Le début de l'année ne s'est pas très bien passé, c'est le moins que l'on puisse dire. Le climat qui prévaut dans le secteur artisanal n'augure rien de bon et cet hiver n'arrangent en rien les choses. Si la basse saison est généralement une saison morte, avec moins d'arrivées touristiques que durant les autres mois de l'année, les petits artisans sont unanimes à dire que "c'est le pire hiver que nous avons connu". Les artisans jusqu'à présent faisaient le dos rond, mais là, ils ne peuvent plus. La crise est bien implantée. Au mois de février, on disait qu'en mars, cela irait mieux, mais ce n'est pas le cas. Les artisans souffrent de plus en plus. Leur chiffre d'affaires se réduit, les carnets de commandes se remplissent au compte-gouttes. A Nabeul et à Hammamet, les boutiques sont désertes. Peu de touristes fréquentent les souks de l'artisanat. Les commerçants notent que depuis quatre mois, les ventes ont baissé. La baisse d'activité est déjà quantifiable dans la poterie, la céramique, le textile, les nattes et le cuir où on constate une importante baisse des commandes « Le secteur est en crise. La hausse des coûts salariaux et la fragilité des trésoreries sont un autre facteur de préoccupation », se désole Habib qui a du mal à payer son personnel. Jalel, un jeune potier est obligé de fermer les portes de son usine en raison de la baisse des commandes « Pas de touristes et donc pas de ventes. Avec la crise, la situation est devenue alarmante et il ne nous reste qu'à croiser les bras ». Le manque à gagner est estimé à au moins 60 %. "Nous savons que durant la basse saison, les ventes chutent. Mais en 2013, c'est pire", disent-ils. Mohamed Ali explique également que "cet hiver, c'est encore plus froid que les autres hivers. Les ventes ont baissé de 75 %". Ceux qui visitent la boutique ne sont pas des touristes acheteurs. « Ce sont des touristes qui regardent", dit-il. La situation est très difficile. Il n'y a pas de clients. Idem du côté des restaurants qui enregistrent une baisse de leur fréquentation de 50%.Les petits restaurants, qui contribuent au charme de Hammamet, font face à de nombreuses difficultés. Les petites enseignes affrontent non seulement une concurrence rude, qui les oppose aux grands restaurants, mais aussi la baisse de la fréquentation de la clientèle. En effet, elle est composée principalement d'une classe modeste, et les fins de mois sont difficiles. « La hausse générale des prix a entrainé une baisse de pouvoir d'achat et donc de la consommation » nous explique un client. "Il y a deux ou trois clients au déjeuner, et trois ou quatre dans la soirée. Mais c'est la quantité habituelle durant cette période. Là, les affaires vont très mal", dit un restaurateur de Yasmine Hammamet qui a souhaité garder l'anonymat. Nadia, une jeune restauratrice attend l'arrivée des clients dans son resto « Nous sommes touchés dit-elle. La crise a changé les comportements. Les gens ont moins d'argent. Ils deviennent pessimistes. La crise est aussi psychologique. Si on s'inquiète pour l'avenir, cela n'encourage pas pour aller au restaurant. C'est pourquoi il ne faut pas être négatif mais au contraire ». Le responsable d'un restaurant spécialisé en cuisine tunisienne à Nabeul abonde dans le même sens, indiquant que "les clients se font de plus en plus rares. Nous avons quatre à cinq assiettes chaque jour, contre une dizaine en générale durant la basse saison, et une vingtaine, ou plus durant l'été". Un contexte qui pourrait peser sur le niveau de l'emploi dans la profession si la chute de l'activité venait à se poursuivre, estime-t-il. « La crise ? On la ressent. Mais on continue notre petit bonhomme de chemin. On essaie de proposer un bon rapport qualité-prix, et puis voilà ! souligne Am Ali. Dans la station des taxis de Nabeul, les taxistes attendent patiemment leur tour. Un vieux pionnier dit avoir noté une baisse d'au moins 90 % quotidiennement des touristes souhaitant visiter la ville. « Nous travaillons avec les Tunisiens et nous essayons de faire face à cette crise qui a secoué toute la ville faute de touristes. Une situation si critique qu'ils peinent à payer leur gasoil .Chaque hiver, nous sommes préparés à une baisse de la clientèle. Mais cet hiver, c'est pas une baisse que nous notons, c'est une énorme baisse", dit Nabil, un chauffeur de taxi. Il fait ressortir que depuis quatre à cinq mois, sa voiture ne sort presque plus de l'aire de stationnement. Bref le contexte n'est pas joyeux mais les professionnels doivent s'accrocher. On accumule les difficultés cette année. La baisse du pouvoir d'achat, la transition démocratique, la sécurité... On n'est pas dans une situation de normalité. La sinistrose s'ajoute à la sinistrose...Il y a un réel problème mais ne baissons pas les bras car comme l'a dit une vieille dame « il faudrait laisser passer l'orage»