce Front, il serait absurde de s'attendre à une solution d'un gouvernement qui a connu des déboires sur toute la ligne, l'échec ne produit que l'échec, « celui qui ne possède pas la chose ne peut pas la donner », dit le proverbe de chez nous. Le Front Populaire impute l'entière responsabilité de la crise que vit le pays à tous les niveaux au gouvernement : c'est lui qui est responsable de la misère accrue à cause de la cherté de la vie et du chômage et de la corruption galopants, c'est lui qui est responsable de la répression, de l'insécurité et de l'assassinat du martyr de la patrie Chokri Belaid et qui en était l'aboutissement logique. « Un gouvernement qui n'a rien réussi de tout ce qu'il a entrepris depuis plus d'une année doit partir, c'est le verdict rendu par le Front Populaire bien avant le crime perpétré contre l'un de ses leaders emblématiques et le symbole national ». De son vivant, le Front a réitéré la nécessité de mettre en place un gouvernement de crise pour sortir du tunnel. Ses tâches seraient la suspension de la dette, le gèle des prix, la suppression des prêts accordés aux petits agriculteurs, la fixation immédiate d'une date précise pour les élections, la création des instances de régulation dans les médias, celle de la justice et celle des élections, l'établissement de la loi électorale, l'ouverture immédiate d'une enquête sur l'assassinat du martyr Chokri Belaïd... Selon le Front Populaire, comme à un problème politique, il faut une solution politique, pour une période de crise, il faut, également, un gouvernement de crise...